On signale deux apparitions de Case d’Armons

Il n’y en a que vingt cinq à travers le monde et deux seront dispersés coup sur coup, l’un chez Sotheby’s le 15 mai et l’autre le 16 mai chez Artcurial. Ces deux raretés s’intitulent «Case d’Armons», un ouvrage conçu et imprimé avec les moyens du bord, sur le front, en 1915, par Guillaume Apollinaire. «25 exemplaires, écrira-t-il à Madeleine Pagès, un à moi, un à vous, restent 23 à travers l’univers». Le tirage devait être plus important. Chez Artcurial, la mise à prix débutera entre 80 et 100.000 euros. En rêver reste gratuit. 

 

Sur le front, dont il reviendra blessé, Apollinaire est un homme qui ne se plaint pas ou peu. Mieux que ça, dans des conditions forcément très difficiles, il écrit une correspondance si volumineuse, qu’il aurait presque occupé un secteur postal à lui tout seul. Quant il n’a pas de papier, il peut écrire sur une écorce d’arbre. Quand il n’écrit pas, il dessine et quand il ne dessine pas il fabrique des objets divers comme beaucoup de poilus avec du matériel de récupération. Et quand il ne fait pas comme beaucoup de poilus il lui arrive de créer comme une sorte de chef d’œuvre en gravant sur le métal de sa boîte de pâte dentifrice «Ah Dieu que la guerre est jolie».  

Présentation de Case d'Armons sur le catalogue en ligne de Artcurial.

Et c’est ainsi que le 17 juin 1915, il polygraphie «Case d’Armons» (1) sur un duplicateur stencil, de marque Ellams Duplicator, machine dont un exemplaire sera par ailleurs mis en vente le même jour chez Artcurial pour une mise à prix inférieure à 1000 euros. Cette machine sert habituellement à imprimer le journal de la 45e batterie, le «Tranchman’Echo». Apollinaire édite son ouvrage avec l’aide de ses camarades Julien Bodard et René Berthier.

Il y a des différences entre chaque exemplaire, l’ordonnancement des poèmes est changeant et, l’encrage varie. C’est cette rareté dans la rareté qui fait sans doute qu’en 2009 chez Drouot, un exemplaire est parti aux enchères à plus de  250.000 euros. 

Apollinaire qui écrira à son ami René Berthier, comment il était possible de rire sous leurs masques à gaz (Les masques seront simplement mouillés des larmes de rire de rire), était suffisamment crâne pour rimer sous les obus, en voici un aperçu justement extrait de Case d’Armons : 

Le Ciel. Case d'Armons. Guillaume Apollinaire. Image d'une page de la Pléïade. Photo: Les Soirées de Paris.

Ces deux ventes aux enchères coïncideront presque avec l’exposition organisée par le Centre Pompidou-Metz sur la création artistique en temps de guerre et appelée simplement : 1917. «Parade», la plus grande toile jamais réalisée par Picasso en sera la vedette et, de très nombreux artistes structureront par ailleurs la scénographie générale parmi lesquels Braque, Cocteau, Juan Gris, Gromaire, Man Ray, Giacometti et beaucoup, beaucoup d’autres, sans omettre Guillaume Apollinaire dont la présence allait de soi. Une exposition qui, au vu de son programme et compte tenu de son temps de parcours désormais réduit, vaut le déplacement à tout prix. 

(1)  Le titre du recueil est lié au nom du compartiment de la voiture caisson contenant les affaires personnelles des soldats. Le voir sur le catalogue Artcurial

(2)  Les «Calligrammes» étaient à l’origine des Idéogrammes lyriques parus d’abord dans les deux derniers numéros des Soirées de Paris en 1914. 

L'Adieu du Cavalier. Poème paru dans Calligrammes. Mise en page: Les Soirées de Paris.

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4 réponses à On signale deux apparitions de Case d’Armons

  1. de FOS dit :

    Emouvant, intéressant, instructif. De quoi songer au lancement d’une souscription « Apo » par les contributeurs des SdP…

  2. jmcedro dit :

    Cela vaut probablement en tous les cas la présence des Soirées lors de la vente…

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