Ce plussoyer que vous utilisâtes

Le terme a l’air de sortir du moyen-âge mais non. D’après le Wiktionnaire appelé à la rescousse, le verbe « plussoyer » est tout frais sorti du néo-jargon propre à une société frénétiquement numérisée. Il est devenu verbe à partir de la mention « +1 » que les internautes mettent en bas d’un article ou d’une photo afin de signifier leur approbation. Son emploi apparaît progressivement. Dans sa dernière édition, le Journal du Dimanche consacrait un fort édifiant article à propos de l’amitié qui se construit entre Emmanuel Macron et le notable vendéen Philippe de Villiers. Ce dernier racontait une blague dans l’enceinte d’un stade de football en compagnie du couple Macron. C’est alors que la journaliste a de sa plume écrit: « Brigitte Macron plussoie ». Façon de dire qu’elle acquiesçait, précisant même: « on a bien rigolé ».

La langue française compte plus de dix mille verbes. Nombre d’entre eux peuvent signifier une approbation. Avec « plussoyer » cela en fera un de plus. Que l’on mettra par exemple au bas d’un contrat en lieu et place de « lu et approuvé ». Encore que juridiquement, la pertinence juridique de son emploi -lu et plussoyé- reste à établir. Le temps fera le tri comme toujours et pour l’instant c’est encore un néologisme, terme derrière lequel on case les candidats au dictionnaire des mots confirmés.

L’avantage du verbe par rapport au mot simple c’est qu’on peut le conjuguer histoire de voir comment il s’intègre. À ce propos, « Plussoyer » n’est pas sans rappeler le verbe asseoir qui les années passant, a perdu son double usage à l’impératif. Dans les années soixante, les instituteurs pouvait dire aux élèves « assoyez-vous » ou « asseyez-vous ». La première formule a perdu la bataille et c’est dommage car la seconde est un brin plus sèche.

Pour ce qui est de plussoyer, il est possible de le conjuguer tel « broyer » ou « envoyer ». Au passé simple cela donnerait « Brigitte Macron plussoya ». Mais imaginons qu’elle fît le contraire, son mari aurait alors pu lui dire, « j’eusse préféré que tu plussoyasses » ce qui n’est pas forcément aisé lorsque l’on doit réprimer un léger zézaiement.

Curieux en tout cas de constater comment la consonance de ce mot nouveau l’apparente à un registre ancien, au contraire de nombreux vocables qui ont germé dans les banlieues ou au milieu des cours de récréation. Il a même une certaine élégance ce qui ne lui promet pas un usage populaire à l’instar de « kiffer », « liker »ou encore « bouillaver ». Rien de tel en revanche qu’un bon vieux subjonctif imparfait pour anoblir un mot quitte à passer pour un bouffon réactionnaire qui connaît ses conjugaisons.

Pas si facile d’élaborer davantage autour de ce mot si neuf qu’il traîne encore ses langes humides au sol. Il manque d’expérience, il n’apparaît pas encore dans les citations que l’histoire serait amenée à retenir et son usage au Scrabble peut faire tousser les puristes. Mais enfin l’esquif a largué ses amarres,  ses gréements sont hissés et nous regarderons son parcours langagier avec bienveillance. Dans un monde où il est toujours plus facile de dire de dire « OK » voire « OK-d’accord » que de plussoyer sans trébucher.

PHB

 

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7 réponses à Ce plussoyer que vous utilisâtes

  1. Marie J dit :

    Évidemment je plussoie, avec un doute tout de même : s’agit-il d’un verbe transitif ?

  2. BM Flourez dit :

    Sans plussoyer plus qu’il n’en faut, je vais tenter d’abonder sur « asseoir ». Ne faudrait-il pas compter trois formes d’impératif entre « assois-toi ! », « assieds-toi » et sa forme canine : « Assis ! » ? Car il s’agit bien d’un ordre qui participe… à la bonne entente entre nous et nos amis canins. « Couché ! » d’ailleurs pourrait le suivre. Mais peut-être la grammaire consacre-t-elle déjà ces formes ?

  3. de FOS dit :

    Pour approuver une blague, j’opte pour la forme pronominale : je me suis plussoyée de rire à la lecture de la chronique !

  4. Merci de m’éviter la stupéfaction (et la honte?) dans le prochain dîner en ville… à l’oral c’est assez affreux comme mot. Quelle en est l’étymologie?

    • Vousoyer ou vouvoiyer, les deux se disent.
      Le premier sent l’eau de rose,
      Les violettes. Il est aussi beau et tendre que les premières rides sur le visage d’une femme encore fort belle

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