Odilon Redon, prince névrotique

Encore une réclame qui en fait accroire. Avec «la cellule d’or» à l’affiche et un titre qui se veut aguicheur « Prince du rêve », le visiteur peut s’attendre à entrer de plain pied au pays des beaux songes. En sus, comme Odilon Redon n’a pas été exposé à Paris depuis 1956 (1), il y a quelques générations qui pourront effectivement s’estimer trompées au fil des galeries que le Grand palais a réservées à l’artiste, tant le décalage est sensible entre la promesse de l’affiche et l’exposition.

Si Martin Luther King avait fait un rêve, de toute évidence Odilon Redon s’est levé un matin en disant à sa mère, «j’ai fait un cauchemar». Les deux fusains, «la bataille des os» ou «l’araignée souriante» sont là pour attester que chez Redon le songe n’est pas un rêve.

Odilon Redon. Araignée ou Araignée souriante/ © service presse Rmn-Grand Palais /

 

Mais l’un des intérêts de cette exposition est qu’elle est organisée de façon chronologique et que de cette manière, on peut suivre l’expression onirique de l’artiste et notamment la dimension anormale de ses mondes en projection, oscillant entre l’étrange et l’inquiétant.

La «cellule d’or» (1892 ou 1893), que l’on voit partout sur les affiches des rues parisiennes, se trouve à peu près au milieu du gué de même qu’une «Eve» (1904), qu’aucune araignée ou mollusque à œil de cyclope inopportun ne vient perturber dans sa grâce dénudée. Ces œuvres-là apaisent alors que la visite n’est pas terminée.

Vers la fin de sa courte vie (1840/1916), et donc juste avant que le parcours scénographique ne s’achève, les œuvres d’Olivier Redon semblent sorties de l’enfer, décapées de toute névrose. Les bouquets de fleurs que sa femme lui compose, tandis qu’il lit Pascal au fond de son jardin, témoignent d’une sérénité nouvelle -du moins apparente.

La dernière pièce d’exposition dévolue à Redon le décorateur (avec notamment les pièces de l’Abbaye de Fontfroide ainsi qu’une remarquable maquette de tapis qui évoque avec un peu d’imagination le suaire de Turin) nous confirme la fin de la nuit et de ses tourments.

Odilon Redon Panneau rouge 1905 Collection particulière © François Doury

 

 Odilon Redon, Grand Palais du 23 mars au 20 juin 2011  

(1) Sauf ceux qui l’ont vu à Chicago ou Londres en 1994 ou encore à Francfort en 2004)

Post-scriptum : pour le songe, le vrai, celui ou l’esprit plane, on préférera à Odilon Redon son contemporain belge Fernand Khnopff qu’on se languit de revoir un jour à Paris ou même quelque part..

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4 réponses à Odilon Redon, prince névrotique

  1. Girerd dit :

    Merci Philippe Bonnet.

  2. Merci de votre fidélité, Maryse Girerd. PHB

  3. GUAZZETTI dit :

    si tu n’étais pas là , je ne serais qu’un puit d’inculture…

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