« American sniper », ficelé dans un patriotisme simplet

Photo d'écran: LSDPIl est possible d’aller voir « American sniper » sans presque s’ennuyer et il est également faisable de ne pas y aller sans que cela compromette votre CV. La faute à une très nette impression de déjà vu et l’idée que l’on a, dans le dernier film d’Eastwood, tous les ingrédients qui font le bon film de guerre mais sans plus.

L’histoire (vraie) est celle de ce Navy Seal (unité d’élite de l’armée américaine) qui fait quatre navettes entre les Etats-Unis et l’Irak pour y déployer son talent de sniper. Là-bas, Chris Kyle se positionne sur les hauteurs afin de couvrir ses camarades au sol. Il le fait avec un tel talent exceptionnel que sur les quatre séjours il dégomme 156 irakiens sur 255 revendiqués. En ce qui concerne la population locale, Clint Eastwood ne fait pas dans la dentelle. Il y a le gentil Irakien qui en fait est un méchant, le méchant traditionnel et le méchant extraordinaire qui tue ses ennemis à la perceuse.

Compte tenu de sa notoriété, Clint Eastwood aurait pu en profiter pour dénoncer cette guerre imbécile dont on ne finit pas (surtout la population irakienne) de payer les conséquences. Mais avec l’âge son patriotisme s’est encore affermi. L’on sent bien que derrière la lunette du sniper, il y a lui. On attend toujours un film davantage politique où des gens comme George Bush, Dick Cheney, Donald Rumsfeld seraient clairement désignés responsables de la catastrophe humanitaire qui a suivi la décision d’aller en Irak, de même que leurs tristes supporteurs européens, au hasard les Tony Blair, José Maria Aznar et autres José Manuel Barroso. Leur responsabilité ne les traumatise guère.

Ce qui n’est pas le cas du tireur de précision Chris Kyle qui vit mal son métier. Non pas le fait de tuer des gens, encore que face à un petit garçon dans sa ligne de mire, l’émotion mouille son regard, mais parce qu’il n’a pu défendre davantage les siens, c’est à dire ne pas tuer davantage d’Irakiens tous maudits, de la graine de « motherfucker » bonne à broyer.

Photo d'écran: LSDP

Photo d’écran: LSDP

Emballé dans un patriotisme simplet, le film fonctionne en séquences binaires. Une fois c’est la guerre, une fois c’est l’aspect gravement psychologique du retour au foyer (femmes, enfants, copains, qui suis-je au fond…). S’y ajoutent dès le départ, les poncifs habituels à la formation des soldats d’élite où l’on sent bien qu’il faut en avoir dans le pantalon pour supporter une pluie de brimades et d’épreuves hors normes. Mille fois vu et l’auteur ô combien meilleur dans le genre de « Full metal jacket », Stanley Kubrick, pourrait en lever les yeux au ciel s’il n’y était déjà.

Ceux qui ont aimé l’inspiration et l’originalité de films d’Eastwood comme « Gran Torino »,  « Million dollars baby », « La route de Madison », ne s’y retrouveront pas. Reste un talent dans l’efficacité de la mise en scène et de la narration.

« American Sniper » comment dire, c’est le film que l’on est content de pouvoir visionner lors d’un voyage en avion. Il dure deux heures douze et comme il est techniquement au point, on ne voit pas le temps passer avec toutes ces balles qui sifflent et ces hélicoptères qui nous chahutent gaiement les tympans. En attendant les salles sont pleines, comme quoi les gens ne sont pas encore saturés de tout ce qu’ils voient déjà à la télé.

PHB

La promo "American sniper" dans le métro. Photo: LSDP

La promo de « American sniper » dans le métro. Photo: LSDP

 

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3 réponses à « American sniper », ficelé dans un patriotisme simplet

  1. Anne Archen Bernardin dit :

    Snippers, morts en direct, états d’âme ou pas… Comment ne pas comprendre alors que l’on s’amuse à dégommer si vivement les autres comme dans un jeu vidéo… Où est la limite du miroir d’Alice? Mais ici, pas de Lapin Blanc, mais toujours cette urgence de courir après quelqu’un… La reine de Cœur a un visage grimaçant et elle fait décapiter avec autant de méchanceté froide que dans la partie de croquet… Qui sera Alice et qui cassera les règles folles ? Lewis, reviens…

  2. person philippe dit :

    Je bois du petit lait…
    J’ai écrit, à la sortie de « Gran Torino », en juin 2009, un article dans le Monde Diplomatique intitulé « Clint Eastwood a-t-il vraiment changé  » (que l’on peut trouver facilement sur « google »).
    J’ai reçu des tombereaux d’insulte de « gensdegauche » qui voyaient en Clint un « subversif » cachant un homme de gauche derrière une étoffe rude et bourru de réac…
    Je n’ai jamais compris comment on pouvait trouver Clint subversif… Ayant lu (sans me vanter) toutes les interviews en français et en anglais de l’impétrant, jamais il n’a déclaré qu’il disait  » vive l’ordre et la morale » alors qu’il pensait en réalité « vive les rebelles et les marginaux « …
    Merci donc, de me donner raison…
    Pour ce qui est du « grand cinéaste », laissez-moi tiquer encore : ici, le vieux pépé peu flingueur a certainement filmé les scènes intimistes, l’action étant réservé à la seconde équipe. Car, franchement, c’est au-dessus des possibilités physiques d’un vieillard de filmer des scènes d’action aussi compliquées…
    Clint comme Woody sont des « monstres de Frankenstein » cinématographiques construits (hélas) par quelques médiocres critiques français qui ont la chance d’avoir pignon sur rue et qui ont une piètre connaissance de la réalité de la production étasunienne.
    Ce ne sont pas des grands metteurs en scène, mais d’habiles tacherons qui ont utilisé les meilleurs directeurs de la photo (Carlo Di Palma, Sven Nykvist…). Pas non plus des auteurs. Encore une fois, Clint a hérité d’American Sniper après qu’il a été proposé à d’autres…
    J’arrête ici… j’entends déjà les balles des « clintolâtres » siffler à mes oreilles…

  3. de FOS dit :

    Eh bé, quelle avalanche ! Argumentée qui plus est… Tant pis, j’irai quand même. Clint is Clint.

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