Villa Cavrois, le charme luxueux de la bourgeoisie

La villa Cavrois. Photo: Gérard GoutierreA l’entrée, on vous demandera aimablement, comme avant la visite d’un hôpital, de chausser des protège-souliers. Il ne faudrait pas que les visiteurs venus admirer la villa Cavrois, à Croix (banlieue de Roubaix, Nord) lui fassent subir de nouveaux outrages. Avant son acquisition et sa restauration par l’Etat, l’immeuble “art déco“ construit en 1932 à la demande d’un riche industriel textile du Nord, a connu une histoire assez chaotique, au point que son existence même avait été menacée. Aujourd’hui, cette somptueuse demeure due à l’architecte Robert Mallet-Stevens fait partie des bâtiments d’exception que possède et gère le centre des Monuments nationaux, au même titre que l’Arc de triomphe, l’abbaye du Mont Saint Michel ou le château d’Azay-le-Rideau.

Architecte reconnu, mais aussi décorateur et concepteur de décors de cinéma, Mallet Stevens a 43 ans quand l’industriel le sollicite. Il s’est illustré notamment par des hôtels particuliers à Paris, dans la rue qui porte aujourd’hui son nom. La nouvelle maison doit abriter une nombreuse famille : le foyer compte sept enfants, et il faut loger aussi le personnel. Mallet-Stevens semble avoir eu carte blanche pour cette réalisation où il pourra mettre en pratique ses options esthétiques et techniques. Il contrôle à la fois le bâtiment lui-même mais aussi le décor intérieur, le mobilier et le parc, avec son plan d’eau. Apparemment, peu de contraintes budgétaires. Soixante mètres de façade, près de 4000 m² habitables : dès l’entrée on est frappé par les dimensions de ce paquebot.

A l’intérieur, Mallet-Stevens privilégie la lumière, le confort, rationalise l’espace et utilise des matériaux de la meilleure provenance. Le marbre vient des carrières les plus renommées et les bois sont choisis parmi les essences les plus précieuses. L’équipement bénéficie d’un modernisme de pointe, avec ascenseur, chauffage central, réseau de téléphonie interne, horloges électriques synchronisées, TSF dans chaque pièce, autant de salles de bains que de chambres à coucher… Le raffinement va jusqu’à concevoir un mobilier sur mesure : l’architecte veillera à la profondeur des tiroirs des commodes… en fonction des chemises du propriétaire !

Aspect de la villa Cavrois. Photo: Gérard Goutierre

Aspect de la villa Cavrois. Photo: Gérard Goutierre

La villa fut inaugurée en 1932, à l’occasion du mariage de l’une de filles Cavrois. Dans ce quartier très cossu, sorte de Beverly Hills roubaisien (la ville de Croix est aujourd’hui l’une des premières de France pour le nombre de personnes assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune), la construction, jugée trop moderniste, suscite quelques réticences. On raille notamment le parement de briques jaunes de la façade, et l’on parle de la « Folie Cavrois », ou du « péril jaune ».

Mais l’histoire de la villa fut marquée par d’autres vicissitudes. Réquisitionnée par les Allemands en 1940, la réalisation majeure de Mallet-Stevens subit ses premiers dégâts. Habitée par la famille jusqu’en 1985, la villa fut ensuite revendue à un promoteur immobilier qui souhaitait lotir le parc. Non entretenue, on la retrouvera à peu près abandonnée, squattée, pillée. Elle n’était plus qu’une coquille vide et délabrée quand une association de sauvegarde se constitua en 1990 et multiplia les actions pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur le naufrage du paquebot. Les démarches de quelques passionnés ont contribué fortement à son sauvetage: en 2001, l’Etat acheta la propriété qui fut confiée au Centre des monuments nationaux quelques années plus tard. Vingt-trois millions de travaux furent investis pour une rénovation très minutieuse, et la villa, récemment ouverte au public, a retrouvé le faste des années 1930.

Au milieu de toutes ces merveilles restituées dans leur état d’origine, le visiteur aura cependant la surprise de découvrir, à l’étage, une pièce dans un état de décrépitude très avancée. L’équipe de restauration a eu la bonne idée de garder cette chambre témoin pour montrer dans quel état d’abandon s’était retrouvée cette exceptionnelle bâtisse. Une sorte d’ « avant » et d’« après » qui en dit long sur le travail effectué.

Gérard H. Goutierre

60, avenue J. F. Kennedy, 59170 Croix

Aspect de la salle à manger des parents. Photo: Gérard Goutierre

Aspect de la salle à manger des parents. Photo: Gérard Goutierre

Message de reconnaissance de l'architecte. Photo: Gérard Goutierre

Message de reconnaissance de l’architecte. Photo: Gérard Goutierre

 

 

A consulter également l’excellent blog des Amis de la villa Cavrois : villacavrois.blogspot.com

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3 réponses à Villa Cavrois, le charme luxueux de la bourgeoisie

  1. Steven dit :

    Quelle découverte que ce palais. Merci. S.

  2. MAUREL Frédéric dit :

    magnifik !

  3. de FOS dit :

    Des tiroirs de commodes aux dimensions de ses chemises, un rêve dle raffinement…

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