Chronique hydropneumatique

DS Citroën. Photo: Les Soirées de ParisElle avait la particularité de pouvoir rouler sur trois roues, son large cendrier ravissait les amateurs de pipes et de cigares, elle était belle à nulle autre pareille, c’était la DS, une voiture qui fête en 2015 les soixante ans de sa naissance. Et cela alors que Citroën abandonne cette année la fameuse suspension hydropneumatique qui faisait de chaque modèle en étant équipé, et singulièrement la DS, un tapis volant, absorbant par magie les irrégularités du macadam. De 1955 à 1974, les DS, DS 19, DS 20, DS 21, ID 19, ID 20, D Super, sans compter quelques rares cabriolets dessinés par Chapron, ont enchanté plusieurs générations de conducteurs.

En mars 1971, le journaliste André Costa (disparu en 2002), avait relaté dans l’Auto-Journal, son périple à grande vitesse en D Super, de Paris à Tamanrasset (Algérie) soit 6000 kilomètres aller et retour sans pépin mécanique notable. Le même numéro du même magazine évoquait également le cas de la famille Marinier partie de Paris avec une ID 20 et une caravane pour rallier Katmandou, Calcutta et Bombay soit un voyage de 22000 kilomètres qui serait impossible à effectuer aujourd’hui pour des raisons géopolitiques évidentes. Il n’y pas longtemps, on voyait une DS noire, stationnée rue de Belleville et immatriculée au Liban…

Cette voiture au design si original a pavé l’histoire du cinéma ,  illustré la scène politique avec les défilés de véhicules noirs dans la cour de l’Elysée,  mais aussi et surtout caractérisé la vie de milliers de familles parties  l’été pour la mer avec un papa plutôt (très) content de lui au volant. Dans les stations services Fina, Elf, Castrol, Total, Antar, on ne voyait qu’elle, avec son museau au style conquérant,  garni de doubles phares puis de phares orientables. La DS dévorait le bitume avec un appétit sans fin.

Quand les gens d’aujourd’hui se racontent encore des histoires de DS, ils ne manquent pas de s’attarder sur le moment crucial et cérémonial du démarrage, qui ne ressemblait à aucun autre et qui tenait de la séance eucharistique pour les plus atteints. Car lorsque le conducteur mettait le contact, la voiture grimpait sur ses suspensions à coussins d’huile, pratiquait une véritable ascension préalable à son départ seigneurial, ce qui faisait hausser les épaules du voisin roulant de son côté en Peugeot 404 ou en Renault 16.

Des clignotants placés dans le prolongement de la gouttière du toit. Photo: LSDP

Des clignotants placés dans le prolongement de la gouttière du toit. Photo: LSDP

La séduction opérée par cette voiture sur à peu près n’importe quel petit garçon était due au designer italien Flaminio Bertoni avec l’aide de l’ingénieur français André Lefebvre. Chaque détail de cette voiture concourrait à la réussite inédite de l’ensemble, à l’instar des clignotants fixés dans le prolongement de la gouttière de toit. La place depuis la banquette arrière était telle que les très longues jambes du général de Gaulle pouvaient s’y déplier sans risquer la crampe. Cette voiture a d’ailleurs contribué à lui sauver la vie en août 1962 lors de l’attentat du Petit Clamart car elle a pu se dégager de l’embuscade malgré deux pneus éclatés.

Quand le dernier modèle est sorti en 1974, il a été suivi par des CX, SM, XM et C6 qui conservaient une certaine audace de style et la fameuse suspension hydropneumatique. En 2015, tout est terminé. Citroën n’est plus qu’une sous-marque de Peugeot et ses modèles sont bien moins inspirés qu’à l’époque de l’usine de Javel. Volkswagen a su rééditer avec brio sa Coccinelle tandis que la marque aux chevrons, célèbre pour sa croisière jaune, semble embourbée pour un moment dans un style qui n’a plus rien de cette singularité ayant fait le succès des DS.

Nos souvenirs eux, sont restés lovés sur coussins d’huile.

PHB

Une DS Citroën. Photo: LSDP

Une DS Citroën. Photo: LSDP

Print Friendly, PDF & Email
N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Anecdotique. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Chronique hydropneumatique

  1. Bruno Sillard dit :

    Longtemps je passais mes vacances avec ma sœur à Thouars. Mes grands-parents nous ramenaient depuis Saumur dans leur ID 19 noire. J’en ai gardé le souvenir du plancher, il était plat ! Mon père achetait des Simca. Dans les Simca il y avait une bosse sur le plancher au milieu, il était donc impossible de dormir allongé sur le sol, ce qui pouvait provoquer quelques chamailleries avec ma sœur, jamais quand nous roulions dans l’ID! Je me souviens du tapis en brosse qui grattait. Je me souviens de la nuit noire, de temps en temps la lumière blanche d’une maison balayait le plafond. Parfois les phares jaunes d’une voiture que l’on croisait. Des lumières blanches à nouveau, la voiture qui tangue. La route de Saumur à Thouars est absolument droite cadeau de l’Empire aux Vendéens. L’ID s’arrête, une porte qui claque, le crissement des pneus sur le gravier…

  2. Steven dit :

    I love it

  3. Delprat Hélène dit :

    Et oui la DS et l’ID resteront des mythes symboles de toute une époque. Les « citroënistes » se vivaient alors comme une famille à part, un peu aristocratique, un peu élitiste, heureux possesseurs d’engins dotés d’une ligne fluide incomparable et d’innovations techniques indiscutables. Ils maniaient généralement avec brio le frein et l’accélérateur pour une conduite sportive entre toutes sur la route des vacances. En Espagne ne surnommait-on pas la DS « el tiburron » (le requin)?

  4. Anne Archen Bernardin dit :

    Nostalgie.

    Un jour de Nouvel An, toute la famille faisait le tour des deux familles, pour souhaiter la bonne année au Grand-Père, aux tantes et oncles, aux cousines et aux cousins. Neige donc en Moselle, normal en janvier 1969. Mes frères et sœur étaient partis en 2 CH et nous, mes parents et moi, petite fille de 12 ans devions les rejoindre avec l’ID bleue de mon père… Avant de partir, maman m’avait fait réciter mon latin et achevait de mettre un peu de vernis incolore sur ses ongles.
    On part. Enfin, presque… Il fallait d’abord sortir du jardin. Un descente avec une jolie courbe. Sur la neige dure, les traces de mes parcours en luge! Papa, en grande forme: « On fait un dérapage contrôlé!!  » Mais le contrôle lui échappa!! Un tout droit dans le rebord du chemin, et l’huile de frein qui coule sur la neige!! Vexé et furieux, il rentra en bougonnant vertement!! Nous, Maman et moi, avons suivi, dépitées aussi. Nous ne verrions pas toute la famille, pas de brioche, pas de discussion enflammée autour du café, et pas d’étrennes! Et zut! Je ne pourrais donc m’acheter des livres de la bibliothèques verte, style Alice, ou le Club des 5 ! Maman y remédiera!!
    L’ID était, à l’époque, la seule voiture de la rue… IL y en avait peu, mon oncle, le médecin, le directeur de la brasserie, les ingénieurs des mines, le prêtre et l’instituteur!! Comme dans Dom Camillo!! Cela me semblait normal, bien sûr…
    Aujourd’hui dans le village, 2 à 3 voitures par famille!! Et des problèmes de stationnement!!
    Et l’eau recoule aujourd’hui dans la Fensch, car les mines sont ennoyées… De l’eau, et des voitures qui n’ont plus l’allure de félin souple et puissant…Et 46 ans se sont écoulés…

Les commentaires sont fermés.