Le Bon Marché se songe en cabanon

En 45 minutes, le 30 décembre 1951, Charles-Edouard Jeanneret-Gris, dessine les plans d’un cabanon de 11 mètres carrés. Dans ce qui ne serait même pas qualifié de «studette» de nos jours, Le Corbusier, car c’est bien de lui qu’il s’agit, intègre deux lits, une table pivotante à un pied, un lavabo, des toilettes. Le tout face à la méditerranée dont il confesse un attachement profond. Cette copie de cabanon est visible jusqu’au 23 juin au Bon Marché.

Vraiment, à voir Le Corbusier le plus souvent en maillot de bain, parfois avec ses amis ou voisins à proximité de son cabanon qui verra le jour en 1952, cela donne des envies de laisser tomber là les «openspaces» dans lesquels nous sommes paradoxalement enfermés. C’est après avoir séjourné dans la grande villa E-1027 dessinée et conçue par Eileen Gray à Roquebrune-Cap-Martin, que Le Corbusier commence à s’enticher des environs. En 1949, il fréquente une guinguette qui vient d’ouvrir, l’Etoile de Mer, où il déjeune. C’est là que lui vient en tête de concevoir une sorte d’atelier d’été en bordure de la plage de galets.

Les toilettes du cabanon de Le Corbusier. Photo: Les Soirées de Paris

Sur onze mètre carrés il réalise un petit exploit de modularité. On ne peut pénétrer qu’au maximum à trois dans la copie exposée au Bon Marché. La vue sur la mer pouvait sans doute compenser l’exiguïté de l’affaire mais onze mètres feront toujours onze mètres c’est une loi universelle et ceci bien que les 500 000 kilomètres carrés du territoire français tiennent également sur les 11 fois dix plis d’une carte Michelin.

Dans le cabanon, les toilettes ne sont séparées du séjour que par un rideau. Cette seule indication dit bien qu’après l’exploit il y a le vécu et que les efforts qu’obligent les contraintes d’un Soyouz ne se sont pas forcément exigibles sur une plage du littoral méditerranéen. D’ailleurs il construira un autre cabanon à côté, en 1954, qui lui servira de chambre de travail.

Deux ans dans le premier vaut quitus pour le suivant. Avant Versailles, qui sait, il y a peut-être eu une idée de cabane ayant fini par dégénérer. A noter que c’est à proximité de ce cube, après une baignade, que l’architecte mourra en 1965 à l’âge de 77 ans, pour l’un de ces cabanons définitifs, absolument pas modulables et voués à l’ensevelissement.

Le Bon (et grand) Marché nous offre gratuitement cette aimable exposition en deux endroits différents (un à l’intérieur, l’autre au milieu de la passerelle de liaison entre les deux bâtiments)  et il serait dommage de se priver de ce petit plaisir. Au reste c’est bien calculé puisque l’auteur de ces lignes est reparti avec dans les mains une chemise de nuit non prévue au programme. Il reste désormais à entrer dans un magasin de chemises de nuit avec le bon espoir d’en sortir avec un cabanon en kit et une feuille de route pour Roquebrune-Cap-Martin.

Aspect de l'exposition sur le Cabanon de Le Corbusier et des clichés de Lucien Hervé au Bon Marché. Photo: Les Soirées de Paris

Le Bon Marché. 24 rue de Sèvres. Métro : Sèvres Babylone

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5 réponses à Le Bon Marché se songe en cabanon

  1. Marie dit :

    L’original se visite à Roquebrune Cap Martin : au bout d’une jolie et courte ballade, agrémentée d’un échantillon exceptionnel de flore méditerranéenne, grâce, entre autres, au Conservatoire du littoral qui a fait l’acquisition du cabanon pour en préserver le site

  2. Philippe Bonnet dit :

    Précieuse information, merci.

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