La poésie au formol de Tristan Félix

Bien souvent ils n’ont connu que la vie intra-utérine avant de finir en bocaux. Ils avaient débuté leur vie éphémère dans le liquide amniotique et les voilà figés, inachevés,  en suspension dans le formol. Qui pense à eux? Personne ou presque.
Poète « polyphrène et polymorphe« , Tristan Félix s’est intéressée à leur cas en demandant l’autorisation de publier quelques photos de ces êtres oubliés au Musée d’anatomie pathologique Dupuytren. En regard des images, elle a écrit un livre, justement intitulé « Observatoire des extrémités du vivant ».

 

Face à ce petit visage au regard perdu dans les brumes limbiques elle écrit:

« Je suis une enfance de libellule
mica friable entre tes doigts
ton vitrail quand le soleil du soir
frappe à ma tempe

Je fus vieillard de souche
je suis rejet de cime
balancé par Éole

J’explose ma pivoine à la merci du moindre orage

Vois, rince-toi l’œil
irrité de tant de larmes malvenues
Ressaisis-moi »

Comme le préface le poète Hubert Haddad: « Le plus grand mystère n’est sans doute pas qu’il y ait de l’être (…) mais de l’incarnation« .

Cette affaire n’est qu’une partie du livre puisque Tristan Félix s’intéresse aussi aux animaux laissés pour compte de l’existence en raison d’une malfaçon originelle et échoués au même titre que les humains dans une bulle de verre. Elle digresse également sur d’autres sujets comme les félidés. Mais le plus essentiel sûrement, c’est cette série de poèmes qu’elle a rédigés en direction de ceux qui n’ont pas eu le temps d’exprimer quoique ce soit, coupés dans leur élan, punis par un défaut de fabrication, frappés par une malédiction, marqués d’un mauvais numéro de série. Cela méritait bien cet hommage, cette poésie sensible, qu’ils liront de loin.

PHB

« Observatoire des extrémités du vivant » Editions Tinbad 20 euros

NB: Tristan Félix comme son prénom ne l’indique pas est aussi dessinatrice, photographe, marionnettiste (Le petit théâtre des pendus). On peut en savoir un peu plus sur elle en parcourant les articles lui ayant été consacrés dans Les Soirées de Paris.

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Une réponse à La poésie au formol de Tristan Félix

  1. Steven dit :

    Très touchant. S

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