Feydeau toujours dans le rythme

Le jeune Georges Feydeau avait fondé le Cercle des Castagnettes, éphémère troupe de théâtre. Plus d’un siècle plus tard, les monologues comiques écrits en son sein n’ont rien perdu de leur piquant. Démonstration magistrale jusqu’au 22 avril au Studio Théâtre de la Comédie Française, dans un spectacle qui reprend le nom de la troupe, adapté et mis en scène par Alain Françon (récemment à la manœuvre pour l’épatante Trilogie de la Villégiature de Carlo Goldini dans la même maison) et le Pensionnaire Gilles David, et interprété par ce dernier.Comme les castagnettes, les mots de Feydeau claquent sans répit au fil de ces treize monologues, à un rythme toujours maîtrisé. L’auteur se moque de la société parisienne de la fin du 19e siècle, du politicien hautain au bourgeois, du mari trompé au beau-parleur sosie de Bel-Ami. C’est si féroce qu’aujourd’hui encore on sent la morsure, Feydeau souvent semble causer du Paris de 2012. Il va jusqu’à prénommer Nicolas son personnage récurrent sans cesse ridiculisé. Que le spectateur qui n’a pas fait de rapprochement me jette la première pierre. Croix de bois, croix de fer pourtant, ce n’est là que du Feydeau nous assurent les créateurs de ce délicieux moment de théâtre.

Le personnage de ce Cercle des Castagnettes croit tout savoir, avoir tout vu, il a un avis tranché sur l’économie, la politique, la vie conjugale, il se pense irrésistible aux yeux des femmes. Le spectateur rit bien sûr de cette forfanterie. Il rit jaune pourtant, car nul finalement ne peut se prétendre épargné par cette écriture «d’une précision d’horloger suisse» comme le souligne Gilles David. «Vous voulez être riche ? Soyez économe. Je l’ai été toute ma vie. Et quand je mourrai j’aurai beaucoup d’argent», clame-t-il sur scène après avoir endossé l’habit d’un mari infidèle qui entend se justifier : «Je suis encore très jeune, je ne vois pas pourquoi je me condamnerais au jeûne». Tandis que Feydeau, replongeant en enfance, conteste la réprimande du professeur pour poésie non apprise : «comment aurais-je pu la savoir, je ne l’avais pas apprise !». Mieux, l’auteur feint de dénoncer son propre texte en affirmant que tout cela ne rime à rien, le monologue étant par essence «faux, archi-faux !», car «un homme seul ne parle pas, il pense !».

Le Cercle des Castagnettes. Photo: Christophe Raynaud de Lage

L’écrin du Studio Théâtre convient à merveille. Nous voilà invités dans un même salon, en toute intimité. Faut-il écrire, last but not least, que le comédien est excellent ? Gilles David met en lumière tout en finesse cette écriture ciselée pour nous servir une suite de monologues qui forment un tout harmonieux. Quand il pousse la chansonnette, c’est un numéro de crooner, un génial instant de
cabaret.

Le Cercle des Castagnettes, de Georges Feydeau, jusqu’au 22 avril, à 18h30. 

Un autre monologue se présente du 12 au 22 avril au Studio Théâtre, à 20H30 cette fois, dans une tonalité très sombre, Denis Podalydès se «met en espace» pour interpréter «Ce que j’appelle oubli» de Laurent Mauvignier. En savoir plus.

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2 réponses à Feydeau toujours dans le rythme

  1. Bruno Philip dit :

    Beau texte

  2. de FOS dit :

    22 avril…, Nicolas… Quelle coïncidence !
    Y aura-t-il prolongation jusqu’au 6 mai ?

Les commentaires sont fermés.