« Il était une forêt », le baldaquin des arbres

Affiche du documentaireComment expliquer aux  mortels que nous sommes les cycles de la forêt vierge ? Comment leur raconter la vie et  la mort des géants quasi millénaires qui la peuplent ? Luc Jacquet se propose de répondre à ces interrogations dans un film documentaire à grand budget qui mêle astucieusement caméra, animations et dessins.

Luc Jacquet, c’est le jeune réalisateur qui  s’est illustré par « La Marche de l’empereur » mettant  en scène l’incroyable  instinct de reproduction des vaillants manchots-empereurs  de l’Antarctique. Des années de recherches, d’observations et de travail  couronnées par l’Oscar du meilleur film documentaire.

Avec « Il était une forêt », Luc Jacquet s’attaque au règne végétal. Il passe de ce qui bouge à ce qui est immobile, nouvel exploit dans la difficulté. Il puise aux bonnes sources de la botanique avec Francis Hallé à ses côtés. Aujourd’hui âgé de soixante-quinze ans, ce botaniste et biologiste doit sa renommée à ses travaux sur les forêts tropicales qui ceinturent la planète.

Image extraite de la bande-annonce

Image extraite de la bande-annonce

Il est le seul humain à intervenir et apparaître dans le moyen métrage (1h18). Il raconte avec poésie l’invisible et crayonne sur un calepin des dessins qu’on croirait naïfs s’ils n’étaient si près de l’original. Perché au sommet des grands arbres, ce contemplatif passionné distille à l’occasion ses sentences : « L’art des arbres consiste à se tenir debout« . « L’animal maîtrise l’espace, l’arbre le temps« …  

Le documentaire vaut surtout pour ses survols des océans verts et ses vertigineuses plongées au ras des fougères. On est sur le tapis volant avec Luc Jacquet aux commandes et Francis Hallé aux commentaires. Naviguant sur le Radeau des cimes, cet objet volant qui permet  aux chercheurs de survoler la canopée (sommet des arbres directement accessible au rayonnement solaire).  

Embarqué pour un survol  des baldaquins des arbres, le spectateur fait moisson d’informations  sur ces vertes reliques que sont nos forêts tropicales, vierges ou non de l’intervention humaine.

Déroutante au  départ, l’animation sert la pédagogie du propos. Ses accélérés s’imposent même pour comprendre et mesurer  l’incroyable génie végétal qui préside à la destinée de l’arbre à tous les étages. Flore touffue et faune grouillante se partagent les strates de ces géants verts. Dans ces forêts amazonienne, indienne ou africaine, seule  la  taille des éléphants rencontrés renseigne sur l’identité du Continent visité.   

Image extraite de la bande-annonce

Image extraite de la bande-annonce

L’art du tandem Jacquet-Hallé consiste à révéler la personnalité du moindre végétal. On s’amuse de la ténacité de la clématite à faire le match, la revanche et la belle avec une larve de papillon. Le vainqueur n’est pas celui qu’on croit. La liane trouve la parade à chaque nouvelle attaque du coléoptère. L’escalade juché sur les épaules de Darwin. On sait la nature est cruelle mais on reste surpris de l’ingratitude parasitaire du figuier-étrangleur. Ses racines, nées sur les plus hautes branches d’un arbre, l’emprisonnent peu à peu en plongeant vers le sol. Le figuier étrangle son hôte qui meurt d’avoir réchauffé cette vipère en son sein.

Il est en revanche des pouvoirs prêtés aux géants verts qu’on trouvera moins convaincants. Tel celui d’appeler la pluie via l’émission de molécules odorantes. On adhère au mystère sylvestre, pas à la sorcellerie. Difficile aussi de croire en la faculté des arbres de s’avertir mutuellement d’un risque d’agression pour laisser au feuillage le temps de se détruire ou devenir toxique. L’histoire est  belle mais  Francis Hallé n’est pas à l’abri du soupçon de partialité vu son engagement dans la lutte contre la déforestation. Il confesse d’ailleurs à la fin du documentaire n’être point parvenu à percer le mystère des grands arbres au terme de plusieurs décennies d’observations.

 

La bande-annonce sur Youtube.

Print Friendly, PDF & Email
N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Documentaire. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à « Il était une forêt », le baldaquin des arbres

  1. Philippe Bonnet dit :

    « L’art des arbres consiste à tenir debout », voilà une (belle) formule qui peut se décliner à l’envi. L’art du etc…de quoi jouer longtemps! PHB

Les commentaires sont fermés.