Le bout du tunnel n’existe plus

C’est l’une des scènes les plus étonnantes du film. L’équipe de sauvetage envoie un drone de repérage dans le tunnel. Et il est suivi trente secondes plus tard par une escadrille de drones supplétifs, expédiés par les médias venus en masse pour capturer des images de la catastrophe. Quelque part en Corée, un tunnel s’est effondré avec croit-on savoir, un seul survivant en plein milieu. Le réalisateur Kim Seong-hun a pris le parti d’éviter les codes et les poncifs du film-catastrophe et c’est ce qui fait que l’on tient jusqu’au bout avec très peu d’oxygène et très peu d’eau.Pourtant le film dure deux heures et six minutes. Sur une longueur pareille, les possibilités de ratage sont nombreuses. L’histoire qui nous est racontée nous fait la charité d’alterner les passages en surface et les séquences souterraines, ce qui fait qu’au contraire du personnage central, interprété par Ha Jung-Woo, nous ne sommes pas obligés de boire notre propre urine afin de survivre. Car cette épopée claustrophobe dure trente jours.

Dans ce genre d’histoire le début est forcément banal (mais assez esthétisant) bien que l’on sache à l’avance à quoi s’en tenir. Jung-soo est un cadre qui travaille chez Kia Motors. Il rentre chez lui en empruntant une route déserte. Il doit retrouver sa famille. A l’arrière de la voiture se trouve un gâteau d’anniversaire pour sa petite fille. Une alerte vocale de son ordinateur de bord le prévient qu’il va bientôt entrer dans un tunnel. Il vient à peine de terminer une conversation téléphone que l’événement attendu se produit: le tunnel s’écroule.

L’habitacle de sa voiture l’a protégé de l’éboulement général. Le voilà au milieu des gravats. Par chance il y a du « réseau » et c’est par ce truchement qu’il va prendre contact avec les pompiers et entretenir jusqu’à épuisement de sa batterie un lien quotidien avec le chef qui conduit l’opération de sauvetage. C’est le seul hiatus du film d’ailleurs, car un smartphone moderne tient rarement plus de deux jours. On peut toujours supposer qu’il trouve moyen de le raccorder à la batterie de sa voiture qui est toujours opérationnelle. Ce téléphone lui permettra en tout cas de parler à sa femme Se-hyun jouée par la très convaincante Doona Bae. L’histoire s’enrichit en outre des travers qui semble-t-il frappent de nombreux pays dont la Corée: le tunnel n’était pas aux normes, il faut composer avec les médias et incidemment avec une ministre du gouvernement sur la brèche, soit une sorte de Roselyne Bachelot à la sauce coréenne.

Si l’on n’est pas trop difficile, « Tunnel » est un bon moment de cinéma avec des surprises que l’on ne révélera pas sauf à torpiller l’envie d’aller le voir. Outre un regard sur les réalités coréennes (enfin on le suppose) il nous apprend en filigrane que la vie est une série de tunnels dont la solidité n’est pas forcément garantie. Et qu’en tout état de cause, il vaut mieux avant de partir de chez soi -au hasard pour prendre le métro- se munir d’une réserve d’eau, d’une bonne lampe de poche, d’une batterie de rechange pour le téléphone et d’un solide quatre heures. Dans « Les naufragés de l’autocar » du romancier John Steinbeck, le chauffeur estimait qu’avec une bouteille de whisky et un colt 45, il pouvait parer à toutes les situations d’urgence et sans téléphone. Aujourd’hui c’est moins évident.

PHB

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