Marcel Duchamp décomposé

Marcel Duchamp, détail de l'affichePied de nez, œuvre de potache, la Joconde revisitée avec bouc et moustaches par Marcel Duchamp déploie son espièglerie sur toute la surface de l’affiche annonçant l’exposition de l’artiste au Centre Pompidou. Via un acronyme (L.H.O.O.Q), Marcel Duchamp laissait entendre que le modèle de Leonard de Vinci avait le feu quelque part. Etait-ce le meilleur choix pour l’affiche on peut se poser la question, mais par quoi aurait-on dû la remplacer, c’est la deuxième question.

Dans la vraie vie, cette estampe retouchée était toute petite. C’est Aragon qui en avait fait cadeau au Parti Communiste lequel en confia la conservation au musée. Marcel Duchamp (1887-1968), qui estimait sa vie « merveilleuse« , s’est sans doute beaucoup amusé à faire l’artiste sans s’enferrer dans un genre donné. Probablement que l’art, dont on lui a prêté le rôle de fossoyeur, l’ennuyait un peu par des limites qu’il discernait trop bien.

Son art à lui , révèle davantage un intellectuel n’ayant pas trouvé  de meilleur moyen d’exprimer un talent certainement génial autant qu’un poil désinvolte. Pour bien profiter de cette exposition, le mieux serait de vidanger de notre mémoire ce qui a été dit sur lui. Dans le cas contraire notre regard valide ou invalide les louanges proférées sur cet homme étiqueté essentiel, freinant notre appréciation.

A côté de ses œuvres les plus connues (Nu descendant dans l’escalier…) on découvre un bon caricaturiste, un bon portraitiste (son père),  une très élaborée et très réussie mariée relevant du genre mécaniste, une curieuse peinture adressée à Apollinaire… Avec Duchamp, le visiteur va de surprise en surprise sur un parcours qui comprend d’autres auteurs comme Odilon Redon, Robert Delaunay, Cranach ou Francis Picabia. Ce dernier au passage, était un génial peintre mécanomorphe et l’exposition nous donne à voir le surprenant autant qu’amusant portrait de Marie Laurencin signé de sa main (voir à la fin du texte).

Marcel Duchamp. "Jeune homme triste dans un train". Photo: Les Soirées de Paris

Marcel Duchamp. « Jeune homme triste dans un train ». Photo: Les Soirées de Paris

Pour en revenir à Duchamp, on l’aime décidément quand il se source chez Cézanne. Avec « A propos de jeune sœur », « Dulcinée », « Le roi et la reine entourés de nus vites », l’impeccable « Jeune Homme triste dans un train » tout comme les deux « Nu descendant l’escalier », on touche à une part cohérente de son œuvre où il aurait été possible de dénicher un visuel éligible sur une affiche d’exposition.

Mais comme son ami Picabia, Duchamp le joueur d’échecs, n’aimait ni se faire attraper ni être rattrapé. Son œuvre peint n’est pas un long corridor jalonné d’étapes cohérentes. Duchamp s’écarte des sentiers battus, enjambe les genres, décrète qu’une roue de bicyclette, un porte-bouteilles ou un urinoir sont de l’art déjà abouti (ready made) au sortir de leur manufacture.

Autoportrait en mouvement, le « jeune homme triste dans un train », aurait mieux caractérisé l’artiste et son œuvre sur l’affiche annonçant la rétrospective. Il s’y décompose dans tous les sens du terme, annonçant prématurément sa sortie du cadre.

Jusqu’au 5 janvier

"Le roi et la reine entourés de nus vites." Oeuvre de Marcel Duchamp. Photo: Les Soirées de Paris

« Le roi et la reine entourés de nus vites. » Oeuvre de Marcel Duchamp. Photo: Les Soirées de Paris

Portrait de Marie Laurencin. Oeuvre de Francis Picabia au centre Pompidou. Photo: Les Soirées de Paris

Portrait mécanomorphe de Marie Laurencin. Francis Picabia . Photo: Les Soirées de Paris

 

 

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Une réponse à Marcel Duchamp décomposé

  1. J'attends... dit :

    La communication aujourd’hui veut qu’on ajoute du connu au connu…
    Merci pour votre article.

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