Le lave-vaisselle est de retour chez Grasset

Leetour d'un vieux dégueulasse, chez Grasset. Photo: Les Soirées de Paris« Ses mots sont comme des clous » disait Norman Mailer qui, en l’occurrence, avait vu juste.  C’est que nous apprend la postface du livre que Grasset vint d’éditer et qui contient des nouvelles jusqu’à présent non traduites de Charles Bukowski. C’est âpre mais comme d’habitude on se laisse avoir.

« Le retour du vieux dégueulasse » est un clin d’œil au premier livre paru et traduit en France en 1977 et qui s’intitulait « Mémoires d’un vieux dégueulasse ». Il avait été traduit par le journaliste Philippe Garnier qui travaillait alors pour le magazine Rock&Folk, haute époque.

Ceux qui l’achetèrent alors découvrirent un style pour le moins inhabituel car en 1977 on ne disait pas encore « décalé » à tout bout de champ comme c’est le cas aujourd’hui. Disons que si un lavabo bouché, un caddy de supermarché, un parking de champ de courses pouvaient s’exprimer c’est un peu ainsi qu’ils écriraient.

Dans ces textes assez empruntés à sa propre vie quand ce n’en est pas l’exact reflet, Charles Bukowski use d’une écriture d’apparence très ordinaire pour décrire une course hippique, une beuverie à la bière, des retrouvailles avec sa fille lors d’un droit de visite, un match de baseball, une scène de sexe crue comme un carrelage de salle de bains, une bagarre ou bien l’écoute d’une symphonie de Mahler à la radio. La plupart du temps, l’action se déroule à Los Angeles.

Le retour d'un vieux dégueulasse, chez Grasset. Photo: Les Soirées de Paris

Le retour d’un vieux dégueulasse, chez Grasset. Et autres oeuvres. Photo: Les Soirées de Paris

Dans le « Retour du vieux dégueulasse » personne parmi les habitués de sa prose ne sera dépaysé. L’idée de ce livre était que des chroniques de Bukowski parues dans les années 70 comme Open City ou Los Angeles Free Press ne soient pas perdues, notamment pour les lecteurs français qui ont toujours fait bon accueil à cet américain dérangeant.

Voilà qu’un jour il est assis sur un banc en ciment en attendant que sa voiture soit réparée et il parle à un type qu’il ne connaissait pas la minute d’avant mais qui l’a reconnu. Bukowski lui explique que les femmes lui réussissent assez bien car elles ont « lu ses bouquins » et savent « à qui elles vont avoir affaire ». Et drôlement il ajoute : « Et pourtant elles débarquent chez moi avec l’idée de me changer. Le genre : Puisque tu m’aimes ne bois plus, apprends à danser le fox-trot, allons pique-niquer en famille, va parler avec le pasteur ». Les tribulations de Bukowski avec la gent féminine ont fait l’objet d’un livre épique sobrement (si l’on peut dire) titré : Women. Défiant la mort en permanence, il écrivait avec son élégance très personnelle que « tirer sa crampe » revenait « à botter le cul de la mort en chantant ». Il est mort en 1994.

Voilà qu’un autre jour il se fait « lever » dans un bar par une femme qui phantasme sur les jeunes garçons et qui est prête à payer pour qu’un homme déjà mûr enfile une culotte courte et des chaussettes blanches. Son personnage (probablement fictif mais c’est bien lui qui imagine) accepte cette situation ridicule pour encaisser un peu d’argent. Dans la soirée, une autre femme débarque avec un autre homme d’âge mûr, attifé de la même façon. Les deux « petits garçons » se croisent alors et échangent brièvement : « Comment ça va vieux ?/Comme ci comme ça/Vouais, c’est au fond ce que ressens ».

Il est tout à fait permis de ne pas aimer Bukowski qui s’estimait par ailleurs et sauf erreur, « beau comme un lave-vaisselle ». Mais enfin, la littérature justement, c’est comme les éviers, elle a de temps en temps besoin d’être récurée. Bukowski n’a pas son pareil pour décrire un créneau dans le Los Angeles pollué des années soixante et soixante dix, évoquer son dur travail de postier qui l’a fait vivre plusieurs années, décrire le milieu des « putes » bas de gamme, des clodos, des parieurs sur les champs de course. Il réfléchissait à tout ça la plupart du temps ivre, devant sa fenêtre, en sous-vêtements, un verre à la main. Avant de passer le relais à sa machine à écrire.

Le Retour du vieux dégueulasse. Grasset. 347 pages. 20,90 euros.

PS : Charles Bukowski est aussi auteur de deux ouvrages de poésie identifiés comme tels : « L’amour est un chien de l’enfer » en deux tomes.

 

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7 réponses à Le lave-vaisselle est de retour chez Grasset

  1. Ghienne Bernard dit :

    Ce n’est pas la première fois qu’ActuaLitté écrit et publie « la gente féminine » ! C’est le genre de faute qui gâche un commentaire ! Avant de commenter Buko, il vaudrait mieux apprendre le français !

    • Benoît dit :

      Merci Bernard pour ce commentaire. Après l’apprentissage du français viendra sans doute pour vous celui de la courtoisie.

  2. Vous avez tout à fait raison, je corrige immédiatement et je vous remercie de votre vigilance. PHB

  3. jmcedro dit :

    Personnellement je ressens assez le besoin, de temps en temps, de me faire récurer, voire déboucher les méninges. Alors si on m’explique que cela me fait un point commun avec la littérature, je dis merci …

  4. Pier20 dit :

    Merci Philippe pour ce texte aussi frais
    qu’un vin nouveau, New Charles Bukowski Wine.

    Pour en revenir à la question éminemment majeure de la gent, fusse-t-elle féminine, une grille de lecture de la « gent triste », est désormais disponible, ici.

    Ce nouvel outil permet dorénavant d’éclairer, des feux pénétrants de la science,
    cet obscur et douloureux pendant de la « gent gent »,
    (gent, adj. sorti de l’usage vers le XVIème siècle,
    mais attesté dès 1050, signifiant, noble, gracieux, joli, bien-né,
    avant de se figer en gentil).

    Identifiant la progression pathologique de la « gent triste », soit si l’on préfère,
    les degrés d’échelle menant, non sans quelques bonheurs, aux remboursements 100% de la sécurité sociale, cette communication toute à sa « gent psychologique », met à jour, de manière à peine soutenable, un funeste panorama et dévoile les strates progressives de l’évolution maligne vers son but, à savoir ce vain et si moderne bavardage au sens heideggerien, bien entendu.

    (Il est préférable de prévoir une position assise avant d’envisager la lecture de cette recension des grandes phases observées par l’oeil clinicien, se tenant toujours étymologiquement, donc, au plus près du malade et de son lit.)

    LES SIX PHASES !

    1) La gent trotte-menu.
    2) La gent moutonnière.
    3) La gent épicière.
    4) La gent marécageuse.
    5) La gent putride.

    Soufflons un peu avant d’annoncer l’ultime transformation, la fin, à la fois de la maladie et par conséquent du patient, réunis tous deux, comme en bout de dialectique.

    6) la gent des donneurs de leçons et autres juges en manque de pénitences.

  5. Allons nous sommes tous entre gentlemen, n’est-ce pas. PHB

  6. Et à cette adresse passionnante dénichée par le site « ActuaLitté », on peut visionner les manuscrits de cet écrivain. PHB http://bukowski.net/manuscripts/

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