Grande Finale à Fréland, une ancienne usine transformée par un mécène, collectionneur d’art

"Grande Finale". Photo: Gérard DonnatLes friches industrielles transformées en lieu artistique sont devenues tendance. Et c’est tant mieux ! Vouloir sauvegarder un patrimoine industriel voué à disparaître est tout à honneur de ceux qui s’en préoccupent. Autre tendance du siècle, le fait que les collectionneurs ne se contentent plus d’accumuler des œuvres. Ils souhaitent en jouir en les exposant dans un cadre insolite valorisant.

Et, ils y installent parfois des artistes dits « en résidence » pour mieux marquer leur engagement à leurs côtés et pour avoir le plaisir de les côtoyer régulièrement et de les voir travailler. C’est le cas de l’usine Serval à Fréland, un village vosgien verdoyant de 1300 habitants. L’ancienne usine textile de 1925, tournée en fabrique de jantes par la société BBS-Serval jusqu’en 2000, appartient depuis dix ans à une famille d’amateurs d’art éclairés, les Frey.

Quand Christophe Frey nous ouvre la porte de l’ancienne usine, on est tout de suite saisi par la beauté et la monumentalité du lieu. L’espace a été investi sobrement, presque sans transformation, ce qui le rend d’autant plus spectaculaire. L’œil, qui le parcourt a du mal à décider où se fixer tant les pièces de la collection contemporaine sont diverses et attrayantes. Il est tout d’abord attiré par la lumière et la couleur que diffusent les œuvres de la plasticienne suisse, Claudia Meyer. Totems colorées de matière transparente éclairés de lumières artificielles à la manière de vitraux abstraits et grande toile qui donne une impression lumino-cinétique. Plus loin, un ensemble de chevaux de bronze stylisés d’un artiste malien semble marquer le pas entre tradition et contemporanéité. L’œil est à présent accroché par trois sculptures-vidéos questionnant sur la liberté de la femme de l’artiste Marck. Puis, après avoir balayé les têtes de marbre de Gil Topaz, il se pose sur une œuvre gigantesque, une des Construcciones d’Alberto Bali, construction géométrique de tons sobres dont les volumes semblent vouloir s’échapper de la toile.

Tête de marbre. Gilles Topaz. ©Gérard Donnat.

Tête de marbre. Gilles Topaz ©Gérard Donnat.

Le tableau est tellement grand qu’il a fallu faire une ouverture dans les murs pour pouvoir le sortir. Qu’importe ! Ici, les artistes ont toute liberté. Ni les conditions matérielles ni l’espace ne doivent entraver la création à Grande Finale. Grande Finale?
 » C’est le nom donné à cette friche transformée, qui est le dernier grand projet de mon père, Georges Frey. Il est à l’origine de notre collection d’œuvres. Grande Finale est un clin-d’œil au bouquet final qu’il évoque mais nous savons que ce projet artistique est sans fin à l’instar de l’immense espace de 3500 m2 dont nous disposons ici !  » explique Christophe Frey.

Grande Finale est donc l’aboutissement d’une vie de mécène et de collectionneur. Georges Frey, qui a fait fortune dans l’immobilier, a toujours participé au financement de jeunes artistes en leur fournissant logement, atelier et si besoin matériaux. Son soutien a permis à nombre d’entre eux d’émerger sur le marché de l’art. Pourquoi le village de Fréland, peut-on se demander? Les Frey possèdent une chasse à Fréland depuis 30 ans. En 2005, Georges Frey cherchait un grand atelier pour que le peintre Guibout puisse y développer son projet monumental et un espace pour ses collections privées. Il a demandé à son fils de négocier la location partielle de l’usine SERVAL dont seuls 400 des 3500 m2 étaient encore occupés par des activités industrielles. La négociation a abouti à la vente de l’usine aux Frey. Le rêve prenait forme et la fabrique d’A.R.T., succédait à la fabrique de jantes.

« A.R.T. comme Artistes, Rencontre et Travail, tel est le concept de Grande Finale, un lieu de résidence pour artistes qui travaillent sur de très grands formats« , dit Christophe Frey. « Il faut permettre aux artistes de travailler en toute liberté et aussi de vendre en favorisant les rencontres entre artistes et collectionneurs in situ. Grande Finale est un lieu de création et d’exposition mais ce n’est pas une galerie et donc pas un lieu public. Nous organisons des expositions privées sur invitation environ deux fois par an pour faire connaitre les artistes et, une fois par an, des portes ouvertes pour les personnes de la vallée de Fréland » précise-t-il.

Quant au choix des artistes, la famille Frey n’a ni concept ni média d’expression plastique prédéterminé. Les artistes doivent surprendre et plaire. Mais pas question de se lancer à l’aveugle, une collection contemporaine est un investissement. Si « c’est le ventre qui parle pour choisir les artistes » comme le dit Christophe, la sélection est réalisée en s’appuyant sur l’avis experts reconnus, aptes à humer les tendances… et à flairer les investissements.

Et le ventre, Christophe semble connaître. Grand amateur de chasse et de gibier, il a ouvert en 2015 ART boucherie, à laquelle ont été dévolus 600 m2 de Grande Finale. Boucherie spécialisée en gibier local, elle comprend un atelier de découpe et de transformation et une boutique très esthétique décorée de fresques animalières. Viande au détail, saucisses, terrines, tourte de gibier, etc. sont vendus aux professionnels de la restauration et aux particuliers. Les spécialités peuvent également être dégustées dans les trois restaurants de Kaysesberg (village alsacien typique) de la Famille Frey.
Le gibier aussi c’est tout un art !

Lottie Brickert

Grande Finale (espace non ouvert public) et ART Boucherie (ouverte à tous), 63 Grand rue, 68240 Fréland (Vosges).

A.R.T Boucherie. Photo: © Gérard Donnat

A.R.T Boucherie. Photo: © Gérard Donnat

Aspect de Grande Finale. Photo: © Gérard Donnat

Aspect de Grande Finale. Photo: © Gérard Donnat

 

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3 réponses à Grande Finale à Fréland, une ancienne usine transformée par un mécène, collectionneur d’art

  1. Petzouille dit :

    Juste une petite modification Freland est un village alsacien du canton welch et non vos gwen même si la limite de la région n’est pas loin. On y est immatriculé 68 et non 88.

    • Petzouille dit :

      *et non vosgien

      • Lottie dit :

        Merci de cette précision.
        Fréland est effectivement, un village « adossé » aux Vosges mais qui ne fait pas partie du département des Vosges.
        Ajoutons pour ceux qui ne connaitraient pas le pays welche, qu’il a toujours constitué une enclave de culture romane au cœur de l’Alsace de culture germanique. Façonné par l’histoire, ce petit territoire a su développer et conserver une culture qui lui est propre. A Lapoutroie, Labaroche, Fréland, Orbey et au BonHomme, les cinq communes welches, on a de tout temps parlé français et les noms de famille n’ont pas de consonance germanique.

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