Petits miracles au pied de la Colline de Chaillot

A l’ombre des jeunes filles en fleur, non pardon, je vais plus vite que la musique, à l’ombre des «grandes» expositions temporaires parisiennes, du Louvre au Grand Palais, se distinguent de petites pépites à côté desquelles il serait dommage de passer. Place ici à deux manifestations que je me permets d’évoquer en mode duo de par leur proximité géographique et leur complémentarité artistique.

Direction le 16e arrondissement, bord de Seine, pour une virée dans le monde parisien de la peinture au tournant des 19e et 20e siècles. A ma gauche, l’impressionniste américaine Mary Cassatt (1844-1926) se dévoile à la Fondation Mona Bismarck, non, pardon, au désormais Mona Bismarck American Center for art & culture (MBAC). A ma droite, Jacques-Emile Blanche (1861-1942) nous ouvre les portes d’un «Salon à la Belle-Epoque» à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent.

Femme bourgeoise dans la France de la fin du 19e siècle, Mary Cassatt n’avait pas accès aux cafés et aux salons de danse de ses homologues impressionnistes masculins, comme nous le rappelle un cartouche de l’exposition.

Mary Cassatt, Bain d’enfant (The Bath), 1890-1891- Courtesy Adelson Galleries, Inc. and Marc Rosen Fine Art Ltd.

L’artiste s’appliqua dès lors à dépeindre la vie sociale et domestique des femmes comme elle, de la dégustation du thé à l’essayage de robes. Une vie passée surtout auprès des enfants, du bain aux leçons de musique. A côté de remarquables dessins préparatoires et de gravures, ces enfants et leurs mères sont omniprésents dans la série qui constitue sans doute le principal attrait de cette déambulation à Chaillot, à savoir les contre-épreuves de pastel réalisées par Mary Cassatt.

Techniquement, il s’agit d’appliquer fortement une feuille de papier humide sur un pastel afin de faire passer la poudre fine sur ce qui devient alors la «photocopie» du dessin original, inversé naturellement. Le résultat est saisissant, les nouvelles images sont aériennes ou vaporeuses, enveloppées d’un voile de mystère tout en respectant le dessin original. Cette technique n’était pas nouvelle, elle avait été développée au 18e siècle pour «répondre à la demande de la bourgeoisie». C’est Degas qui l’avait remise au goût du jour, comme étape vers de nouvelles variations, alors que Mary Cassatt l’adoptait comme objectif final.

L’exposition du MBAC, «Mary Cassatt à Paris», réunit les œuvres achetées à l’artiste par le marchand d’art Ambroise Vollard. L’ensemble fut transféré au décès de ce dernier en 1939 au marchand Henri Petiet, et est aujourd’hui «généreusement mis à disposition par Adelson Galleries Inc et Marc Rosen Fine Art Ltd».

Après avoir plaisamment répondu à cet appel pour un renforcement de l’amitié franco-américaine, comme le veut la vocation de la fondation sise sur la bien nommée Avenue de New York, prenons un peu de hauteur. Cap sur la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent.

 

Affiche de l’exposition/Marcel Proust, 1892/Paris, musée d’Orsay/© RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski/© ADAGP, Paris 2012

Le peintre Jacques-Emile Blanche, «riche héritier et pilier de la haute société», nous y attend, dans l’exquise reconstitution d’un appartement. Du vestibule au jardin d’hiver, jusqu’au salon où de confortables fauteuils rouges nous accueillent, la visite nous renvoie un siècle en arrière au fil d’une galerie de portraits. S’y côtoient parmi 70 œuvres, Jean Cocteau, Henri Bergson, Paul Claudel, André Gide, ou jusqu’au Maréchal Foch, qui, posant en 1920, confie au peintre avoir «fait la guerre sur une chaise et devant un encrier».

Degas, encore lui, est là aussi, qui fut l’un des maîtres de Jacques-Emile Blanche et l’ami de sa mère. Sans oublier le portrait de 1892 du jeune Marcel Proust (les voilà donc, ces «jeunes filles en fleur»).

Car aux yeux du commissaire de l’exposition, Jérôme Neutres, «Blanche est le Proust de la peinture». Une «hypothèse» qui n’est pas que marketing «que l’exposition veut interroger et illustrer». «Ce n’est pas un hasard, assure le commissaire, si Jacques-Emile Blanche a publié le premier article consacré à Du côté de chez Swann en 1914». Et le conseiller du Président de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais de citer Colette, qui à la mort du peintre plaidait que Jacques-Emile Blanche a «peint les roses bouffantes, ruchées, que madame Swann fixait à son corsage».

Comme pour l’hommage rendu à Mary Cassatt, l’exposition n’est pas immense, mais en sortant, dans le vestibule, on cherche son haut de forme et sa canne avant de pouvoir dévaler décemment en tenue correcte exigée l’Avenue Marceau.

 Les sites du « MBAC »    et celui de la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent

 

 

 

 

 

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4 réponses à Petits miracles au pied de la Colline de Chaillot

  1. Marie dit :

    Voilà qui fait envie à voir. Merci d avoir sorti ces deux expos de leur discrétion

  2. de FOS dit :

    Blanche, le Proust de la peinture, quelle plus belle « signature » ?!

  3. Brignon dit :

    Bonjour,
    Mary CASSATT n’est pas née en 1844 mais en 1843
    Comme preuves:
    Elle serait décédée en 1926 à l’âge de 83 ans ( 1826 – 83 = 1843 )
    Sa tombe et son acte de décès confirment cette date:
    Lien:
    http://www.mary-cassatt.net/videos-mary-cassatt-18431926
    Cordialement
    GBrignon
    GBrignon

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