Cyrano, quel panache !

Photo: Brigitte EnguérandEn marcel blanc, ainsi va Cyrano de Bergerac sur la scène de l’Odéon. Un fort peu seyant costume domestique s’accompagnant comme il se doit d’un anonyme pantalon de survêtement et d’insignifiantes chaussures de sport. Cyrano comme on ne l’a jamais vu, assurément.

L’homme de lettres et d’épée n’en oublie pas moins son nez, ce cap, cette péninsule. Et derrière l’organe protubérant apparaît Philippe Torreton, qui nous offre ici un numéro d’exception.

Soit la reprise d’une pièce créée l’an dernier à Rennes et ayant conquis déjà nombre de salles de France et de Navarre. Le metteur en scène Dominique Pitoiset ose la transposition du texte d’Edmond Rostand dans une sorte de salle commune d’hôpital psychiatrique. Cyrano vit en effet une histoire de fous, plaide le metteur en scène. Décor sobre donc, clinique aux sens propre et figuré, sol carrelé blanc, quelques tables métalliques. Pari gagné, la pièce n’a rien de trop mentalement dérangé, bien au contraire, l’économie de décor ne fait que mettre davantage en lumière le texte et le jeu des comédiens.

Et quel texte ! Edmond Rostand nous entraîne par monts et par vaux, du balcon de Roxane au siège d’Arras. Amour, quel sacrifice n’a-t-on pas consenti en ton nom ! L’asile figuré à l’Odéon bien sûr ne permet pas de voir le champ de bataille, mais qu’importe, encore une fois, c’est au bénéfice du texte, une histoire réellement de dingues, qui ici ne laisse pas un seul spectateur en chemin tant elle est rendue de façon intelligible, forte et claire, y compris grâce à l’irruption fort juste de quelques chansons contemporaines. La scène des lettres d’amour sur fond de Your song d’Elton John est à ce titre un délice.

Cyrano de Bergerac sur la scène de l'Odéon. Photo: Brigitte Enguérand

Cyrano de Bergerac à l’Odéon. Photo: Brigitte Enguérand

Mais sur papier comme sur scène ici même, le projet tient sur les épaules de Cyrano. Et là, chapeau bas Philippe Torreton. De bout en bout tout est juste, la diction, le mouvement. Le comédien est Cyrano, à la fois flamboyant et désespéré, enragé et résigné. A sa suite, Patrice Costa en Christian fait bien pâle figure, respectant certes ainsi à la perfection le romantisme fade de son personnage, tandis que Maud Wyler excelle en pure Roxane.

La page internet de la pièce

PS : le Théâtre de l’Odéon vient de révéler le contenu de sa prochaine saison. Nous ne saurions trop vous recommander Les Nègres de Jean Genet créé par Bob Wilson ainsi que la reprise de La réunification des deux Corées de Joël Pommerat.

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2 réponses à Cyrano, quel panache !

  1. Philippe Bonnet dit :

    Le fin regard de Byam sur la scène théâtrale nous manquait. PHB

  2. Steven dit :

    Votre prose est toujours aussi agréable à lire. Avec retard. Steven S.

Les commentaires sont fermés.