Vincent Delerm fait pschitt

Qui aime bien châtie bien, autant l’écrire d’emblée. Me voilà en effet bien triste car j’aurais tant aimé recommander ce spectacle. Depuis l’Européen il y a près de dix ans, l’artiste, alors «fils de Philippe Delerm», nous avait régalé de réjouissantes propositions, de concerts qui n’étaient jamais un simple enchaînement de chansons mais étaient enrichis de saynètes amusantes ou mélancoliques mais originales.

Aux Bouffes du Nord, pour ce spectacle Memory, Vincent Delerm nous avait promis un moment de théâtre, l’histoire d’un homme qui voit le temps passer sans pouvoir le retenir. Il y a bien de cela, mais bon sang on sent tellement la lassitude, une lassitude vite contagieuse. Les chansons, d’un piètre niveau dans le répertoire du bonhomme (un répertoire sans prétention mais qui accroche comme la ventouse votre serviteur trentenaire), sont réduites à la portion congrue, les «saynètes» se taillent la part du lion. Mais c’est d’un fauve de ménagerie dont il s’agit. Ces instants sont longs (par bonheur, la durée du spectacle se limite à 1h20, dix minutes de moins qu’annoncé), et alors qu’auparavant ces intermèdes animaient la soirée, ils ne font ici que la faire traîner en longueur, au ras des chaussettes Burlington.

Vincent Delerm. Photo: © Aglaé Bory

Mais je m’emporte, la déception m’emporte. Ce n’est pas mauvais en réalité, mais la forme n’a pas été adaptée au fond, c’est gênant. Vincent Delerm est un astucieux bricoleur, mais en dépit de la «complicité artistique» de Macha Makeïeff, la mèche ne prend pas. Dommage pour ce cadre enchanteur des Bouffes du Nord. Vincent Delerm confiait récemment son bonheur d’y jouer, après y avoir vu notamment les Têtes Raides ou la Mouette interprétée par Irène Jacob. J’y étais aussi. Effectivement, c’étaient là de bien belles soirées, si loin de Memory.

Alors que s’est-il passé ? Pression du producteur pour faire l’actualité alors que le dernier album studio en date nous ramène en 2008, caprice de star en panne d’inspiration, gros coup de fatigue ? Je ne doute pas encore que la prochaine galette nous ramènera sur le droit chemin. Si elle tombe un jour dans les bacs. Il faudra patienter visiblement. Car Vincent Delerm entend faire «une pause» a confié aux Soirées de Paris un fin connaisseur, qui précise que l’artiste «préfère pour le moment se consacrer à d’autres projets avant un éventuel retour au disque». Sur la foi du spectacle des Bouffes du Nord, voilà qui sonne comme un testament médiatique.

Philippe Delerm, désormais «père de Vincent Delerm» (quelle injustice pour l’auteur de Sundborn ou les jours de lumière … parenthèse pour ceux qui auront découvert ce village suédois un matin glacé de février), Philippe Delerm, donc, est aux anges, devant moi, avec son épouse Martine. Ils sont les seuls à comprendre toutes les farces de leur bambin. Mes deux voisines de gauche, siamoises aux lunettes noires en barquettes à la fraise, elles aussi dodelinent et sourient béatement. Ou poliment, je ne le leur ai pas demandé, ma voisine de droite étant assez jalouse, inutile de se faire griller pour si peu, elle avait déjà subi une lourde déception ce soir-là.

La page du spectacle de Vincent Delerm sur le site des Bouffes du Nord

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Une réponse à Vincent Delerm fait pschitt

  1. Ananim dit :

    Oh non…
    J’y vais dans quelques jours et j’avais deja un assez mauvais pressentiment en l’entendant presenter, sur les differentes emissions de radio, son spectacle « de theatre » mais la j’ai carrement peur que la deception soit encore plus grande que je l’imaginais.
    dommage, en attendant, on reecoutera les CD..

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