David Bowie fait son show à la Philharmonie de Paris

David Bowie à la Philharmonie. Photo: Valérie MaillardDavid Bowie entrera-t-il bientôt au musée ? Si la question se pose au sortir de l’exposition conçue par le Victoria and Albert museum de Londres qui fait escale à la Philharmonie de Paris, que l’on se rassure : David Bowie n’est pas mort.

Pour autant est-il tout à fait vivant ? Certes la rock star anglaise – à propos de laquelle la presse musicale se demandait très sérieusement en 1999 si elle n’était pas « l’artiste du XXème siècle » – a réapparu en 2013 avec l’album « The Next Day », après un silence radio de dix longues années. Mais depuis ? Pas un seul concert programmé et un unique best of sorti en décembre 2014, malgré la promesse d’un nouvel album. Alors…

Les amateurs iront donc voir l’exposition « David Bowie is », présentée pour la première fois à Londres en 2013 et installée à Paris jusqu’au 31 mai. Contre toute attente, il n’y retrouveront pas que les inconditionnels de Bowie : des groupes de collégiens et de jeunes adultes (bien trop jeunes pour être des contemporains du chanteur) s’y donnent rendez-vous. Ce qui crée de longues files d’attente, y compris en semaine. A l’entrée on leur distribuera un casque ; offre à ne surtout pas décliner car c’est grâce à celui-ci qu’ils entendront les documents audiovisuels (nombreux) et les principaux titres musicaux qui ont jalonné la carrière de Bowie. La prise de son se fait automatiquement à l’approche d’un nouvel environnement (sans avoir à appuyer sur un bouton) et la sonorisation est de très bonne qualité. On peut cependant regretter l’obligation de porter le casque pendant toute la durée de l’exposition, car il isole et modifie, dans une certaine mesure, la perception de l’espace scénographique.

Plus répandue dans le monde anglo-saxon qu’en France, une rétrospective comme celle-ci est rare du vivant d’un artiste, et davantage encore pour une star du rock. Des costumes de scène, des instruments de musique, des vinyles dans leur pochettes originales, des partitions et des paroles de chansons écrites de la main de Bowie ont été rassemblés ; la plupart puisés dans la collection personnelle de l’artiste, nourrie par cinquante années de carrière (son premier album date de 1967). « I’m a collector » reconnaît Bowie ; un collectionneur méticuleux qui a amassé énormément de documents, photographies, notes et petits croquis de son cru.

Head of James Osterberg, alias Iggy Pop. David Bowie, 1976. Photo: Valérie Maillard

Head of James Osterberg, alias Iggy Pop. David Bowie, 1976. Photo: Valérie Maillard

Ses dessins et ses peintures d’inspiration expressionnistes viennent enrichir le tout. David Bowie a été étudiant en arts avant d’être l’artiste global et pluridisciplinaire (chanteur, saxophoniste, producteur, acteur…) que l’on sait. Il a dessiné lui-même tous les décors de ses premiers spectacles et jusqu’au moindre détail de nombreuses tenues de scène.

Celui qui a été taxé, à juste titre, d’« extraterrestre » (il a entretenu le mythe, notamment dans sa filmographie si l’on pense à « L’homme qui venait d’ailleurs » de Nicolas Roeg en 1976) est encore parmi nous. Voilà ce que nous dit cette exposition. Bowie a influencé la musique (glam rock, funk, soul, disco ou électro) et jusqu’à la culture populaire. Il a produit et propulsé pas mal d’artistes de son temps : Iggy Pop, Lou Reed et Klaus Nomi, pour ne citer qu’eux. D’autres ont revendiqué son influence musicale et/ou son jeu de scène : Simple Minds, Orchestral Manœuvre in the Dark, Soft Cell, Eurythmics, Tears for Fears, Bauhaus, Boy George (Culture Club) et plus récemment Placebo.

Bowie a été de toutes les avant-gardes : musicales, vestimentaires, culturelles. Quatre ans seulement après la dépénalisation de l’homosexualité en Angleterre, il déclarait « Je suis gay, je l’ai toujours été. » « Bisexuel », ont aussitôt corrigé les observateurs. Bluff ou réalité ? Ni l’un ni l’autre. Quarante ans avant le débat sur le genre, Bowie revendiquait son droit à se situer en dehors de toute norme, assumait sa part de féminité et libérait la parole de nombreux homosexuels, artistes ou non.

La tenue de Ziggy Stardust. Photo: Valérie Maillard

La tenue de Ziggy Stardust. Photo: Valérie Maillard

Dans l’univers de la mode aussi Bowie a laissé sa « patte ». Les stylistes qui l’ont habillé, de Kansai Yamamoto (dont on voit à l’entrée de l’exposition la plus célèbre des tenues de Bowie, celle en vinyle noir et blanc pour la tournée Aladdin Sane) jusqu’à Alexander McQueen, beaucoup disent aussi avoir été influencé dans leur travail par la personnalité et le « look total » de l’artiste.

Après avoir laissé, sans regret, son casque à la sortie de l’exposition, le visiteur est invité à aller « On stage ». Un peu surpris peut-être, il entre dans un vaste espace accueilli par « The Jean Genie » suivi de « Rock & Roll Suicide » (la chanson qui mit fin au personnage de scène Ziggy Stardust). Des écrans géants habillent la totalité des murs. Bowie est « on stage », filmé à divers moments de sa carrière. Une petite assemblée se tient debout et serrée devant des captations d’images rares et jamais diffusées de la tournée Diamond Dogs de 1974. « Le spectacle rock le plus original auquel il nous ait été donné d’assister », rapportait alors la revue musicale « Melody Maker » à propos de cette composition musicale et théâtrale totalement inédite en son genre et inspirée du roman « 1984 » de George Orwell. Quelques spectateurs entonnent les paroles d’une chanson peu connue du rockeur à la tignasse rousse, vite reprises par d’autres initiés un peu plus loin. Il y avait donc bien quelques fans de Bowie ce jour-là à la Philharmonie…

Valérie Maillard

Aspect de l'exposition Bowie à la Philharmonie. Photo: Valérie Maillard

Aspect de l’exposition Bowie à la Philharmonie. Photo: Valérie Maillard

 « David Bowie is », à la Philarmonie de Paris, 221 avenue Jean Jaurès, Paris 19ème. Jusqu’au 31 mai 2015.

 

 

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5 réponses à David Bowie fait son show à la Philharmonie de Paris

  1. sandgoldschmidt dit :

    Ah, merci ! Que de souvenirs avec Bowie ! La couverture de cet album où il était « en femme » (je n’avais jamais vu ça!) m’avait beaucoup marquée, mais pas tant que sa musique, quelques années plus tard.

  2. person philippe dit :

    Grâce à Bowie, j’ai appris jadis ce que voulait dire l’expression « yeux vairons »…
    Pour le reste, que la Philharmonie commence par une expo sur un artiste de variétoche english en dit long sur l’ambition de nos élites culturelles et sur la domination anglo-saxonne…
    Je suppose qu’une expo Madonna, voire Lady Gaga, est en préparation…

  3. Steven dit :

    « The prettiest star » (par ailleurs titre si chic et entraînant) aurait pu être logé à meilleure enseigne que cette Philharmonie à l’allure pour le moins incongrue. S.

    • person philippe dit :

      Hum, Steven… C’est plutôt le contraire… Ce rockeur « toc » était-il le meilleur choix pour inaugurer « la salle de concert » que Paris attendait ?
      En plus, cette expo est fournie clés en mains par les Anglais…
      J’ai peur que cette Philharmonie soit aussi nécessaire que le Musée Branly où il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent… On en est arrivé à des expos sur les tatouages… Pauvres peuples tiers !
      Ah Kultur, Kultur ! Quand elle est aux mains d’énarques qui n’en ont rien à faire… On donne Bowie aux sans dents et pas la découverte des musiques d’un monde plus divers que la zizique anglaise… Mais si pour vous, cela suffit…

  4. de FOS dit :

    Beaux développements à propos d’un beau texte, belles photos, Bowie…

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