Direct, crochet et bolo-punch

Il avait un homonyme canadien, médecin et poète. Mais lui s’appelait John MacRae et on ne sait presque rien de lui. Sa photo parue dans Le Miroir en 1916 laisse deviner qu’il était officier dans un régiment écossais, quelque chose comme le « Highland Infantry » ou le « Gordon Highlanders », difficile de le savoir avec certitude faute de meilleure expertise sur l’uniforme. Ici en photo avec son glengarry à damier sur la tête, il n’est même pas répertorié sur Google, ce qui le place au choix au bord du néant ou au sein de la société des hommes libres comme on voudra.

Dans son édition d’avril 1916, Le Miroir lui consacre une photo et une légende de deux lignes. Cet infra-texte se limite à préciser que le « Capitaine John MacRae », fait prisonnier par les Allemands la même année, « s’est libéré en boxant ». Un danseur serait parti en demi-pointes, un yogi se serait extrait du bourbier par lévitation, John MacRae s’est servi quant à lui de ses poings et d’une longue expérience remontant aux cours de récréations. C’est bien cela qui est extraordinaire, étonnant autant que revigorant, et il eut été dommage que l’année 2016 s’achève sans que l’on célèbre son centenaire, aussi futile soit-il. 

La scène a dû se dérouler quelque part au nord de la France, en pleine boucherie à ciel ouvert et dans un entrelacs de tranchées. Elle a vu son épilogue écrit, au terme d’un assaut victorieux, pour une armée allemande soucieuse de grossir son contingent de prisonniers venus de maints horizons. Mais John MacRae lui, ne l’entendait pas de cette oreille, tandis qu’au fond de son cœur résonnait outrée la cornemuse de son clan.

John MacRae maîtrisait son répertoire, l’uppercut, le crochet, le semi-crochet et aussi le bolo-punch mis au point par le champion britannique Bob Fitzsimmons. Désarmé, désigné comme ses camarades par le sort pour s’en aller moisir au milieu d’une enceinte de barbelés boueuse, John MacRae n’avait pas abdiqué pour autant. Il n’était sûrement pas à la disposition de l’ennemi, nullement résigné. On peut imaginer que la distribution de tout son talent pugilistique sut désorienter et même contrarier un bidasse allemand qui avait davantage l’habitude, à marée basse,  d’un ramassage des prises plus facile. Aidé de sa paire de moustaches en guise de radar, John MacRae s’était ensuite faufilé dans le dédale confus des armées en présence et plus personne sauf erreur n’a jamais entendu parler de lui. On saurait d’ailleurs gré à un quelconque descendant qui tomberait sur ces lignes de nous éclairer davantage sur la suite réservée par le destin à son aïeul.

L’archiduchesse Marie-Alice dans « Le Miroir »

Le reste de la dernière page du Miroir est moins glorieux. On y apprend notamment que le prince Boris de Bulgarie, fils du tsar Ferdinand, s’est fiancé avec l’archiduchesse Marie-Alice, sixième fille de l’archiduc Frédéric, ah la belle jambe. Rien qui ne soit à la hauteur de l’histoire bien trop vite expédiée du capitaine écossais.

Quand même, ce sacré capitaine, castagneur de la haute, sûrement trois-quarts aile teigneux à ses heures, fin chasseur de goose à l’automne, ce John mettant en branle toute la finesse de son jeu de jambes devant une équipe de soldats éberlués juste avant qu’ils n’encaissent les horions décisifs, ce MacRae énième du nom sans doute plus à l’aise en kilt qu’en tenue militaire devant un whisky des meilleurs fûts, cet homme enfin qui venait nous aider à défendre notre honneur, méritait bien cette sorte de rappel gratuit qui lui vaudra enfin sa place sur Google. De toutes ses décorations épinglées sur sa poitrine, ce sera bien la moindre mais tant pis.

PHB

NB: deux lignes sont mentionnées à propos d’un « Clan MacRae » sur Wikipedia et qui se borne à préciser que l’origine vient des Highlands que le « clan ne possède plus de chef et n’a pas de tartan propre. Le château d’Eilean Donan, racheté et reconstruit par John MacRae-Gilstrap au début du XXe siècle, est considéré comme étant le siège du clan ». S’agit-il du bon clan, peut-être.

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Une réponse à Direct, crochet et bolo-punch

  1. Mais Philippe,
    d’où tenez-vous ces informations sur cet immortel John MacRae?
    Vous nous laissez dans le mystère….
    HAPPY NEW YEAR!!!!!!!!!!!!
    Lise

Les commentaires sont fermés.