Le 99e rendez-vous avec Guillaume Apollinaire

Il est arrivé en premier avec un petit pot de bruyère à la main. Mais pas n’importe quelle bruyère. De la bruyère de Malmedy en Belgique, que Louis Bernard Koch, historien diplômé de l’Université de Liège,  a prélevée exprès autour du monument réalisé en 1935 par Fernand Heuze sur un dessin d’Oscar Lejeune, à la mémoire de Guillaume Apollinaire. Et il l’a apportée hier, le 9 novembre dans le cadre de la commémoration amicale de l’écrivain disparu le 9 novembre 1918 et inhumé le 13, deux jours après l’armistice. Apollinaire qui avait écrit :« J’ai cueilli ce brin de bruyère/L’automne est morte souviens-t’en/Nous ne nous verrons plus sur terre/Odeur du temps brin de bruyère/Et souviens-toi que je t’attends » (L’adieu, « Alcools », 1913).

En 1918, la grande grippe ne faisait pas le détail. Parachevant en quelque sorte la guerre de 14/18, elle allait chercher les survivants afin de les tuer de son haleine mortelle. Quelque part entre la fin octobre et le début du mois de novembre, Guillaume Apollinaire méditait d’ailleurs en terrasse, avec un ami, devant les convois funéraires qui circulaient dans Paris. Et quelques jours plus tard il expirait dans son lit à cause de la même maladie.

Et chaque année, un petit groupe de fidèles vient se recueillir au cimetière du Père Lachaise, sur la tombe dessinée par l’ami Serge Férat lassé d’attendre une contribution de Picasso. La petite pluie qui tombait hier ne les avait pas découragés. Il y avait une dame de 91 ans suffisamment alerte pour escalader une tombe afin de mieux prendre ses photos. Elle a expliqué avoir été prof de gym, ceci expliquant cela. Louis Bernard Koch a donné des nouvelles d’une autre femme de 94 ans, vivant dans la région de Stavelot en Belgique, petite ville où Apollinaire a séjourné avec son frère en 1889. Et la dame en question se trouve être une vieille aïeule de Marie Dubois, une jeune fille dont Apollinaire était tombé amoureux. Sans doute faute de pouvoir flirter plus avant il avait merveilleusement transcrit ses sentiments en poèmes, y compris en langue wallonne. Toujours est-il qu’il serait temps d’aller trouver la vieille tante car elle au moins sait toujours se repérer dans le dédale du cimetière de Stavelot, quand il s’agit de retrouver le caveau familial. Plus d’un promeneur en est ressorti bredouille.

Il faut saluer ce rendez-vous qui se perpétue grâce notamment à la ténacité de Madame Claude Debon. Ce genre de rendez-vous où l’on se compte comme on dit couramment, car certains n’ont pas pu venir ou finissent par disparaître comme l’année dernière Gilbert Boudar, le fils de Jacqueline Apollinaire. Des habitués qui la plupart se tutoient.

Qu’est donc devenu Guillaume Apollinaire lui qui se voyait comme un « guetteur mélancolique observant la nuit et la mort ». Parions qu’il est désormais tel un oiseau mythologique planant en toute transparence dans une clarté céleste et observant de haut le jour et la vie.

Tombe de Marie Laurencin au Père Lachaise

Il ne faut pas manquer, juste avant la sortie qui mène à la place Gambetta, sur la droite, la tombe de Marie Laurencin qui fut la compagne de l’écrivain. Un joli petit arbuste a poussé dessus, hissant ses délicates petites feuilles vers une promesse de monde azuré.

PHB

À propos de Mareye

Un « betch d’amour » depuis Stavelot

 

 

 

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5 réponses à Le 99e rendez-vous avec Guillaume Apollinaire

  1. Daniel Marchesseau dit :

    Merci de vos chroniques toujours alertes et vivantes que je lis très régulièrement avec plaisir. Celle-ci me touche d’autant plus que vous y mentionnez Marie Laurencin. Et Gilbert Boudar dont j’ignorai qu’il avait disparu l’an dernier.
    Très cordialement

  2. Bénédicte Graulich dit :

    Voilà qui vient contredire ce que je viens de lire sur le site de Sud- Radio : https://www.sudradio.fr/societe/le-9-novembre-jour-anniversaire-de-la-mort-de-guillaume-apollinaire-et-du-general-de-gaulle
    « En ce 9 novembre, il n’y aura personne, sans doute, sur la tombe du poète au cimetière. Son œuvre est son tombeau, où une foule vient tous les jours lui rendre hommage. »
    Et tant mieux si les amis restent fidèles!

  3. Peter Read dit :

    Vous vous êtes éclipsé avant qu’on ne puisse se serrer la main, Philippe. A la prochaine, et merci de ce très bel article. Il y aurait un livre à faire sur les drames, sur les multiples liens d’amitié et de fidélité, sur les confrontations en tous genres qui se sont manifestés depuis 1918 autour de la tombe de l’Enchanteur. Lieu de mémoire et champ magnétique.

  4. ibanès jacques dit :

    Et le poète continue à « être partout ».
    Samedi 18 novembre, j’honorerai sa mémoire avec mon récital « Apollinaire, l’amour la guerre » à Narbonne, à quelques pas de la maison où vivait Thérèse Bareil, la tante de sa fiancée Madeleine, chez qui le poète fit suivre quelque temps son courrier en 1915…

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