Banquet d’art moderne au Centre Pompidou

Portrait d'Apollinaire par Giorgio de Chirico. Photo: PHB/LSDPLe portrait -prémonitoire- de Guillaume Apollinaire figure en bonne place dans petite la salle qui lui est dévolue au cinquième étage du Centre Pompidou. Cette peinture de Giorgio de Chirico, réalisée en 1914, montre en arrière-plan, un visage du poète avec un cercle localisant deux ans à l’avance sa blessure au crâne par un éclat d’obus. Après le poète Max Jacob, le peintre italien est le deuxième personnage connu à avoir prédit à Apollinaire, la fatalité d’une vie courte.

Copieuse, réjouissante, la nouvelle présentation des collections modernes du Centre Pompidou est une réussite. Elle comprend quelques variantes, les « expositions-dossiers », renouvelables chaque semestre. Parmi elles des ensembles monographiques sont consacrés à des « passeurs » tels que Georges Duthuit, Georges Bataille, André Breton, Michel Ragon, Pierre Restany et Guillaume Apollinaire.

Promoteur du cubisme, précurseur du surréalisme, Guillaume Apollinaire, a toute sa place dans le nouvel accrochage du Centre Pompidou, du moins pour ce premier semestre. On le voit dans la fameuse toile de Marie Laurencin sa compagne, mais aussi à travers des portraits signés Chagall ou Delaunay. Parmi toutes les choses à découvrir à son sujet, comme des exemplaires des Soirées de Paris, figure aussi le projet de sculpture à sa mémoire, géniale esquisse métallique signée Picasso mais qui ne vit jamais le jour, jugée trop moderne par les proches du poète et artiste (1). Cette salle est un lieu de dégustation au milieu d’un banquet d’art moderne, un amuse-bouche en attendant l’exposition majeure qui sera déployée au musée de l’Orangerie au printemps 2016.

Pour le reste c’est à une véritable exploration gastronomique pour nous les affamés d’art, que nous convie le Centre Pompidou, balisée par l’expression moderne et l’art contemporain, entre 1905 et 1965. C’est l’occasion d’y découvrir pêle-mêle Marcel Duchamp et son compagnon de billard le peintre Juan Gris, Delaunay avec ses toiles multicolores ou son portrait du poète Philippe Soupault (2), Mondrian, Klein et son monochrome bleu, Dufy, Matisse, Picasso, Rothko, Kandinsky, Braque, Kupka, Giacometti, Dubuffet, Breton, Cendrars… quelle fête !

Portrait de Philippe Soupault par Delaunay (1922). Photo: PHB/LSDP

Portrait de Philippe Soupault par Delaunay (1922). Photo: PHB/LSDP

En vérité, sauf à New York peut-être, il n’y a actuellement pas d’endroit dans le monde présentant un tel volume d’œuvres de premier ordre sur la période concernée. Selon Bernard Blistène, directeur du musée national d’art moderne, il fallait que cette présentation fût « lisible, claire voire didactique » comme une « traversée de l’art moderne dans ses grandes composantes plastiques et pluridisciplinaires ».

A force de passer d’une salle à une autre, de marquer un arrêt révérencieux devant le bleu de Klein puis de revenir sur ses pas pour admirer derechef une toile de Juan Gris, en refaisant un crochet dans la salle vouée à André Breton, ou à Blaise Cendrars, on se surprend à être le danseur erratique de cette chorégraphie plastique particulièrement généreuse. Un coup de maître.

(Centre Pompidou, nouvelle présentation des collections modernes 1905-1965)

PHB

(1) Sur le projet de Picasso

(2) Interviewé par le cinéaste Bertrand Tavernier, Philippe Soupault raconte avoir été présenté à André Breton, au café de Flore, par Guillaume Apollinaire. Selon Soupault, Apollinaire les aurait réunis en leur disant, juste avant de les quitter, qu’ils étaient appelés à devenir de grands amis. Ce qui fut le cas.

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4 réponses à Banquet d’art moderne au Centre Pompidou

  1. VAM dit :

    Un article intéressant et bien amené sur l’accrochage de Pompidou et un beau voyage aussi sur les terres d’Apollinaire. De Chirico peintre aux sujets prémonitoires ? Voilà une belle découverte ! Merci Philippe pour cet article instructif et plaisant.

  2. Colette BLAISE dit :

    TRES TENTANT.
    QUELLE EST LA ATE E FERMETURE DE CETTE EXPOSITION ?

    • Merci de votre intérêt. L’exposition dure jusqu’en mai 2017 pour ses aspects permanents mais varie chaque semestre pour ses « expo-dossier » sachant que le tout a démarré en mai 2015. C’est vraiment une expo réussie, vaste et riche. PHB

  3. Zucconi Réjane dit :

    Sympathique déambulation entre le lignes du passé où se côtoie le souffle du présent 🙂

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