Les jeux olympiques à contre-courant

Quand le chef gaulois Abraracourcix envisage de participer aux jeux qui s’organisent à Olympie, c’est avec la potion magique en bandoulière. Dans cet album d’Astérix sorti en 1968 à l’époque des jeux de Mexico, il ajoute: « c’est comme ça que je comprends le sport: pas d’incertitude« . Les habitants d’Hambourg se sont prononcés contre la participation de leur ville par référendum mais il est peu probable que ce mode de consultation soit proposé aux Parisiens d’ici le mois de septembre au moment de la désignation de la ville gagnante. La maire de la capitale parisienne en effet ne cache pas son scepticisme à l’égard d’une formule où l’on répond souvent « à côté » de la question et a préféré organiser une de ces consultations aux résultats garantis sans mauvaise surprise.

Son adjoint Jean-François Martins a d’ailleurs eu cette formule désarmante, pour commenter l’opération (effectuée en 2016), dans une interview accordée au Parisien: «L’idée n’est pas de demander oui ou non aux Parisiens, l’idée est de savoir comment ils souhaitent participer au projet», soit une conception édifiante de la démocratie « participative ». Il en avait été de même pour la fermeture des voies sur berges où l’on ne demandait pas aux gens s’ils étaient pour ou contre mais seulement de se prononcer sur la longueur du tronçon à libérer. C’est ce que l’on pourrait intituler de la démocratie optimisée.

La « consultation » ainsi concoctée (1) est close mais le détail disponible de la participation est amusant: ainsi au chapitre « jeux, fête et participation », le site décompte 607 « contributions », 2333 « votes » et 750 « participants ». Un observateur professionnel n’y retrouverait pas ses petits. Pourtant un sondage IFOP publié dans le JDD en 2015 indiquait que 72% des sondés réclamaient un référendum sur la question. Parallèlement un chiffre établissait à 58% le nombre de personnes interrogées favorables aux jeux. La ville n’a pas voulu s’y risquer.

Février 2017

Mais il semble que l’enthousiasme à ce sujet ne cesse de décliner alors que presque toutes les villes candidates se sont retirées (Hambourg, Budapest, Rome, Boston, Toronto) face à l’hostilité des populations, à l’effort budgétaire requis et aux dépassements financiers spectaculaires qui en découlent par tradition. Lorsque l’on consulte le web et les réseaux sociaux il est bien difficile de trouver des commentaires favorables à la candidature parisienne alors qu’une pétition pour un référendum, lancée très récemment, a d’ores et déjà dépassé les 10.000 signatures (2). Même la « com » de la mairie semble à la peine.
Un des panneaux d’affichage (ci-dessus) se targuait récemment du soutien de 50 capitales pour la candidature de Paris, faute sans doute d’un engouement tangible des Parisiens dont la mairie aurait sans doute préféré se prévaloir. Est venu se rajouter dans le camp des soutiens, le candidat à la présidence de la République Benoît Hamon  (lui-même soutenu par Mme Hidalgo), qui entend se battre pour que Paris gagne face à Los Angeles, la seule ville qui reste en lice.

La maire de Paris qui était à l’origine contre l’organisation des jeux a changé d’avis et semble depuis ramer à contre-courant. Le manifeste de la ville destiné à vanter la candidature parisienne et  titré en anglais « made for sharing« , choix linguistique qualifié d’ânerie par Bernard Pivot (l’amoureux de la langue française François Mitterrand n’aurait pas trouvé meilleur terme), n’a pas réussi à convaincre les foules. Le Comité des jeux de son côté doit trancher en septembre.

L’ambiance parisienne à l’égard des jeux d’été 2024 s’est de beaucoup rafraîchie. Les contempteurs de l’événement pointent notamment l’obscurité d’un financement promis irréprochable sans compter quelques dérapages écologiques comme au Jardin des Serres d’Auteuil. Mais la principale revendication qui dépasse probablement la seule idée des jeux et des clivages gauche-droite c’est la volonté d’un peuple de pouvoir vraiment donner un avis. Il semble que l’usage de la démocratie directe ait été jugé jusqu’à présent bien trop risqué aux yeux de nos édiles.

PHB

(1) La « consultation » en ligne

(2)La pétition pour un référendum

 

 

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2 réponses à Les jeux olympiques à contre-courant

  1. philippe person dit :

    Bien vu, Philippe.
    Si chacun d’entre nous s’amuse à demander à ses connaissances si elles sont « pour » les Jeux à Paris, il constatera que les partisans ne sont pas légion…
    J’ai fait plusieurs fois l’expérience et l’opposition est presque générale… Coût, nuisances, source de corruption, construction d’équipements inutiles alors qu’il n’y a pas une piscine par arrondissement par exemple… et apologie du sport chimique… Prenons Bolt, il vient de perdre une médaille d’or du relais… Ses trois partenaires ayant été pris pour dopage… Bientôt son tour ?

  2. Cher Philippe,

    les grands esprits finissant toujours par se rencontrer, je ne résiste pas au plaisir de vous renvoyer au dernier courriel que j’ai envoyé aux quelque 82600 signataires de ma pétition SAUVONS LES SERRES D’AUTEUIL:

    https://www.petitions24.net/a/10505

    Les émissaires du CIO vont se succéder à Paris ces prochaines semaines, et il sera bon de leur faire connaitre le refroidissement des Parisiens quant aux JO…

    Merci pour votre article!

    P.S. Je ne parviens pas à mettre en bleu l’adresse mail en question

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