La claque Dewaere…

Peu d’acteurs crèvent l’écran. Jacques Audiard a bien su révéler un Romain Duris, dans De battre mon cœur s’est arrêté ou un Matthias Schoenaerts dans De rouille et d’os mais des acteurs comme Patrick Dewaere -qui ne vous ne laissent pas indemnes, qui vous touchent en plein cœur, qui vous renversent littéralement- relèvent de l’exception. La preuve, il s’est tiré une balle dans la bouche il y a 30 ans précisément, un 16 juillet, et on en parle toujours au présent.

Les valseuses (Blier), La meilleure façon de marcher (Claude Miller), Préparez vos mouchoirs (encore Blier), Coup de tête (Jean-Jacques Annaud), Série noire (Alain Corneau), Mille milliards de dollars (Henri Verneuil), F comme Fairbanks (Maurice Dugowson) …

 

Patrick Dewaere sur le "mur" de Google images. Photo: Les Soirées de Paris

Avec son jeu bien à lui – nerveux, profond, généreux, franc, excessivement juste – il a laissé une trace indélébile. Dans Série Noire, il incarne un représentant de commerce qui traîne sa misère dans une banlieue parisienne merdique. Dans La meilleure façon de marcher, il joue l’animateur de colo pervers, bourré de paradoxes.  Dans Coup de tête, il est ce joueur de foot qui promet à la fille qui l’accuse injustement de viol de se faire «rembourser».  Dans F comme Fairbanks, il est chômeur et perd progressivement toutes ses illusions avant de s’enfoncer. Dans ce film, il a Miou-Miou  pour partenaire, avec qui il vient de se séparer dans la vraie vie. Ensemble, ils revivent leur vie à l’écran, amoureuse puis tragique. Dewaere passe par tous les états émotionnels -des fous rires aux larmes. 

C’est sûrement ça le «plus» de Dewaere : son vécu, son parcours de vie, marqué par une enfance difficile et la défonce. Un mal être qui le pousse à transcender ses rôles dans tellement de films. «Je suis un homme sans importance… J’étais déjà un bébé sans importance…», lâche-t-il dans La meilleure façon de marcher. «J’ai vu Dewaere dans les Valseuses mais c’est dans F comme Fairbanks que je l’ai vraiment découvert raconte Stéphane Bellec, un admirateur inconditionnel. Je m’y suis tout  de suite identifié. Sa façon de s’énerver, de souffrir, d’exprimer le désespoir, le chagrin, sa «fureur»  de vivre… Dans tous ses films, il est à poil !  Il ne joue pas. Il est vrai, authentique et donne tout ».

Dewaere est un acteur physique, capable plus que quiconque, d’exprimer les choses de l’intérieur par un langage corporel détonant : gestes vifs, postures viriles, façon énergique et décidée de se déplacer… Les coups de tête  improvisés sur le capot de sa voiture dans Série noire sont devenus mythiques !  «Il a toujours une vulnérabilité bien assumée, masculine, comme dans Coup de tête, dans la scène où, viré, il se met en slip dans le bureau de son patron («je te dois tout», «je te donne tout») », poursuit Stéphane Bellec. S’il est aussi touchant, c’est parce qu’il est Monsieur Tout le monde, avec ses failles, ses démons. Alors pourquoi n’a-t-il pas été reconnu à la hauteur de ses talents, de son vivant ? Sûrement un peu, parce qu’il était hors-système, pas showbiz pour un sou. Il ne se mentait pas. Il ne nous mentait pas.

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5 réponses à La claque Dewaere…

  1. curt dit :

    C’est un plaisir de lire un hommage à cette belle personne mais il est difficile d’admettre ce propos.
    S’il n’avait pas été reconnu à la hauteur de ses multiples talents, sa filmographie n’aurait pas été celle-ci.
    Acteur précieux aujourd’hui, il l’était déjà hier et avant sa mort, cette personnalité exceptionnelle était déjà révélée, ailleurs qu’à l’écran, sur les planches, dans sa vie et au-delà du cercle des cinéphiles avertis.
    Sa mort – comme pour tous ceux qui partent très tôt et brutalement – a fini le trait et gravé le mythe Dewaere dans un infini possible à rêver sans jamais avoir plus d’images. Juste le choc de son geste qui a laissé là, son sac, comme dans une consigne de gare impossible à ouvrir sans lui. Tragique et absurde.
    Dewaere n’était pas ignoré de son vivant ni méprisé. C’est bien le mal qu’il fit lorsqu’il disparut. Misérable beauté, c’était déjà ce Dewaere, il y a 30 ans et plus. Les années n’y ont rien changé ; elles sont passées. Son mystère et ses charmes étaient au coeur du cinéma français. Ils y sont restés mais Dewaere n’est pas plus célébré aujourd’hui qu’hier. pas plus connu ni méconnu.
    Triste anniversaire.

  2. Bruno Sillard dit :

    Le cinéma donne à certains des siens l’illusion de l’éternité. Lors du triomphe d’un empereur à Rome un esclave derrière lui soufflait en permanence à l’oreille : « N’oublies pas que tu es un homme. » A l’inverse, le spectateur voudrait souffler à l’artiste, éternellement : « N’oublies pas que tu n’es qu’une star. »
    Le cinéma est une histoire de beauté volée où l’acteur n’en est que plus beau que s’il a été dévoré par une vie qui n’est plus la sienne.

  3. Bruno Philip dit :

    Sans oublier « Adieu Poulet » ou Dewaere est juste très bon aux côtés de Lino Ventura

  4. GIRERD Maryse dit :

    Juste très bon, oui…

  5. FLO dit :

    Très bel article, cependant il y a une erreur. Patrick Dewaere lance à sa partenaire France Dougnac « j’étais déjà un bébé très ordinaire… » dans le film Coup de tête de JJ Annaud. Un grand acteur, sincère qui a accompli son travail d’acteur avec sérieux et sincérité sans se prendre au sérieux.
    Flo
    http://dewaere1947.tumblr.com/

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