Soixante-dix ans sonnés pour le bikini, l’expo qui tombe à pic

Aspect de l'exposition "Bikini". Photo: PHB/LSDPEn 1957 un policier italien dressait un procès verbal à une jeune femme sur la plage de Rimini parce qu’elle portait un bikini. A l’été 2016 le maire de Cannes, suivi par d’autres municipalités, décidait (1) de verbaliser les femmes qui porteraient le pudique burkini en raison d’un contexte politique réputé sensible au message religieux dont le vêtement de bain en question serait le transporteur. Comme quoi les mœurs ont toujours été fluctuantes avec leur lot d’interdictions. Et c’est ce qui vient d’emblée à l’esprit lorsque l’on visite l’exposition consacrée au bikini à la galerie Joseph dans le troisième arrondissement. Son propos, intellectuellement très reposant, est de fêter  (jusqu’au 30 août) les soixante-dix ans du bikini.

Le gars à l’origine de cette « invention » relevant en quelque sorte du packaging corporel s’appelait Louis Réard. Son patronyme est toujours une marque. En 1946, il dépose la marque « Bikini » eu égard à une île du Pacifique, laquelle par ailleurs allait servir de base d’essai à une explosion nucléaire. Son idée va d’abord susciter l’indifférence et même un certain mépris par les stylistes de l’époque avant que le maillot ne se répande à la façon d’un raz-de-marée. En 1951, la première Miss Monde portait un deux-pièces.

Lorsque l’on voit, après-guerre, les premières présentations du bikini photographiées à la piscine Molitor pour Les Fêtes de l’Eau, il est surprenant de voir comment le corps des femmes n’était pas adapté à la nouvelle donne. La taille 36 n’était pas encore un dogme laïque et encore moins le fameux « thy gap » qui normalise de nos jours l’écart fatal entre le haut des jambes, espace critique qui doit laisser passer les courants d’air avec un sifflement de vent alizé.

Les débuts du bikini à la galerie Joseph. Photo: PHB/LSDP

Aspect de l’exposition « bikini » à la galerie Joseph. Photo: PHB/LSDP

De fait, au tout début, le résultat textile n’est pas toujours des plus heureux avec des « bas » évoquant des culottes adaptées à l’incontinence. Petit à petit cependant, les choses s’affinent. Les maillots du début des années soixante sont déjà un peu plus avenants. Des célébrités comme Raquel Welch démontrent dans quelle mesure il faut faire coïncider taille et maillot pour arriver un à un résultat combiné qui ne se dévalorisera pas avant longtemps.

Le maillot féminin est une affaire. Chaque année il s’en vend en France pour près de six cent millions d’euros. Le bikini reste dominant mais le une-pièce remonte en force. Chaque femme emporte plusieurs maillots dans sa valise et, selon une étude citée par la presse en 2015, une sur quatre estime qu’un maillot de bain vilain pourrait lui gâcher ses vacances.

Dans le film de Jean-Luc Godard Pierrot le Fou, sorti en 1965, la voix off commentait les publicités de l’époque pour les sous-vêtements en ces termes : « Il y avait la civilisation athénienne, il y a eu la renaissance, et maintenant on entre dans la civilisation du cul ». Ce qui était à la fois vrai et faux, mais la formule faisait mouche. Ce qui est sûr c’est que la plage est un bon endroit pour prendre note de l’évolution de nos sociétés en ce qui concerne la pudeur et les doctrines du temps. Cependant, si le bikini ou le une-pièce sont amenés à devenir un nouveau repère laïque, il y a là de quoi méditer. Chacun devrait pouvoir se baigner comme il l’entend, en armure médiévale, en tenue de guerre bactériologique, en kimono, en robe moniale, en jogging fluo ou Chanel numéro cinq, mais force est de constater que depuis toujours c’est loin d’être évident.

PHB

« Le Bikini a 70 ans ». Galerie Joseph, 7 rue Froissart, jusqu’au 30 août.
(1) Le maire de Boulogne sur Mer a au contraire jugé cette interdiction  « attentatoire aux libertés »

Publicité pour l'expo sur le bikini. Photo: PHB/LSDP

Publicité pour l’expo sur le bikini. Photo: PHB/LSDP

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5 réponses à Soixante-dix ans sonnés pour le bikini, l’expo qui tombe à pic

  1. philippe person dit :

    Peut-être qu’on pourra aussi faire un remake du Gendarme de Saint-Tropez… la brigade de l’adjudant Cruchot et de l’adjudant chef Gerber traquait jadis les seins nus… maintenant ils traqueraient les seins pas assez visibles…
    Philippe, dites-moi, sur l’affiche, en bikini jaune, c’est bien Ava Gardner ?
    Elle, même en birkini noir anthracite, elle resterait la femme la plus sexy du monde !

  2. sensey dit :

    Bonjour et merci Philippe de ce papier qui sonne la rentrée et pour ce sujet un peu délicat que tu as su traiter avec ton humour et ta légèreté habituelle en évitant l’écueil de la petite allusion grivoise.

  3. Bonjour à tous,
    je vous prie de remarquer sur l’affiche d’Ava Gardner qu’elle ne porte pas de « bikini » au sens strict, mais un bas de maillot taille haute, comme le faisaient les stars d’Hollywood des années 40 et 50.
    Je trouve ça beaucoup plus beau que les « bikinis », qui réclament une plastique à la Raquel Welch.
    Quant aux femmes aujourd’hui, je suis d’accord avec Philippe, qu’on les laisse se baigner comme elles veulent, en maillot taille haute ou basse, en une pièce, en bikini, en burkini, etc, et qu’on leur fiche la paix!

  4. Marie Françoise Laborde dit :

    Merci Philippe pour ce petit air frais dans une actualité lamentable.

    Laissez les femmes s’habiller et se déshabiller comme elles l’entendent! Merci!

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