Expo : les petits détails qui peuvent parfois tout changer

Sortir heureux d’un musée, d’une salle d’exposition, d’une galerie, est un pari parfois hasardeux. Il ne suffit pas d’avoir aimé les toiles, les photos, les sculptures qu’on y est entré voir. Revue de bons et mauvais détails qui peuvent sublimer ou détruire une émotion.
Au commencement, bien sûr, il y a le lieu : toujours impressionnant de déambuler dans un bel espace, historique, conceptuel,  chaleureux, calme. Mais on se souvient aussi de salles municipales désertes, trop sonores, mal éclairées où le contenu faisait oublier la très grande modestie du contenant, c’était par exemple, à Port-Vendres, il y a quelques années et l’on y contait une histoire récemment évoquée dans les Soirées de Paris, celle de la dynamiterie de Paulilles. L’émotion n’y avait pas besoin de présentoir et l’on dévorait tous les souvenirs évoqués.

A l’inverse, parfois, une splendide salle voûtée, un atelier d’artiste tout en intimité, un labyrinthe couvant jalousement ses œuvres perdent tous leurs attraits, envahis qu’ils sont par une nuée d’étudiants en beaux-arts, cramponnés à leurs carnets d’estampes, solidement campés devant l’œuvre ou la vitrine qui devient alors inaccessible au visiteur ordinaire…et frustré.

L’étudiant en beaux-arts est à l’évidence une espèce qui se déplace en meute et qui, armé de ses crayons, devient propriétaire du lieu. La meute n’est pas toujours bruyante, juste un peu envahissante. Mais elle a son chef, le professeur qui professe et diffuse savoir et conseils à haute voix afin que toute la troupe, même éparpillée, en profite.

Là, rien à faire : sauf miracle, vous n’êtes pas arrivés à la fin de la séance éducative, donc ils ne sont pas sur le point de vous céder le terrain et hormis fuir dans la salle d’à côté pour jouir en paix de la visite, pas d’issue, seulement des positions de repli.

Il ne s’agit pas là de nier la nécessité de former les aspirants-artistes mais simplement de rêver qu’un jour où l’on irait dans une expo réduite à deux salles où déjà une vingtaine d’étudiants accompagnés de leur docte professeur occupent les lieux, les vendeurs de billets vous alertent que la visite ne sera pas de toute tranquillité.

Au rang des possibles déconvenues, on peut compter l’audio-guide. Aujourd’hui, pas un musée n’envisagerait de vous laisser pénétrer ses salles sans vous proposer un audio-guide. Si l’on met de côté tout commentaire sur l’étrangeté du ballet de visiteurs qui ont l’air plongés dans une conversation téléphonique muette, il faut bien avouer qu’en matière d’audio-guide, tous les coups (et coûts) sont permis. Certains sont utiles et précieux. D’autres consternants deviennent vite encombrants.

Pour ne citer que deux expériences récentes, donc non représentatives, mention spéciale avec félicitations du jury à l’audio-guide du musée Nissim de Camondo : où l’histoire de cet hôtel particulier née dans l’imagination fertile et curieuse d’un passionné des arts décoratifs du 18ème siècle vous est narrée de sorte qu’elle vous tirerait presque les larmes, tout en soulignant subtilement la préciosité ou la rareté de telle ou telle pièce. C’est une merveille.

Le musée Zadkine. Photo: Les Soirées de Paris

En revanche, mention grande déception du côté du musée Zadkine, refait de neuf, plus aéré, très prometteur… mais où l’on se laisse abuser par la confiance accordée a priori à la rénovation essentielle en l’étendant à l’audio-guide accessoire :  non seulement le numéro des œuvres commentées ne s’accorde pas avec la progression de la visite, mais surtout très vite, l’on se demande pourquoi certaines œuvres ont bénéficié d’une sélection alors que d’autres plus complexes auraient largement mérité un éclairage d’expert ou pourquoi la conservatrice interrogée évoque parfois des cousinages artistiques dans un raccourci si raccourci qu’il reste totalement hermétique. Il ne reste qu’à appuyer fébrilement sur la touche « STOP » : l’appareil entrave au moins autant le plaisir des yeux que les fameux étudiants en beaux-arts mentionnés plus haut qui ont envahi les planchers n’entravent la déambulation.

On aurait pourtant tant aimé aimer la visite. Sans doute est-ce difficile de concevoir l’audio-guide idéal qui conviendra à toutes sortes d’attentes de toutes sortes de publics mais l’abstention pourrait parfois être une bonne option même si, dans le cas particulier, il s’agit d’une source de revenu pour le musée.

Apollinaire vu par Zadkine. Photo: PHB LSDP

L’audio-guide à l’ancienne, c’est le guide-conférencier. Saluons ceux «technologisés» qui ont délicatement adopté le micro dans lequel ils chuchotent et distribuent des écouteurs à leurs auditeurs privilégiés. Le petit troupeau muet revêt parfois d’étranges allures quand il sourit à un commentaire sûrement subtil réservé à ce public exclusif par un expert enthousiaste. La discrétion suscite souvent la curiosité… Le contraste est saisissant avec leurs homologues vraiment à l’ancienne qui hurlent leur science sans ménager les oreilles ni la tranquillité de ceux qui n’ont pas eu le bon goût de vouloir y goûter. Là encore, statistique très personnelle, mais il semble que les musées de la ville de Paris regorgent de cette espèce trop bruyante pour que leurs propos restent audibles.

Enfin, pour le grand nombre de visiteurs qui souhaitent découvrir par eux-mêmes, s’offre la lecture des panneaux pédagogiques et de toutes leurs formes dérivées. On en a vu d’ingénieux dont on pouvait lire au choix l’original ou l’ombre portée dans les vitrines ; on en a vu d’illisibles  parce que placés trop hauts ou trop éclairés ; on en a lu d’intelligents et des trop bavards, mais aussi des trop vides ; on en a cherché d’autres inexistants, découvert certains restés bien indigents …

Et, après tant de coups de cœur et d’instants de rage muséale, on a fini par se demander si les conservateurs n’avaient pas tout simplement perdu de vue leurs visiteurs.

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7 réponses à Expo : les petits détails qui peuvent parfois tout changer

  1. J’ai visité le musée ZADKINE avec mon prof de sculpture, aussi la visite fut exceptionnelle – je pense que c’était avant les travaux.
    bien cordialement

  2. Le seul endroit est charmant. PHB

  3. Bruno Sillard dit :

    Certes visiter une expo réputée relève parfois de la stratégie. En cas de forte influence, quelqu’un me donnait comme « truc » pour passer rapidement d’une salle à l’autre, de repérer un groupe de japonais et de se fondre temporairement dans cette foule. En général ils visitent plutôt rapidement voir même très rapidemment et bénéficier de leur force d’inertie peut-être utile. A contrario éviter les groupes d’Allemands trop studieux, et même les Français qui s’effilochent.
    N’ayant pas une forme tiptop, mais ayant toujours la bougeotte, j’ai découvert que les musées parisiens étaient bien équipés en chaises roulantes et que le personnel mettait un point d’honneur à ne pas faire attendre le client à roulettes. Ainsi au Grand Palais, visitant Hopper j’ai découvert le secret de cloisons apparemment sans porte, qui s’effacaient pour découvrir un énorme monte-charge.
    Bien que je me passerais bien de la chose, il faut bien reconnaître que parfois certaines situations créées par mon équipage ressortent d’un film de Tati : la foule qui s’efface devant soi ou les personnes qui régulièrement se prennent les roues avant sans les chevilles et qui s’en excusent, les pauvres n’y sont pour rien. J’ai même soupçonné une fois une amie qui m’accompagnait de trouver assez jubilatoire ce slalom qu’elle menait grand train…

    • Frémiot dit :

      Pas mal le truc de la chaise roulante…. moi qui ait tant mal au dos et qui porte une ceinture lombaire pour visiter les musées! mais faut-il avoir une carte de handicapée pour pouvoir en bénéficier? j’en suis pas là mais bon..

      • Bruno Sillard dit :

        Eh oui il faut quand même avoir une carte, mais on ne réclame rien à l’accompagnateur …

    • Frémiot dit :

      Pas mal le truc de la chaise roulante…. moi qui ait tant mal au dos et qui porte une ceinture lombaire pour visiter les musées! mais faut-il avoir une carte de handicapée pour pouvoir en bénéficier? j’en suis pas là mais bon..

  4. de FOS dit :

    Très amusant et si vrai… Je veux bien de Marie J pour guide de ma prochaine visite d’exposition !

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