Un mariage secret-défense

Couverture de Mariage en douce. Ariane Chemin. Photo: PHB/LSDPAyant «toujours eu un faible pour les âmes errantes vouées aux passions barzingues», la journaliste (du Monde) Ariane Chemin, a bâti un récit autour du mariage secret de Jean Seberg et Romain Gary en octobre 1963. L’âme errante en l’occurrence, c’est Jean Seberg, la plus célèbre vendeuse du New York Herald Tribune après son passage dans le film de Godard « A bout de souffle ». Le livre est sorti le 28 avril et selon le libraire du 20e arrondissement qui a vendu hier son dernier exemplaire aux Soirées de Paris, il ferait déjà l’objet d’un nouveau tirage.

Reporter réputée à la plume très sûre, Ariane Chemin s’est intéressée à cette histoire vieille de plus de cinquante ans. L’affaire n’a pas dû être facile à porter car on l’a dit, le mariage qui devait unir l’actrice américaine à l’écrivain-diplomate quelque peu mystificateur de sa propre vie, était top secret et même secret-défense suite à une demande expresse adressée directement au Général de Gaulle.

L’auteur a voulu en savoir davantage alors même que tous les médias de l’époque avaient été tenus à l’écart de la cérémonie. L’une des bases de son enquête logiquement difficile, a été une photo du couple, le jour du mariage dans un petit village corse. Elle figure en page 20 de l’ouvrage et elle est créditée «Domy Colonna-Cesari», le seul témoin vivant. Elle le retrouve dans un genre de «dancing du hameau de Riba». Il a 94 ans, il est colonel, c’est un gaulliste de la première heure tout comme Romain Gary et, malgré son âge, «il veut pouvoir se lever dès que les guitares jouent les premières notes d’un boston, valse lente qu’il est le dernier à savoir danser». Ariane Chemin écrit qu’elle «aimerait tant recevoir un jour une lettre du colonel me racontant la romance de Jean et de Romain», et de conclure avec audace : «Je rêve de glisser ma jambe entre ses pas de danse comme on glisse un pied dans la porte entrouverte d’un magasin de souvenirs».

Couverture de "Mariage en douce". détail. Photo: PHB/LSDP

« Mariage en douce ». Ariane Chemin. Détail de la couverture. Photo: PHB/LSDP

La journaliste a donc surtout un faible pour elle, la «blonde, l’ardente, l’amoureuse, l’idéaliste, la pin-up, la fêlée», celle qui s’est mariée en dépit des conseils que lui a prodigués Jackie, la femme du président Kennedy, car après, lui confie cette dernière en substance, les hommes deviennent plus «durs».

Il y avait sans doute trop peu de matière pour faire un livre sur la seule journée de ce «mariage en douce» qui fait le titre du livre. L’auteur s’est donc appliquée à emballer l’histoire autour, en brossant avec talent le portrait d’une époque faite d’anciens de la Résistance et d’une génération moderne surfant sur la nouvelle vague ou encore la mode des cheveux courts que Jean Seberg a pourtant abandonnés le jour de son mariage. La notice qui figure en quatrième de couverture précise qu’aucun «biographe, français ou américain n’était remonté au jour de la cérémonie».

Sur pas plus de cent cinquante pages, Ariane Chemin réussit néanmoins à nous embarquer dans ces deux vies achevées par deux suicides. La première épouse de l’un, le premier mari de l’autre, la rencontre, leur grande différence d’âge, l’écriture, le cinéma, la caravelle d’Air France qui se pose en catimini sur un petit aéroport corse, les sentiments qui divergent, la jalousie, le désespoir, autant d’éléments qui constitueront la saveur d’un cocktail fort et finalement mortel. Fort heureusement pour ses lecteurs, le livre qui réunit les mêmes ingrédients, échappe à cette malédiction.

PHB

« Mariage en douce ». Ariane Chemin. Equateurs. 15 euros

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5 réponses à Un mariage secret-défense

  1. philippe person dit :

    Gary/Seberg… Je me souviens d’avoir croisé Gary rue du Dragon… et Seberg boulevard Saint-Germain… avec le frisson. J’avoue qu’ils n’étaient pas brillants mais que je n’ai pas senti qu’ils étaient au bout du rouleau…
    Presque à la fin… à cette époque où Saint-Germain était une galerie de futurs fantômes… Quand j’allais à Sciences-Po, je les croisais tous… Perec… Losey… Aragon…
    Même Hugo Pratt ! Carlos et Sapritch au Drugstrore… Mastroianni rue des Canettes… Topor à la Palette… Duras au petit Saint-Benoît… Clementi, pieds nus, hurlant qu’il est Dieu devant la fontaine Saint-Sulpice… Zouc, je ne sais plus où…
    Je croyais à 20 ans que toute ma vie, il y aurait des gens comme ça… Rive Gauche à Paris… Adieu mon pays… de musique et de poésie…
    La dernière fois que j’ai mis les pieds à Saint-Germain, j’ai vu passer à vélo un de mes anciens « copains » du temps de la rue Saint-Guillaume. Bref ministre des finances… et bien entendu, lui, il ne m’a pas reconnu…

    Gary-Seberg… à quand le biopic ? et qui pour les interpréter ? Je verrais bien Kirsten Dunst et Sean Penn… ou en VF, Lou de Laâge et Denis Podalydès…

  2. Couple « mythique » of course, mais Ariane Chemin avait déjà tout raconté en 2014 dans Le Monde, je m’en souviens très bien:
    http://abonnes.lemonde.fr/m-actu/article/2014/08/15/le-oui-secret-de-jean-seberg-et-romain-gary_4471729_4497186.html
    Strange…

  3. Pivoine dit :

    Ce n’est pas consolant, mais à Bruxelles, en rencontre rarement des célébrités – ou alors, on ne fait pas attention. J’ai quand même un jour entrevu Amélie Nothomb et son chapeau dans un tram 94, et heureusement… Pourtant, je crois qu’elle n’habitait déjà plus Bruxelles. Et en plus, ce n’est pas ma romancière préférée.

    Bon, en cherchant un peu, on aurait pu rencontrer des vedettes venues en concert à Bruxelles… Ou des sommités académiques venues à des colloques en Belgique. (Pas des politiques, non…) Sans doute que je n’étais pas au bon endroit au bon moment o;)

    L’histoire a l’air assez tentante o;)))

  4. Pivoine dit :

    Mais par contre, quand je vais… Au fin fond de la Belgique, à Stavelot, je ne manque jamais une visite à l’hôtel du Mal Aimé, dans la rue principale… Celui où Guillaume Apollinaire, son frère et sa mère ont résidé, jusqu’à ce qu’ils partent à la cloche de bois…

    Je crois qu’avec la renommée touristique du resto, la maison a dû rentrer largement dans ses frais o;))) – Soit dit en passant, c’est très joliment arrangé, avec une fresque dans l’entrée cochère reprenant la Chanson du mal aimé.

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