Un Chat Noir sur les toits de Montmartre

Avec le Musée Montmartre, l’exposition sur le Chat Noir jouit d’un écrin parfait. En passant le porche du 12 rue Cortot à Montmartre, on éprouve une sensation de bien-être immédiat. C’est calme, blanc et vert. C’est reposant comme de se coucher dans une paire de draps séchés au grand air. Ajoutons à cela une scénographie plutôt bien balancée du Paris quelque peu canaille et exubérant  des cabarets de la fin du 19e siècle et l’on ne regrette pas la petite ascension pédestre depuis la station Abbesses.

Tout ce petit monde se voulait tout à la fois moderne, frivole, iconoclaste et gai. Du boulevard Rochechouart au haut de la Butte Montmartre qui venait tout juste d’inaugurer sa basilique, on venait pour s’amuser. Fondé en 1881 par un certain Rodolphe Salis, le Chat Noir du nom d’un fameux cabaret et prétexte de cette exposition à atmosphères multiples, était considéré comme une scène littéraire, artistique et musicale d’avant-garde. Vaste programme et belle ambition. Pour la première fois, la police y avait autorisé l’installation d’un piano. Viendront ainsi se produire des noms connus de nos aïeux comme Paul Delmet (1) et Albert Trinchant.

Juan Gris, Devant le Moulin Rouge, c.1908, Collection particulière

Allez-y pour cette atmosphère fofolle, primesautière, délurée et transgressive  que les œuvres exposées restituent très bien. Ce musée a pour ambition, à deux pas des différents pièges à touristes,  de monter en gamme et cela se sent. La diversité des pièces est de qualité.

Les théâtres d’ombre en zinc et bois signés Henri Rivière sont tout à fait étonnants. Il y a du Toulouse-Lautrec, du Vuillard, du Manet, des Nabis et des artistes moins connus mais pas dénués d’intérêt. Une vraie petite fête pour les pupilles. Et c’est presque dommage d’ailleurs. On aimerait pouvoir entrer de plain-pied dans une affiche et s’y retrouver piégés au milieu des chanteurs, danseuses et poètes tout en se disant « mazette, quel poète»  ou « sapristi, quelle griserie »!

Le Chat Noir il est vrai, c’est aussi l’histoire d’un succès, tout comme le Mirliton fondé plus tard par Aristide Bruant sur l’emplacement du premier qui avait déménagé dans un espace plus grand.

Le boss du Chat Noir faisait sa publicité lui-même. En fin bateleur, le voilà qui proclamait son cabaret « le plus extraordinaire du monde ». Rodolphe Salis attisait les tentations en assurant que l’on  rencontrait dans son antre  les « hommes les plus illustres de Paris » et des étrangers « venus de tous les points du globe ». Son œuvre, sa scène, constituaient selon lui « le plus grand succès de l’époque ». « Entrez, entrez !! » insistait-il comme tous les cabaretiers du monde. On finit par sortir de ce musée à regret. Mais on peut y revenir jusqu’au 13 janvier 2013.

 (1)    C’est cette année le cent-cinquantenaire de Paul-Julien Delmet, compositeur et chanteur né en 1862 et mort en 1904. Il se trouve un chanteur baryton parmi les lecteurs des Soirées de Paris qui a interprété les textes et chansons de Paul Delmet accompagné d’un pianiste. Il s’appelle Mario Hacquard. Sur cette vidéo vous pourrez juger de la musique de Paul Delmet et de la voix suave de Mario Hacquard accompagné en outre par une…Peugeot 203. Les voitures anciennes sont clairement une de ses marottes avec  un  sens particulier de la mise en scène. C’est ici.

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Une réponse à Un Chat Noir sur les toits de Montmartre

  1. Benoît dit :

    Merci Philippe pour l’ascension et respect breton pour Henri Rivière, Parisien de la rue Montmartre.

Les commentaires sont fermés.