Gustave Courbet, l’amour de la nature

Étienne Carjat, ami de Baudelaire, journaliste, caricaturiste et photographe, (celui-là même qui réalisa le fameux portrait de Rimbaud en 1871, avant de détruire, paraît-il, en représailles, la plupart des clichés du poète parce que celui ci l’avait blessé, au cours d’un dîner orageux, d’un coup de canne-épée, arme empruntée au poète Albert Mérat ), écrivit un texte dédié à la mémoire du peintre Gustave Courbet.

Tout en saluant l’œuvre de l’auteur de «l’Atelier du peintre», Carjat rappelle à quel point Courbet est mort, en 1877, dans une grande solitude. Exilé en Suisse, condamné par la justice qui le rendait responsable de la destruction de la colonne Vendôme pendant la Commune, ses biens et œuvres saisis et dispersés en vente publique. Il est vain de dire que la IIIe République aura négligé les anciens communards.

Carjat ajoute étrangement, «Aujourd’hui les jeunes gens se suicident pour une drôlesse mais ils ne trouveront pour une œuvre de génie, ni intérêts, ni enthousiasme».

On tremble à l’idée que peut-être de nos jours ce constat reste pertinent. Une contemporaine «drôlesse» dont il reste à préciser la nouvelle nature, occuperait-elle encore les esprits folâtres de nos jeunes gens ?

Aussi nous ne pouvons donc que conseiller, à titre prophylactique, la visite de cette exposition, «Gustave Courbet, l’amour de la nature», à la Fondation Mona Bismarck, qui présente trente cinq toiles et quatorze dessins du maître en partenariat avec l’Institut Courbet.

«Le beau est dans la nature et se rencontre dans la réalité sous les formes les plus diverses. Dès qu’on l’y trouve, il appartient à l’art ou plutôt à l’artiste qui sait l’y voir

Si la citation vaut manifeste pour l’exposition, le propos du maître du Réalisme est sans doute à prendre avec précautions. Il ne s’agit pas d’un retour à une forme béate d’idéalisme, une sorte de néoplatonisme. A trente ans, il affirmait déjà qu’il fallait «encanailler l’art», qu’il fallait en finir avec «l’art bon genre à la pommade (…) l’art à idée». Aussi, c’est à une peinture née d’une relation directe entre la représentation de la nature et sa perception qu’ira sa préférence.

Admirateur de Courbet, Cézanne dira un peu plus tard, comme pour affiner le propos, «la nature est à l’intérieur», c’est à dire les choses, lumière, couleur, ne sont là que dans la mesure où notre corps est susceptible de les accueillir. Présence charnelle du réel contre éthéromanie, donc.

Le peintre de «L’Origine du monde», œuvre qui restera longtemps très privée, inconnue du public, est un incontournable point de basculement dans l’histoire de la représentation. Et c’est ce qui demeure visible dans certains paysages montrés par l’exposition.

Auteur d’une œuvre faite de ruptures, Gustave Courbet n’aura guère attendu les modernes pour user de l’art de la provocation. En 1863, «Le retour de la conférence» est refusé pour cause d’outrage à la morale religieuse. Il est vrai que le tableau montre, assez crûment, une joyeuse troupe d’écclésiastiques passablement, osons le terme, « bourrés » s’ébattant dans la campagne. La toile aurait même été achetée dans le but d’être détruite.

Où sont les toiles détruites d’antan ?

Pierre Chiquelin

Fondation Mona Bismarck

34, avenue de New-York 75116 Paris/Jusqu’au 4 juin 2011

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