Drôles de mystères au Plateau

Le 19 janvier 2011 Jiri Kovanda a «demandé à une femme artiste de participer à une performance» avec lui. «J’étais assis dos à elle raconte-t-il, de manière à ne pas la voir pendant qu’elle me photographiait nue».

Moralité, ni l’artiste ni le public ne peuvent savoir en regardant la photo si l’action eu réellement lieu, si la femme s’est effectivement dévêtue et si Jiri Kovanda s’est retourné pour le savoir. Curieux artiste praguois qui glissait des bonbons dans le sac des visiteurs lors de la Fiac 2007 comme une forme d’incursion artistique.

On ne peut pas reprocher au Plateau/Frac Ile de France, sis sur les hauteurs des Buttes-Chaumont dans le 19 arrondissement, d’avoir jamais versé dans la facilité. Cette dernière exposition, «Nul si découvert», ne déroge pas à la règle et les organisateurs sont bien aimables de déployer des médiatrices sur le parcours.

Jiri Kovanda. Vue de l'exposition "Nul si découvert". Photo: PHB

Pourtant cette exposition est moins hermétique qu’elle en a l’air. Il y a par exemple cette porte fermée dont on comprend qu’il s’agit d’une œuvre parce qu’elle se trouve dans le halo d’un spot et qu’une petite étiquette sur le côté précise que non seulement c’est une oeuvre mais qu’elle est « locked » donc bien close. «Seule l’artiste a les clés explique avec douceur la médiatrice, seul l’artiste sait ce qu’il y a derrière». Ce sont là «les limites de la connaissance» qui constituent l’idée générale de cette exposition. OK. C’est ainsi qu’une vidéo montre un artiste se filmant en train de pleurer mais l’on ne saura pas pourquoi ce qui ne laisse pas d’être troublant.

La porte close. Vue de l'exposition "Nul si découvert". Photo: PHB

Une fois que le visiteur aura intégré ce concept, il pourra se promener  avec bonheur au milieu de cette exposition ô combien originale et véritablement décalée, si tant est que cet adjectif galvaudé conserve encore un sens. Il y a aussi cette pakistanaise, Ceal Floyer, qui a déposé deux projecteurs de diapositives sur le sol et qui ne diffuse que des écrans blancs en juxtaposition avec une intermittence automatique. On peut ricaner mais ça se regarde.

Tout livrer ici reviendrait à buter sur le titre de l’exposition «Nul si découvert» et ne pas tout livrer ici implique de la part de l’auteur de ces lignes une complicité artistique active assez drôle si l’on y songe. Disons que les surprises sont nombreuses et que la palette des auteurs retenus convainc par la diversité de leurs réalisations.

On aime ce (haut) Plateau de la place Hannah Arendt, pour sa capacité à nous abstraire un moment du monde extérieur et de ses contingences mal épicées par des péripéties quotidiennes la plupart du temps idiotes. Nul si découvert signifie a contrario que le mystère a du bon. A une époque obsédée de transparence, ce rappel est sanitaire.

Le site de l’exposition.

Oeuvre signée Man Ray. Exposition "Nul si découvert". Photo: PHB


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