Au plus près de l’empereur

La méridienne de Napoléon. Photo: MPSMême sans faire partie de la sphère des innombrables et souvent fervents admirateurs de Napoléon Bonaparte, on ne saurait être insensible aux difficiles conditions dans lesquelles celui ci a vécu, malade, les dernières années de sa courte et intense vie.  L’île de Sainte Hélène est perdue dans l’océan Atlantique à 2000 km au large de la côte ouest de l’Afrique et à 5600 km de Buenos Aires et il faut encore aujourd’hui un minimum de 5 jours de bateau à partir de l’Afrique du Sud  pour mettre ses pas dans ceux du grand homme. Il y vivra un exil long de 6 années après la défaite de Waterloo en 1815 et jusqu’à sa mort en 1821 à l’âge de 52 ans. (Ci-contre : la méridienne de Napoléon, Musée de l’Armée. Photo : MPS)

Vu la distance et la durée du voyage à Sainte Hélène, il est d’autant plus appréciable d’avoir l’opportunité exceptionnelle de découvrir à portée de transport en commun à Paris au Musée de l’Armée, l’évocation des lieux ou il a vécu, à l’occasion de  l’important travail de restauration de son mobilier fortement dégradé par le climat très humide de l’ile.

A Sainte Hélène, le temps s’est ralenti et l’horizon s’est rétréci aux frontières de l’ile.

Si loin de sa famille et de ceux qu’il aime, il renoue avec l’insularité et séjourne dans la ferme de Longwood House sur un morne plateau là où le relief arrête les nuages pour en faire le point le moins ensoleillé et le plus humide de l’île, où prolifèrent les rats et où il est véritablement prisonnier : pendant sa captivité ses déplacements sont contrôlés. L’île est gérée par un lieutenant sous les ordres directs du ministre anglais de la guerre et des colonies. Il est considéré et traité comme un simple général et connait une déchéance aggravée par la mesquinerie du gouverneur.

Il vit modestement et consacre son temps à écrire ses mémoires bien sûr mais aussi à jardiner avec passion. Dès 1817 son moral et sa santé se dégradent rapidement et il ne survivra que 4 années à cette vie d’exil et d’ennui.

On découvre donc dans cette superbe exposition l’environnement familier de l’Empereur : sa salle à manger ou il tente de faire revivre un semblant de protocole, la table de billard qu’il n’utilise pas à jouer de la canne mais qui lui sert à manipuler ses cartes, sa salle de bains, sa baignoire, ses objets intimes, précieux ou plus modestes.

La chambre ou il décède est particulièrement émouvante car, s’il ne s’agit pas d’une reconstitution a l’identique, mais d’une simple évocation, celle ci est particulièrement réussie et nous pouvons aisément l’imaginer dans son lit de campement  « ce vieil ami qu’il préférait à tout autre », héritage de Caroline Murat et qui sera son lit de mort.

« Objets inanimés, avez vous donc une âme ? « . L’interrogation de Lamartine, son contemporain, prend ici un certain sens.

Le séjour à Sainte Hélène d’un empereur résigné sera aussi le théâtre de son dernier combat, celui de la communication, pour la postérité.

Longwood House. Photo : Joshua Akin/© National Maritime Museum, Greenwich, London, plan.  All rights reserved)

Longwood House. Photo : Joshua Akin/© National Maritime Museum, Greenwich, London, plan. All rights reserved

Il avait déclaré au Comte de Montholon « Si Jésus Christ n’étais pas mort sur la croix, il ne serait pas Dieu« . Il a délibérément choisi de mourir en martyr et dès le lendemain de sa mort le mythe est en marche grâce à ses écrits et à ceux de ses derniers fidèles et l’iconographie qui se déchaîne -comme le montre la dernière salle de l’exposition- est là pour en témoigner.

Le retour en France sera triomphal le 10 décembre 1840. Sa dépouille est ramenée  par le prince de Joinville, fils de Louis Philippe 1er.

Gageons que le nouvel aéroport qui ouvrira le 21 mai prochain qui rend l’île enfin accessible ainsi que  les importants travaux de restauration des domaines sur place contribueront fortement à faire perdurer encore et encore le mythe et la légende.

Près de deux siècles après sa mort en reclus et solitaire, les foules vont bientôt défiler devant sa dernière demeure et son tombeau vide et resté anonyme à la suite d’un ultime désaccord avec le gouverneur sur l’inscription de la pierre tombale. C’est à Sainte Hélène que Napoléon a gagné sa dernière bataille, celle de l’immortalité.

Marie-Pierre Sensey

Napoléon à Sainte Hélène au Musée de l’Armée du 6 avril au 24 janvier 2017

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2 réponses à Au plus près de l’empereur

  1. de FOS dit :

    Merci pour ce texte et pour la visite qu’on devine émouvante.
    Plateau sinistre et solitaire…, un arrière goût de Waterloo.

  2. Virginie dit :

    Merci pour cette invitation poétique à la visite

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