Au théâtre cet après-midi

Même l’automne avec son manteau de ciel gris ne pourra avoir raison de la fructueuse imagination des faiseurs de spectacles pour petits parigots. A l’abri d’un dynamique théâtre de poche du côté de Saint-Ambroise ou sous les dorures d’une mythique salle Second Empire, revue subjective en trois volets. Où nos marmots n’ont pas encore conscience de la terrible lutte des classes qui martyrise jusqu’au porte-monnaie de leurs parents (grands-parents, tantes et oncles bienvenus).
Trois spectacles donc, trois bons moments familiaux, trois valeurs sûres certes a priori. Direction l’Aktéon tout d’abord, auto-proclamé « plus grand des petits théâtres ». Ce n’est pas grand il est vrai. Face au square Maurice Gardette (résistant et conseiller municipal fusillé en 1941, référence pour le souvenir et la conversation avec les mamans du quartier), la programmation est riche, pour adultes et jeune public.

Merlin l'enchanteur (dr)

Simplicité, sincérité et enthousiasme pour les enfants assis en rang d’oignon sur les petits bancs de bois, les parents sont derrière (bon sang, c’est le mien qui pleure ?!). Avec « Mélisses, la petite fée qui disait qu’elle était nulle », Murielle Vincent, auteur et interprète, emmène les bambins à partir de 5 ans dans un conte merveilleux peuplé d’animaux rigolos, avec pour tout décor mille astuces sorties de son costume caméléon.

Nous voilà partis avec un lièvre, un écureuil, un ver de terre pour aider Mélisses, pas si nulle. Une fois sortis indemnes de ces aventures, nous voilà repartis de plus belle, cap sur la forêt de Brocéliande. « Merlin l’enchanteur » et Vivianne nous y attendent. Vous avez tout de même le temps si vous souhaitez voir les deux spectacles de reprendre des forces au square (s’y prélassent des Merlin et Vivianne en pagaille).

Pour ce spectacle à hauteur de bambin, un homme et une femme, un peu de magie, celle des tours et celle de l’amour bien sûr. Même si pour former un couple chacun doit abandonner une part de liberté. C’est tendre et drôle à souhait pour les petites princesses et les enchanteurs en herbe. Autant de bonheur pour 50 euros les dix entrées en jeune public en ce théâtre, ce serait une grande erreur que de s’en priver.

50 euros, c’est quasiment le tarif d’un seul fauteuil en première catégorie aux Bouffes Parisiens pour Le Quatuor, troisième et dernier volet de notre déambulation du jour (oh non, déjà ?!). Le Quatuor (ci-contre), avec les enfants ?! Ce spectacle, ce show pourrait-on dire, est effectivement un spectacle pour enfants. Petits et grands. Le fait est que succès aidant (ou oblige), nul besoin (j’ose espérer que l’envie y est quand même) de draguer les cours de récréation, quand la salle chargée d’histoire est comble de touristes ou de fans de la première heure (la bande du Quatuor a 30 ans). Pourquoi bouder la tentation lorsque le spectacle est en effet de haute tenue, un défilé ininterrompu de gags musicaux très visuels (ou bien souvent en Anglais lorsque les langues se délient, un langage commun à toutes les permanentes du monde).

Non, vraiment, cette revue « Danseurs de cordes » est impeccable, son succès (pardon, son « triomphe » comme le proclame l’affiche sans fausse modestie, il faut se faire désirer) est mérité. Tout est réglé au millimètre dans ce tour du monde musical à travers les époques, du classique naturellement, comme du populaire Pont d’Avignon, du folklorique cornemuse et bombarde (discret hommage aux Sœurs Goadec, à donner la chair de poule aux Bretons de passage), du pop et du rock.

Les quatre acolytes se permettent tout et on rit de bon cœur. A dire vrai, mon voisin de sept ans s’est gondolé pendant tout le spectacle. J’en étais si heureux pour lui. Nos regards se croisent, son sourire s’efface un instant et voilà que ce petit privilégié me lance : « Papa, pourquoi tu rigoles pas ? ». Je l’ai pris au sérieux, j’ai ri. De bon cœur.

PS en apothéose : J’en avais fini vendredi du modeste appel à la sortie familial ci-dessus, et voilà que samedi, nous avonsrêvé au Conservatoire. Encore et toujours le Conservatoire (national supérieur d’art dramatique). Présentation publique du travail de l’atelier clown des élèves de troisième année, sous la direction d’Yvo Mentens. Je croyais en avoir terminé de mon ouvrage, déjà bien trop long, avoir suffisamment positivement brossé le portrait de l’Aktéon et du Quatuor, des bons moments de théâtres pour les enfants, petits ou
grands. Personne ne lirait jusqu’ici, ne retient pas l’attention comme Bruno Sillard qui veut. Mais voilà, le clown a surgi. Tendance Semianyki, à vrai dire bien plus réjouissant encore. Comme d’habitude la magie opère, tout est magistral, de l’interprétation aux décors, la mise en scène ou la musique. Une bande de jeunes qui s’amusent sérieusement pour nous offrir un rêve. Tous ont le nez rouge et nous font rire, souvent, sans oublier quelques instants d’émotion. Ils sont visiblement heureux de nous présenter le beau fruit de leur travail, avec toujours
beaucoup de finesse.

Pour mettre en pièces mon friable argument de lutte des classes, rappelons (mais oui bon sang, rappelons, c’est
important) que les représentations publiques du Conservatoire sont gratuites, avec réservation indispensable. Rendez-vous l’année prochaine pour le prochain atelier clown, d’ici là demandez le programme. Voilà,
rideau.

 Pour l’Aktéon, tapez 1

Pour les Bouffes Parisiens, tapez 2

Pour le Conservatoire, tapez 3

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3 réponses à Au théâtre cet après-midi

  1. Philippe Bonnet dit :

    Il est bien d’accorder un peu de temps aux petits parigots, futurs sinon déjà lecteurs des Soirées par ailleurs. PHB

  2. Bruno Sillard dit :

    Salut l’ami, merci pour tes ballades entre cours et jardins. Et je ne sais pas ce qu’il y a de plus difficile pour occuper une scène, quel que soit le théâtre : la créer, y jouer ou en parler. En parler, c’est à dire réussir à convaincre du bout de ses doigts, caressant son clavier, tous les enfants de tous les paradis qu’ils y trouveront bonheur, émotion ou plaisir des mots. Bref qu’encore une fois ils vivront une belle soirée des Soirées de Paris. Un plaisir que tu nous offres, l’ami.

    • Benoît dit :

      Merci Bruno pour la caresse, mais « en parler » ce n’est rien, du bla bla, la valeur on la découvre assis dans un fauteuil d’orchestre ou sur un strapontin du paradis.

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