Joutes océaniques

Océan. Photo: Les Soirées de ParisOffrez vous une giclée d’eau de mer et une bouffée d’iode avec deux films mettant  en scène un homme, un bateau, les flots. Et bouclez votre gilet de sauvetage, la traversée et la dérive océaniques ne sont pas de tout repos.

Les deux longs métrages « maritimes » sont de factures différentes. Dans « En solitaire », le réalisateur français Christophe Offenstein raconte les péripéties d’une course à la voile en solitaire et sans assistance doublée d’un dilemme humain. Alors qu’il figure en tête du Vendée Globe, le skipper breton (François Cluzet ) découvre qu’il  a embarqué à bord un passager clandestin.  Challenge sans conscience n’étant que ruine de l’âme, esprit de compétition et devoir moral vont s’affronter sur la houle,  le spectateur suivant sur écran-radar l’avancée des bateaux compétiteurs comme une course de petits chevaux.  

« All  is lost », de l’américain JC Chandlor, raconte lui les déboires d’un placide plaisancier (Robert Redford) qui  naviguait en père peinard dans l’Océan indien quand son voilier heurta un conteneur à la dérive. Funeste accolade ! Le marin va tomber de Charybde en Silla, d’avaries en fortune de mer. Ne vous méprenez pas sur ce terme, c’est la  terreur des assureurs maritimes ! Balloté, lessivé, essoré, il a droit à la totale, le spectateur échappant de peu à un scénario à la Moby dick…  

L'affiche "En solitaire". Capture d'écranLes deux longs métrages décrivent l’existence à bord d’un monocoque, le quotidien d’un skipper. Pas banal. C’est la vraie vie de barreur montrée quasiment sans  artifices,  grâce au seul talent des réalisateurs et preneurs d’images. Là s’arrêtent la ressemblance. Les scénarii sont différenciés, l’un prend pour angle la compétition, l’autre la survie en mer. Alors que le film français s’achève sur une note optimiste (c’est bientôt Noël…), son homologue américain se passe de happy end, plutôt inhabituel  de ce côté de l’Atlantique. 

« En solitaire » véhicule des valeurs de solidarité, « All is lost » charge sur la combativité. Ici la caméra suit le skipper à la manœuvre en relation avec son équipe à terre, là  elle colle à le toucher le navigateur en perdition.  Ultime dissemblance, le bateau filmé par le réalisateur français navigue sur plusieurs latitudes, celui de l’Américain est censé dériver autour du rail océanique qu’empruntent  les cargos sillonnant les mers. En réalité, le film a été tourné en grande partie en studio et  le reste au large de Los Angeles.

A la manœuvre sur leur embarcation, Cluzet et Redford mouillent le maillot. L’un pour prendre le vent, l’autre pour l’éviter. Il y a de la prouesse dans l’air, mais aussi dans et sur l’eau pour ces acteurs qui  vont vivre à l’écran l’exploit des grands navigateurs. D’Eric Tabarly à Alain Bombard, de Titouan Lamazou à François Gabart.    

Les amoureux de l’océan y trouvent leur comptant. Ils pardonnent quelques imperfections. Un  plan grandiose mais démesurément appuyé  sur  l’arrivée du vainqueur aux Sables-D’olonne, images rebattues. Une horripilante lenteur de réaction du marin face au danger…

"All is lost". Capture d'écranIl n’empêche, grâce au suspense crescendo,  le spectateur parvient à la fin du film de J.C Chandlor  soulagé de voir le plaisancier délivré de ses tourments nautiques. D’autant que le héros a droit à une fin « façon du Grand Bleu » : un flash d’endorphines  l’emmène au paradis sous-marin guidé par la main de Neptune.  Le long métrage se passe de paroles comme il se prive de femmes (absences qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre). Discrète et ajustée, la musique du film n’en est que plus présente. Les exploitants  de salles ne manquent pas d’humour, qui  dotent  la sortie en salle de la mention « V.O. » pour ce film totalement dépourvu de dialogues…  

 

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6 réponses à Joutes océaniques

  1. Rubinstein dit :

    Je n’ai pas encore vu All is lost mais si je me réfère à En Solitaire, je ne me fais pas d’illusion. Le film de mer ne fait pas recette. « Les Quarantièmes Rugissants » fut un loupé magistral malgré une formidable histoire. En Solitaire, un film ennuyeux-de bien belles images-mais un scénario d’une insolente pauvreté. Pour moi, dinosaure de la presse nautique, la référence reste Master and Commander même si le registre est différent. Aussi, est-on en droit de se poser la question. Pourquoi la voile ne produit pas de bons films? Difficulté de réalisation ? Sans doute. Absence de bons scénarios ? Certainement. De public ? Egalement. Ou tout simplement que malgré son littoral , la France est un pays de paysans.

  2. Benoît dit :

    Merci Guillemette pour les embruns. Ah, cher Rubinstein, que voulez-vous, tout le monde n’a pas le bonheur de connaître certaines petites îles de la Pointe Bretagne ! …

  3. Philippe Bonnet dit :

    Je ne chasserai jamais de ma mémoire le formidable Redford de « Butch Cassidy ». Aux côtés de Newman il était formidable en « Sundance kid ». Ses ennemis s’évaporaient en entendant son nom. PHB

  4. hache Joëlle dit :

    Voir des images d’océan démonté, assis au fond d’un fauteuil, est une chose , y être, sur l’eau, dans cette tempête de fin d’automne en est une autre ….. rendez-vous demain vendredi sur le port de Douarnenez pour deux heures d’embruns, de vagues écumeuses, de ciel se confondant avec l’eau avant d’ apercevoir sur l’océan une idée d’île , presqu’ un fantôme d’île…. cela reste magique !

    JH

  5. de FOS dit :

    Le plus beau film du monde (question images) ne peut donner que ce qu’il a (question scénario)… Je suis d’accord avec le jugement de Rubinstein sur En solitaire, même si je le trouve un peu sévère. Mais que les vagues sont belles et François Cluzet sympathique !
    Pour ce qui est de Robert Redford, le voir vieilli à la manoeuvre nous renvoie aux dégâts de l’horloge biologique, tu as raison Philippe. Attention, pont glissant !
    Mis à part ces bémols, on passe un bon moment à voir ces deux films si on n’a pas mis la barre trop haut, ce qui est mon cas.

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