Le dernier Tarantino gagne en longueur ce qu’il perd en surprise

Sur le web. Samuel L Jackson. Photo: PHB/LSDPFlinguer le dernier Tarantino, comme n’a pas hésité à le faire une critique du Parisien, serait excessif quoique cohérent avec la débauche de coups de feu qui émaillent les « Huit salopards ». Chaque page, chaque image, chaque dialogue, portent bien la patte du « maître », mais la substance de ce qui a fait l’incontestable originalité de « Reservoir dogs », de « Kill Bill », de « Jackie Brown » ou encore de « Pulp fiction », ressort comme un genre bien délavé de ce très long métrage (2h48) en paysage neigeux.

A une nuance près. Celui qui déciderait de découvrir Tarantino via son dernier opus, pourrait très bien le trouver génial. En revanche, pour les aficionados qui  suivent pas à pas le réalisateur depuis la fin des années quatre-vingt, la possibilité d’une déception relative est réelle tandis que leur indulgence sera sollicitée. Ainsi, celui-là qui se serait réjouit de la prestation sans faute de Samuel L Jackson en très vilain trafiquant d’armes dans « Jackie Brown » (1997) aura la désagréable impression de retrouver exactement le même déguisé en salopard, car l’acteur ne semble faire aucun effort de jeu pour différencier le dealer californien du chasseur de primes dans le Wyoming hivernal. Il n’aurait plus manqué au casting que Robert de Niro pour ajouter à la confusion.

C’est l’histoire d’une diligence transportant au milieu d’un paysage poudré de neige, un autre chasseur de prime, accompagné d’une criminelle qu’il compte faire pendre dans une ville dénommée Red Rock. Il est rejoint en cours de route par le Major Marquis Warren (Samuel L Jackson) et par le futur shérif de Red Rock. Contraints par le blizzard à prendre abri dans le châlet de la « Mercerie de Minnie », les trois premiers salopards ainsi que la prisonnière, enclencheront dans la baraque en bois, un western théâtral où avec une maestria rodée sinon usée, Tarantino démantibule une intrigue épaisse qu’il parachèvera  hélas sans surprise d’un bain de sang additionné de quelques bonnes flaques de généreux vomi.

Image tirée de la bande-annonce des "Huit salopards". (Capture d'écran)

Image tirée de la bande-annonce des « Huit salopards ». (Capture d’écran)

Dans « Reservoir dogs », Tarantino avait fait d’un hangar désaffecté, la pièce centrale, l’hypocentre d’une dramaturgie captivante. C’est le cas de la Mercerie de Minnie. Les sorties de la caméra en extérieur sont tellement peu fréquentes que l’on pourrait se croire face à la scène d’un grand théâtre parisien. Le spectateur se trouve donc convié au cœur d’une machine et doit prendre son parti de ce qui fait à la fois la qualité, le génie et parfois le désagrément des films de Tarantino: des dialogues à n’en plus finir. Dans « Boulevard de la mort » (2007), on a pu se satisfaire de cette intense logorrhée nourrissant une farce qui ne s’en cachait pas, de même que l’on a pu s’en agacer dans « Kill Bill » entre deux tueries industrielles. Pour le cas qui nous occupe il n’y a pas d’échappatoire possible. Les copieux échanges sont servis sur un fil bien ténu et c’est quand même tout le talent du réalisateur de ne pas nous faire tomber (de peu)  dans l’ennui voire l’exaspération. L’affaire tient vaille que vaille la route, mais comme une diligence lancée à pleine allure, la sortie de route guette. Et même, elle se produit.

En effet, le film ne se termine pas, ou mal. Tandis que la prisonnière danse son agonie au cours d’une pendaison sommaire, les deux survivants qui au départ n’étaient pas faits pour s’entendre, gémissent sur leurs blessures. Ce qui veut dire que soit Tarantino pensait à une suite, soit et c’est malheureusement probable, son imagination réputée fertile a failli au moment de conclure.

PHB

Images de l'affiche sur le web. Photo: PHB/LSDP

Images de l’affiche sur le web. Photo: PHB/LSDP

 

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3 réponses à Le dernier Tarantino gagne en longueur ce qu’il perd en surprise

  1. Pierre DERENNE dit :

    Un bavardage interminable et pas d’humour. On laissera Tarentino se reposer. Il fera mieux la prochaine fois…

  2. de FOS dit :

    La fin laisse sur sa faim, effectivement… Encore que le supplice n’a que trop duré.

  3. Aubert dit :

    Quelques longueurs, c’est vrai… une overdose d’hémoglobine, c’est vrai… mais Tarantino fait rarement dans la nuance. Sauf pour les dialogues, savoureux, jouissifs, loufoques comme on les aime chez lui. Et pour cette seule raison, au moins deux crans au-dessus du maître du western gore, Sam Peckinpah.

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