Un petit coin de France en plein coeur de La Havane

La Casa Hugo à La Havane, photo: Gérard GoutierreA peine vient-on de visiter, au cinquième étage de l’hôtel Ambos Mundos,  la chambre 511 où Ernest Hemingway écrivit quelques-uns de ses chefs-d’œuvre,  qu’un panneau de direction attire l’attention. Quelque chose qui semble presque déplacé dans ce quartier animé de La Havane : Casa Victor Hugo.  Il faudra interroger plusieurs habitants de la capitale pour parvenir,  dans une rue parallèle à la très fréquentée calle Obispo, jusqu’à une belle maison coloniale du XVIIIe siècle avec un joli patio rappelant fortement ceux des maisons andalouses.

A l’intérieur, on pénètre d’abord un petit musée fait de bric et de broc, où la référence à Victor Hugo se traduit entre autres par une petite boîte renfermant un peu de la terre du jardin de sa maison natale à Besançon,  et un masque en argile du visage du poète réalisé par un certain Jean Boucher. Plus étonnant, a priori : un bloc provenant de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Très précisément, nous indique le cartel, une pierre provenant de la face Nord numérotée 73 assise de la Tourelle.

En poursuivant la visite, on parvient au cœur  vivant de cette maison : une belle bibliothèque renfermant à peu près 5000 livres, quelques tables de travail, des écrans, le tout agrémenté des symboles incontournables de la France,  une Tour Eiffel et une poupée tricolore (et même un plan du métro parisien).

La Casa Hugo, à La Havane. Photo: Gérard Goutierre

La Casa Hugo, à La Havane. Photo: Gérard Goutierre

Créée il y a un peu plus de dix ans, avec l’appui du Sénat,  cette « Maison Victor Hugo » est le résultat d’une convention entre le PNUD (Programme des Nations Unis pour le développement) et le ministère cubain chargé de la Coopération. Trois ans ont été nécessaires pour restaurer le bâtiment,  dans le cadre de la réhabilitation du centre historique de La Havane, inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.  L’objectif est bien évidemment de développer la connaissance de la culture française et de favoriser la collaboration entre les deux pays.

Animatrice de cette petite Maison de la France, Mme Iradia Espada Costales (qui, en plus de son amour pour la France, cultive la passion pour les chats : elle est secrétaire de la très active « Association des amoureux des chats de Cuba », accueille tous ceux qui désirent participer aux manifestations organisées durant  l’année, et qui sont nombreuses : rien que pour le mois de février, une vingtaine de rendez-vous sont proposés dans les domaines culturels  les plus divers.

Mme Iradia Espada Costales. Photo: Gérard Goutierre

Mme Iradia Espada Costales. Photo: Gérard Goutierre

Iradia explique  pourquoi cette structure a été placée sous le signe de l’auteur des Misérables : « Victor Hugo a pris parti très explicitement pour les Cubains lorsqu’ils se révoltèrent contre la domination espagnole à la fin du XIXe siècle« .  De son exil à Guernesey, Hugo a laissé deux témoignages écrits, manifestant  clairement son appui pour les importants mouvements d’insurrection, notamment une « Lettre aux femmes de Cuba « . Voici ce qu’il écrivait le 15 janvier 1870, depuis sa résidence d’exil de Hauteville House, en réponse à un groupe de femmes cubaines réfugiées à New York  :

« Femmes de Cuba, j’entends votre plainte (…) Fugitives, martyres, veuves, orphelines, vous demandez secours à un vaincu. Je parlerai pour Cuba comme j’ai parlé pour la Crète. Aucune nation n’a le droit de poser son ongle sur l’autre, pas plus l’Espagne sur Cuba que l’Angleterre sur Gibraltar. Un peuple ne possède pas plus un autre peuple qu’un homme ne possède un autre homme. Le crime est plus odieux encore sur une nation que sur un individu ; voilà tout. Femmes de Cuba, qui me dites si éloquemment tant d’angoisses et tant de souffrances, je me mets à genoux devant vous, et je baise vos pieds douloureux. N’en doutez pas, votre persévérante patrie sera payée de sa peine, tant de sang n’aura pas coulé en vain, et la magnifique Cuba se dressera un jour libre et souveraine parmi ses sœurs augustes, les républiques d’Amérique.  » 

La Casa Hugo à La Havane. Photo: Gérard Goutierre

La Casa Hugo à La Havane. Photo: Gérard Goutierre

Un autre texte du poète s’adressant à ceux qu’on appelait les insurgés est encore plus explicite. On peut y lire quelques formules-choc : «  Je ne regarde pas où est la force, je regarde où est la justice »  {…} « Cuba est majeure. Cuba n’appartient qu’à Cuba. »

Restait à savoir pourquoi, au coeur du plus vieux quartier de La Havane,  on pouvait trouver, de façon presque incongrue, une authentique pierre de la cathédrale Notre-Dame de  Paris. La réponse était tellement évidente qu’elle mit dans l’embarras celui qui avait posé la question. C’est tout simplement que le roman de Victor Hugo, comme les films, ballets, ou comédies musicales qu’il inspira, constitue l’œuvre la plus universellement populaire de notre poète national

Davantage sur le site de l’Ambassade de France à Cuba.

 

 

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4 réponses à Un petit coin de France en plein coeur de La Havane

  1. Bruno Sillard dit :

    Si on me cherche, je suis parti à la Havane…

  2. Le premier qui arrive attend l’autre.

  3. Hugues DENTIER dit :

     » … Aucune nation n’a le droit de poser son ongle sur l’autre , pas plus l’Espagne
    sur Cuba que l’Angleterre sur Gibraltar …  »

    Holà hombre !

    Si la lettre de Victor Hugo tombe entre les mains de nos amis espagnols !

  4. Grévoul dit :

    Bel article d’hommage à la Maison Victor Hugo. Dans le langage populaire on a l’habitude de dire « rendons à César ce qui lui appartient ». Ce n’est malheureusement pas le cas de ce long article. Cette maison existe grâce à la volonté et à l’engagement de l’association française Cuba Coopération France. Le rédacteur ne pouvait ignorer cela et il est pour le moins curieux qu’il n’y ait pas fait référence. Cette maison a été créée grâce à la volonté commune du bureau de l’historien et de l’association. Le sigle de l’association est représenté sur le panneau d’entrée que l’on voit sur une des photos !Depuis, l’association soutien en permanence les actions de la maison, ce que tout visiteur, peut constater en visitant la maison. Je regrette cette partialité, contraire à la réalité et qui nuit au rayonnement de l’association, utile pour la maison et pour la coopération avec Cuba. J’espère que le rédacteur de l’article effectuera la rectification.

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