Water-landing…

… et non pas crash-landing comme le précise sans attendre le commandant Sully à l’équipe chargée de l’enquête. Au mois de janvier 2009 il n’a pas « crashé » son appareil sur la rivière Hudson, il l’a posé. Et comme le souligne le vrai commandant Sully dans une interview vidéo (1) sur Aeronews, les pilotes ne sont pas préparés à atterrir sur un cours d’eau durant les séances sur simulateur. Actuellement sur les écrans, le récit qu’en fait Clint Eastwood, sans surdose d’apprêts hollywoodiens, est assez convaincant.

Il s’est passé 208 secondes entre le moment où un vol d’oiseaux crame les deux réacteurs de l’Airbus et celui où le commandant de bord pose enfin l’appareil sur l’Hudson. Pourtant le film dure 96 minutes et c’est toute la qualité du film, de son réalisateur et de son principal interprète Tom Hanks, de ne pas nous ennuyer une minute.

Tom Hanks a eu l’occasion de dire dans des entretiens accordés à la presse, que sa  crédibilité est due à son profil de type normal, autant qu’il est possible de l’être. Dans ce film sorti au début du mois, il incarne juste comme il faut, un de ces types ordinaires que l’on peut croiser dans le métro ou au supermarché. Marié, père de deux enfants, à la fois timide et sûr de lui quand il est face aux enquêteurs, le personnage du commandant Sully a tout de même la particularité d’avoir été pilote de chasse ce qui ne pouvait pas manquer de séduire Clint Eastwood, ce parangon de virilité. Celui qui ne manque pas une occasion de flétrir les « mauviettes » de l’Amérique d’Obama, ne s’est pour une fois pas mis en scène. Même s’il n’a plus l’âge d’être devant la caméra, le film ne pouvait que bénéficier de cet effacement au profit du subtil Tom Hanks.

Le séquençage général apparaît comme un peu désordonné mais ce n’est pas gênant, au contraire. Si le film avait en effet commencé par le crash pour se prolonger par les entretiens tatillons de la commission d’enquête (laquelle prétend que l’avion aurait pu être ramené à l’aéroport de la Guardia), l’histoire risquait, sans jouer sur les mots, de sombrer corps et biens.
Le moment où Sully pose son avion sur l’eau, sauvant au passage et sans dommages l’intégralité des 155 passagers, intervient à peu près en milieu de partie. C’est filmé tout à fait simplement et l’émotion est au rendez-vous pour les spectateurs qui se préparent à l’impact, ainsi que le suggère pour de vrai le commandant de bord à ses passagers. Les échanges préalables avec le contrôle aérien sont tout aussi sobres qu’efficaces. Sully déclare avoir perdu l’usage de deux moteurs, le contrôle lui demande « quel moteur » et Sully de répondre « les deux« . Il n’y a ni « damned », ni « fuck », ou le vocabulaire usuel du genre.

La démonstration de l’utilité d’un pilote à bord (à méditer pour ceux qui rêvent de voitures sans pilote) apparaît assez éclatante. Alors qu’un ordinateur seul aurait choisi l’option de ramener l’appareil à l’aéroport avec crash assuré sur Manhattan, Sully a réfléchi 35 secondes comme il le précisera plus tard à une commission qui ne cesse d’essayer de lui démontrer qu’il a eu tort. Le cerveau ordinaire du pilote a fait la part des choses, scellant dans le bon sens le sort de l’ensemble des passagers et de l’équipage.

En fait ce à quoi le commandant de bord n’était pas préparé -le film et surtout Tom Hanks le démontrent assez bien- c’est la célébrité. Sully est devenu on peut le comprendre un héros adulé des foules. Ce qu’il a l’air d’assumer sans fausse modestie.

PHB

 

(1) La vidéo du « vrai » commandant

 

 

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4 réponses à Water-landing…

  1. philippe person dit :

    la « normalité » de Tom Hanks me pose problème depuis qu’on doit le subir sur un écran… Il serait parfait pour un biopic racontant les aventures motorisées de François Hollande, les cascades entre l’Elysée et la rue du Cirque…
    J’ai vu 10 000 films et je crois que je n’ai été réfractaire qu’à quelques acteurs français insignifiants (qu’on trouve tous pelotonnés dans leur chef d’oeuvre , »Les Petits mouchoirs »). Mais Tom Hanks, je ne peux pas… Aucun docteur n’a pu soigner mes éruptions cutanées chaque fois que je l’ai vu sur un écran…
    Pour les fêtes, je vous conseillerai à tous d’aller plutôt voir « Paterson » de Jim Jarmusch et surtout « Fais de beaux rêves » de Marco Bellocchio… Tous deux garantis sans Tom Hanks !

    • Cher Philippe Person, je partage votre conseil sur Jarmusch, l’un des réalisateurs les plus remarquables que je connaisse depuis son parfait « Stranger than paradise » jusqu’à son déconcertant « Only lovers left alive ». Bonnes fêtes. PHB

  2. Isabelle Fauvel dit :

    Il est toujours rassurant de savoir que le cerveau humain n’est pas esclave de la machine et que 35 secondes peuvent avoir leur importance. J’ai trouvé ce film assez bien réussi.

  3. PIERRE DERENNE dit :

    Ce film/documentaire m’a vraiment intéressé. Tom Hanks, vu peu de temps auparavant dans sa parfaite interprétation du Pont des Espions, campe parfaitement le rôle du commandant de bord face à une situation critique avant l’amerrissage mais aussi face à la commission d’enquête.
    Concernant les machines, je partagerai ultérieurement votre nostalgie mais la guerre est perdue. Elles ont supprimé les ouvriers et remplaceront les cadres bientôt.

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