Voyage initiatique au musée du Quai Branly

Exposition Les Maîtres de la sculpture. Photo: lSDPIl y a deux choses dans cette image. D’abord le masque lui-même, c’est une évidence. Mais il y a aussi l’ombre du masque qui semble donner une vie au premier. Ce phénomène, moins évident pour une sculpture classique, s’impose dans l’art africain, notamment à travers les masques. L’exposition « Les Maîtres de la sculpture » qui se tient toujours au musée du Quai Branly nous en donne généreusement à voir. Le sacré, le rituel, l’art tout court, se retrouvent jusqu’à un simple étrier de poulie sur un métier à tisser. Ce que là encore, nous ne savons pas (ou plus) faire.

Il y a eu en 2007 un homme pour écrire dans le discours d’un président de la république tout neuf que l’homme africain n’était pas assez entré dans l’histoire, sous-entendant notamment que ce n’était pas lui qui avait construit des ponts. Une analyse frappée d’une grave myopie qui fut corrigée plus tard par des gens comme Jacques Chirac, Ségolène Royal ou Rama Yade. Et ils avaient bien fait.

L’un des buts notables de cette manifestation était de sortir de l’anonymat les auteurs de sculptures africaines, notamment ceux de Côte d’Ivoire et principalement dans les années vingt et trente. Comme le souligne Lorenz Homberger, commissaire de l’exposition, il s’agissait de faire « émerger » des artistes « d’un anonymat collectif ».

Cette exposition en forme de voyage initiatique qui vient réveiller de très vieilles choses dans notre mémoire héréditaire, nous accompagne dans six régions artistiques de la Côte d’Ivoire. Mais du fait que certaines ethnies ignorent les frontières coloniales, comme les Sénoufo ou les Dan, certaines œuvres proposées au regard viennent également d’ailleurs comme le Burkina Faso.

La technique artistique fait partie intégrante de la scénographie et l’on voit par exemple, très bien décomposée, comment naît une œuvre, depuis la bille de bois jusqu’au masque, mais aussi l’art du tissage, du placage de la feuille d’or ou la confection d’une poterie, ce dernier domaine étant .davantage réservé aux femmes.

Baathil. Tête-piquet. Burkina Faso. 1930. photo: LSDp

Baathil. Tête-piquet. Burkina Faso. 1930. photo: LSDP

La dimension pédagogique de cette proposition du Quai Branly est suffisamment bien dosée pour que l’on puisse se laisser aller et même se laisser saisir par la forte expression de tous ces objets, au contraire d’artefacts inertes. On peut aussi se passer des fiches explicatives pour s’imprégner d’abord de leur mystère avant d’aller quérir leur signification. Leur beauté tranquille ou leur obscurité inquiétante fascinent, y compris lorsqu’ils intègrent certains codes de la présence coloniale.

La séquence vouée aux « peuples des lagunes » compte parmi les plus parlantes. Ceux-là ne connaissent pas les masques. Les sculptures spécifiques de ceux qui vivent au bord de l’eau représentent le signe visible de l’au-delà ou encore matérialisent des êtres disparus.

C’est toute la réussite de cette exposition savante que de faire de nous des ethnographes provisoires autant qu’elle nous sensibilise à un haut niveau d’expression culturel, définitivement bienvenu par les temps qui courent sur Twitter.

PHB

« Les Maîtres de la sculpture ». Jusqu’au 26 juillet. Musée du Quai Branly.

PS : Il me revient en mémoire une sculpture africaine appartenant à un collectionneur et qui avait une particularité étonnante. Sa composition était notamment faite d’une cire particulière qui suintait en coulures très lentes des années après sa conception et encore de nos jours. Cette singularité la maintenait(et la maintient)  vivante.

 

 

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2 réponses à Voyage initiatique au musée du Quai Branly

  1. VAM dit :

    Ce masque pouvait être une tête de reliquaire (Fang ?) dont la patine suintante qui a l’air de provenir du masque lui-même est en réalité le résultat de l’application d’une gomme par tamponnage. Mais je ne suis pas spécialiste.

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