Le plat pays soigne ses plans reliefs

Dans son imposante majestuosité (sans doute teintée d’un peu de mégalomanie), Louis XIV aurait-il pu imaginer que trois siècles plus tard, les descendants de ses sujets se presseraient en nombre pour admirer les maquettes des villes et places fortes de son royaume qu’il avait fait réaliser à partir de 1668 à des fins militaires ? En 2018, à Paris plus de treize mille visiteurs se sont rendus aux Invalides pour découvrir une bonne partie de ces précieux plans-reliefs, aujourd’hui entreposés au sein du musée de l’Armée. Ces miniatures montrent avec une précision étonnante les villes fortifiées de la Manche, du littoral atlantique, des Pyrénées et de la Méditerranée.

Les maquettes du Nord de la France et de l’actuelle Belgique ont bénéficié d’un autre traitement. En 1983, et à la suite d’une bagarre qualifiée d’historique, menée essentiellement par le premier ministre et maire de Lille Pierre Mauroy, la ville de Lille obtenait le dépôt des plans-reliefs des villes et places fortes du Nord et des anciens Pays-bas espagnols. Au total, une quinzaine de plans-reliefs appartenant à une région allant de Calais et Gravelines jusqu’à Namur et Maastricht en passant par Bergues, Avesnes-sur-Helpe et Lille sont aujourd’hui en dépôt au palais des Beaux-arts de Lille, au cœur du plat pays.

Ces plans-reliefs, précieux témoins d’une région riche en place fortes parce que ne bénéficiant pas de défenses naturelles, viennent de subir un exceptionnel travail de rénovation. Si l’on n’y voit aucun personnage, en revanche il ne manque pas une fenêtre, pas une tour, pas une cheminée dans ces « villes bonsaïs » reproduites au 1/600 ème. Ces miniatures sont constituées de bois, de papier aquarellé, de poudres de soie, de carton mâché. Les rivières sont représentées par une peinture à l’huile. Les arbres sont formés de fines chenilles de soie entrelacées avec un fil de laiton. Tout cela, on le devine, s’accompagne forcément d’une certaine fragilité. D’où le travail de bénédictin exigé pour la rénovation à laquelle s’est attelée une équipe de quinze personnes pendant un an et demi. “Primum non nocere“ (en premier ne pas nuire ndlr) est une règle de médecine, mais c’est aussi celle des restaurateurs : chaque pièce a été méthodiquement et soigneusement décrassée, dépoussiérée, recollée en respectant bien évidemment les matériaux originaux.

On comprend dès lors que la réouverture au public de ces plans-reliefs qui ont retrouvé leur fraîcheur d’origine ait suscité l’intérêt d’un grand nombre de personnes, d’autant que la nouvelle présentation fait appel aux derniers progrès de la technique. L’utilisation des LED améliore singulièrement l’éclairage, souvent le point faible des expositions «fragiles» dans les musées. Un écran tactile permet de zoomer sur telle ou telle partie d’un plan (vous pourrez même vous envoyer, par mail, une photo de ce plan !). La nouvelle signalétique permet de replacer l’histoire de ces maquettes dans leur contexte historique. Au-delà de leur simple beauté – parce que ces réalisations ne sont pas seulement des témoignages d’histoire, ce sont aussi des œuvres d’art- on ne peut qu’admirer l’ingéniosité des concepteurs.

Car il s’agit bel et bien de villes vues du ciel. Or les premières observations aériennes (premier vol habité d’une montgolfière en 1783) n’eurent lieu que 120 ans après les premiers plans-reliefs de cette inestimable collection… Il est en tout cas émouvant de voir aujourd’hui des familles entières se pencher pour tenter de retrouver une maison, une rue, un quartier : un espace de vie en somme, pas un simple décor.

Gérard Goutierre

Palais des Beaux Arts, place la République, 59000 Lille
7 euros-4 euros. Gratuit le premier dimanche du mois.
Lundi 14 h-18 h.
Du mercredi au dimanche 10 h-18 h

Crédits photos:
(1) Ouverture: Plan relief de Lille, la Porte de Gand ©Palais ds Beaux Arts de Lille Na​thalie Dereymaeker
(2) Seconde image: Travail minutieux de la restauration du Plan Relief de Lille   ©JM Dautel Palais ds Beaux Arts de Lille
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3 réponses à Le plat pays soigne ses plans reliefs

  1. Fauveau dit :

    Est-ce une exposition temporaire ? ou un « coin » du MBA dédié?
    Merci

    • Gerard Goutierre dit :

      Ce n’est pas une exposition temporaire ; c’est un département du Palais des Beaux Arts de Lille, donc visible en permanence.

  2. Marc Goutierre dit :

    A noter que celui de Douai est au musée de la Chartreuse, à Douai!

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