Un père qu’on ne veut pas voir partir

Si jamais la vieillesse est un naufrage, Robert Hirsch est bien le commandant du navire et montera le dernier sur la chaloupe. Jeune homme de 87 ans, il illumine Le Père, la pièce de Florian Zeller actuellement présentée au Théâtre Hébertot. Une réussite totale, du rire aux larmes.

Voilà une pièce écrite avec brio tout spécialement pour Robert Hirsch. D’une écriture contemporaine fine et ciselée, un scénario tour à tour diabolique et émouvant, cruel et attendrissant. L’auteur joue avec malice avec la perception spatiale et temporelle du spectateur pour figurer la confusion dans l’esprit des personnages.

Soit un père et sa fille, en première ligne, un père bougon qui refuse d’abandonner son indépendance, mais qui tout de même perd un peu la tête, et une fille qui le voit vieillir et cherche « la solution ».

Isabelle Gélinas campe merveilleusement bien cette fille douce et désemparée. L’intrigue nous offre qui plus est deux savoureux « personnages-doubles », mari excédé d’un côté, aide-soignante débordée de l’autre. La mise en scène, le décor (qui glisse au fur et à mesure vers le dénuement), les lumières, la musique, tous les éléments sont à la fête, ils alimentent la magie de l’écriture et du jeu des comédiens.

Le Père nous embarque dans une histoire du temps qui passe, du respect des aînés, de la cohabitation entre générations. Mais la pièce n’est pas un long fleuve tranquille qui s’écoule vers une fin attendue. Sans esbroufe ni condescendance, l’auteur nous installe dans le salon d’un grand appartement, celui d’un père que sa fille ne veut pas voir partir. Un excellent moment de théâtre.

Précipitez-vous Boulevard des Batignolles

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Une réponse à Un père qu’on ne veut pas voir partir

  1. Nonos de Lutetia dit :

    Encore à l’affiche pour un moi, ce « Père » est un véritable petit bijou ! Rarement le théâtre a reflété d’aussi près la vérité de la vie. Tant le texte, que les acteurs et la mise en scène sont en harmonie pour accompagner le spectateur sur ce chemin de la vieillesse d’un proche, qui sombre imperceptiblement de la réalité aux ténébères qui précèdent la Lumière.
    Les mots et les attitudes sont si justes que chacun saura retrouver telle ou telle histoire personnelle ou entendue. Dans ce terrible combat de l’homme qui perd pied avec la réalité, l’amour filial, véritable acte de foi et de courage, triomphe. Pour autant, les moments de découragement, de rage ne sont pas ignorés mais sublimés.
    Admirable Robert Hirsch, qui ne joue pas mais vit son rôle avec une telle intensité que le spectateur se laisse entraîner dans sa déchéance.
    Les figures de soignants, trop souvent décriés dans notre monde moderne, sont montrés sous leur plus beau côté, patience, accompagnement, écoute…. un beau témoignage à l’heure de la banalisation de l’euthanasie.
    Cette pièce est finalement une formidable leçon de vie et d’Espérance

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