Un tramway presque parfait

Ce n’est quand même pas le merveilleux chat-bus mis en scène par Miyazaki dans «Mon voisin Totoro» mais les plus grincheux l’admettent ou l’admettront, le tramway parisien est bien agréable à regarder. Rien ne l’empêche de rouler sur son joli tapis vert. Son mouvement est fluide, il file sur son axe en maîtrisant sa vitesse, c’est une belle réussite. Avec son nouveau tronçon qui pousse jusqu’à la Porte de la Chapelle, les Soirées de Paris se devaient d’expérimenter.

Joseph Caillebotte, en peignant en 1877 la place de l’Europe sous la pluie, avait bien compris que la restitution de l’image aurait un cachet particulier dans un environnement humide. Tout en haut de la rue de Dantzig ce vendredi matin 8 heures, il pleut. C’est encore la nuit et les lumières de la ville improvisent une scénographie lumineuse sur la chaussée qui peut distraire en attendant le tramway. Nous sommes encore dehors, l’air est agréable à respirer, ils sont loin les couloirs du métro qui exhalent cette odeur unique d’humain confit.

Aujourd’hui on ne composte plus son billet on le «valide» mais dans les deux cas on grimpe dans la rame. Cette première section qui s’arrêtait à la Porte d’Ivry avant d’être prolongée a déjà quelques années de bouteille mais elle est encore dans son neuf et même dans son propre. Chacun peut y consulter dans le calme son téléphone intelligent. Une indiscrétion au-dessus d’une épaule permet de constater qu’une jeune fille, malgré l’heure matinale, est en train par texto, de donner un congé définitif à son petit ami en le priant de ne plus insister. Bref, l’atmosphère permet de vaquer plus aisément que dans le métro, le bus, voire juché sur un vélo. Ce tramway est stable en plus d’être calme.

 

C’était trop beau pour être vrai. Des gens ont sûrement été chargés d’organiser un design sonore afin de signaler l’approche des stations. Plaie de notre époque que ces gens, donc, qui se croient obligés de faire «malin», «original» ou pire de donner dans le clin d’œil, comme s’ils postulaient à l’illustration d’une émission sur Canal Plus. Chaque station a sa signature acoustique avec des voix masculines, féminines ou enfantines accompagnées de fonds musicaux.  Certaines seraient connues.

Une première fois cela peut surprendre surtout si l’on s’est placé juste en dessous d’un haut-parleur, une deuxième fois cela étonne encore car ce ne sont ni les mêmes voix ni le même fond musical, mais ce concours de sons variés lasse à la longue. Cela étant, les voyageurs ont l’air bien résignés. Sauf ceux qui ont un casque hi-fi sur les oreilles : ils ont décidé une bonne fois pour toutes de s’épargner toutes les sortes de nuisances sonores au registre desquelles se trouvent par effet de forfait les annonces du tramway. On nous aurait refait le coup des belles voix d’aéroport, n’eût-ce pas été meilleur. Trop facile.

C’est une contagion. Dans le tramway brestois, les voix changent avec les marées. L’annonce est masculine à marée basse, féminine à marée haute. Une démarche houleuse. D’habitude les usagers trinquent, désormais ils tanguent.

Heureusement le paysage de cette bonne ville de Paris est là pour nous distraire et l’on aimerait descendre à plusieurs reprises pour profiter par exemple de ces beaux parcs de l’entre-deux guerres qui jalonnent le parcours à savoir Kellermann (13e), Séverine (20e) ou encore la Butte du Chapeau rouge (19e). S’il n’y avait pas cette pollution sonore, on referait bien le parcours dans l’autre sens tellement il est beau notre tramway tout neuf.

 

 

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2 réponses à Un tramway presque parfait

  1. Virginie dit :

    J’ai testé ce matin le T3a… Même avec casque audio sur les oreilles, bien obligée de subir ces annonces de station qui se veulent originales! affligeant…
    Sinon oui, confort, hormis acoustique, impeccable.

  2. Merci chère lectrice. PHB

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