La Coupole est pleine

Ce n’est pas un succès mais une émeute. Ce n’est pas une ambiance mais un vacarme incantatoire à la bouffe française. L’organisation y tient de l’art militaire et pourtant nous ne sommes qu’à la Coupole, bd du Montparnasse, un banal soir de la semaine. Le monde entier s’y donne rendez-vous.

Autant de gens à piloter qui débarquent pour la séance de huit heures et pourtant, en moins d’une minute, nous voilà assis à la table 77. Nos trois couverts sont là. Les assiettes viennent de Limoges comme il se doit sur toute table élégante et ces constatations sont à peine faites que l’on nous distribue trois cartes. Nous avons décidé de tout noter comme à l’école.

La faute en est à la banalité du plat traité sans maestria ni génie avec juste un peu de technique. La frisée aux lardons avec ses croûtons dorés et ses deux œufs pochés se verra attribuer la note la plus basse. L’enthousiasme a vu son niveau remonter pour le saumon norvégien (15) mais c’est le propre de ces poissons inventeurs du GPS que de remonter les niveaux et de franchir des sauts. Pareil et même mieux pour le croustillant de cabécou qui a vu la sévérité de son examinatrice flancher pour un 19 sur 20.

Il est utile de préciser qu’à ce stade nous avions d’une part rincé une partie de notre sphère ORL avec un champagne Baron de Rothschild et, démarré une bouteille de la Gaffelière 2007 qui exhalait le sans faute dès la première prise de nez.

Servi depuis 1927, le curry d’agneau nous a été servi par un indien en livrée tout droit sorti des cuisines du Taj Mahal. Un homme qui doit se faire prendre en photo un minimum de 600 fois par soirée. Quatorze sur vingt seulement ce n’était pas la faute à l’épaule mais, la responsabilité en incombait à la sauce et au riz, fonctionnels et sans inspiration particulière.

Choisi deux fois, le filet de dorade et risotto d’épeautre aux cèpes avec sa sauce au beurre et riesling a réussi à décrocher un 16 sur 20. Belle réalisation, belles textures, nombreuses nuances, la note aurait peut-être pu faire mieux mais trop d’enthousiasme tait la bonne critique et étouffe la lucidité.

Détail d'un des plafonniers de La Coupole. Photo: Les Soirées de Paris.

Nous n’avons pas tenu jusqu’au dessert. Si une fusée Ariane avait décollé du centre de la salle, là où nous nous trouvions, à une extrémité Nord, nous ne l’aurions pas entendue. Aussi lorsque l’un de nous trois a suggéré d’aller prendre un dessert ailleurs, après lui avoir fait répéter deux fois et finalement compris ce qu’il voulait dire en lisant sur ses lèvres, nous avons opiné du chef et demandé l’addition. Nous avons d’abord payé celle de nos voisins, 188 euros au lieu de 198, et le serveur confus de son erreur n’a pas osé nous réclamer la différence que nous lui avons pourtant donnée.

Bref la Coupole, c’est comme la séismothérapie (le terme élégant pour électrochoc) ça secoue pendant mais après faut avouer que ça va mieux.

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2 réponses à La Coupole est pleine

  1. jmcedro dit :

    On préfère la notation à la note. C’est très bien ce carnet de notes, il va falloir l’étendre aux bouquins, expos, ect, et (bientôt) mettre tout cela sous tableur afin de constituer une vaste base de données pour les générations à venir.

  2. Bruno Sillard dit :

    Le bruit à la Coupole je connais, je dois avouer que ma mère en fait sa cantine, quand elle vient à Paris. Il faut aussi dire qu’elle est en pleine forme du haut de ses 82 ans, elle est seulement un peu sourde.

    Le bruit ? Mais c’est la Coupole…voyons !

    Quand elle fut restaurée et réaménagée, à ce qu’il me semble le restaurant fut classé en 1988, on fit une étude de clientèle, et que croyez vous qu’il en sortit : le bruit était un des tous premiers critères indispensables à l’image de marque de la Coupole.
    Aussi utilisa-t-on un bon vieux béton bien réverbérant.
    A charge pour le maître d’hôtel de faire le confident à défaut de ne pouvoir parler à ses hôtes. Une fois il me susurra à l’oreille qu’à la table d’à côté mangeaient le président et son adjoint, d’un club de Foot madrilène, en charmantes compagnies. Non je ne parle pas de la pyramide d’huîtres plates. J’avoue que le Football ne m’évoque pas grand-chose. C’est bruyant aussi, non ?
    Mais j’ai le souvenir d’un pourboire d’un billet en euros que l’on n’utilise que rarement.

    Enfin bref, pour s’entendre manger mieux vaut s’en aller à côté, au Dôme, le meilleur restaurant de poisson de Paris et la meilleure poissonnerie aussi.
    Certes c’est un peu cher, mais la parole n’a pas de prix !

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