Confusion officielle place de la Concorde

détail d'une Fiat 500 vintage. Photo: PHBC’est le mois de mai 1960 à Paris. Nikita Khrouchtchev est attendu dans la capitale française en même temps que d’autres chefs d’Etat dont le président américain Eisenhower. C’est peu de dire que la ville est sur son 31 en même temps que les policiers, sous leur képi, sont sur les dents.

La foule s’est massée place de la Concorde pour observer le cortège du fraîchement nommé chef de l’Etat soviétique  venu participer à la conférence de Paris. Il ne va pas s’attarder dans la capitale française et écourtera même son séjour. Il n’a pas réussi en effet à obtenir des excuses de son homologue américain pour le survol de l’Union Soviétique par un avion espion américain U2. Un aéroplane que les russes ont du reste abattu en même temps que l’avion Mig qui le poursuivait tellement ils tiraient de missiles.

Ce jour-là, un jeune père de famille quittait la ville de Châtillon, en banlieue, afin de rejoindre son bureau. Ce jeune Conseiller référendaire de deuxième classe à la Cour des comptes, partait en sifflotant son air favori au volant de sa Fiat 500 décapotable, un modèle qui avait le chic pour rendre pimpants ses conducteurs.

La Cour des comptes se situant derrière la place de la Concorde où était massée la foule exaspérée par l’attente, c’est tout naturellement que le jeune magistrat avait pris la direction de l’endroit, avec l’obélisque en ligne de mire. Il dut néanmoins arrêter sa Fiat aux pieds de plusieurs agents de police qui lui enjoignirent de tirer un bord vite fait vu qu’on attendait Monsieur Khrouchtchev.

Détail d'une Fiat 500 vintage. Photo: PHB

Détail d’une Fiat 500 vintage. Photo: PHB

Ah, ah, méprise méprise Monsieur l’agent, vous parlez quand même à un titulaire de la carte tricolore qui vous promet, cochon qui s’en dédit, de traverser très vite la place pour rejoindre la rue Cambon où se trouve la Cour des comptes et donc, Monsieur l’agent de police, juste derrière la Concorde que je peux traverser en disons, trente secondes chrono.

Vu que Nikita Khrouchtchev n’était pas attendu dans la minute ni même dans les dix minutes et attendu que le policier avait devant lui un haut fonctionnaire tout ce qu’il y a de plus sérieux hormis son véhicule branlant, il lui fit signe de passer tout en lui recommandant d’un geste vif de ne surtout pas traîner, « rapport à une conférence internationale » où l’on n’admettait pas les interventions indésirables, avion U2 et Fiat 500 compris.

Merci Monsieur l’agent. Et le jeune Conseiller référendaire de deuxième classe, fendit littéralement une foule interloquée par cette antithèse de convoi officiel, sans la quadruple escorte de motards en formation delta. Comprenant le quiproquo, le magistrat de la Cour des comptes trouva poli de sortir le bras par le toit ouvrant de sa voiture, afin de saluer la population qui attendait si fébrilement qu’il se produisît enfin quelque chose. Entrant spontanément dans le jeu, la foule applaudit à tout rompre comme s’il s’agissait de Nikita Khrouchtchev et ses pompes. Le conducteur riait de cette farce improvisée mais, on l’a déjà écrit, les Fiat 500 rendent gais leurs propriétaires. Plus en tout cas que les pilotes d’avions U2 à qui les missiles sol-air donnent rapidement des aigreurs.

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5 réponses à Confusion officielle place de la Concorde

  1. jmcedro dit :

    On jubile à la lecture, comme si on avait soi-même encore sous la main cette Fiat 500 Matchbox orange, avec laquelle tant de courses furent gagnées, à la récré…

  2. weiss dit :

    Que de souvenirs… la 1ère voiture que j’ai jamais conduite (en laissant de côté, les malheureuses que j’ai faites souffrir durant toutes mes leçons de conduite en auto école).

  3. Ah, ah ! Beau texte qui ferait un beau petit court-métrage ! On voit les images !

  4. Marie dit :

    Je ne la connaissais pas…

  5. de FOS dit :

    Savoureuse méprise.

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