Le Jardin d’agronomie tropicale, un ailleurs aux portes de Paris

La routine et la grande ville vous insupportent à peine rentrés. Envie d’espace vert ? De prolonger vos vacances ? De voyager sous les tropiques tout en restant à Paris ? La solution se trouve aux portes de la capitale. Sportifs, acérez vos mollets pour traverser le bois, paresseux engouffrez-vous dans votre voiture ou le RER A ! A l’extrémité nord-est du bois de Vincennes, le Jardin d’agronomie tropicale vous procurera une vraie bouffée d’ailleurs.
Sitôt franchie l’élégante porte chinoise rouge fané qui borde l’entrée du Jardin d’agronomie tropicale, on est ailleurs.

En Guyane, au Congo, au Dahomey, en Indochine, au Laos… Endormis depuis des décennies, des pavillons en friche à l’architecture exotique nous transportent dans un autre monde, un autre temps. Perdu dans une végétation sauvage, un décor désuet qui s’étend sur 4,5 hectares nous incite à la découverte.

Nos pas nous entraînent devant une pagode rouge, frangée d’une bambouseraie. Nouveau dépaysement de l’autre côté de l’allée où un portique en pierre à dessins asiatiques et une urne funéraire de Hué retiennent notre œil. Puis, à côté du pavillon d’Indochine, on tombe sur une serre curieuse, la serre du Dahomey qui se dégage d’autres serres anciennes en toile de fond. On découvre le pavillon de la Réunion, celui de la Guyane, du Maroc, ou ce qu’il en reste, avant de traverser un pont Khmer décoré de serpents najas qui débouche sur des stupas… Ce tableau colonial est complété par plusieurs monuments érigés çà et là à la mémoire des soldats coloniaux morts pour la France comme le stupa à la mémoire des soldats laotiens et cambodgiens. L’abandon et la torpeur frappent ce lieu insolite, comme si on s’était efforcé de cacher une page de notre Histoire, celle des colonies.

A l’origine, le jardin, fondé en 1899 par le Ministère des colonies, s’appelait « Jardin colonial ». C’était une sorte d’institution scientifique et économique dont l’objectif était d’améliorer les cultures des colonies en vue de leur rentabilisation. On y sélectionnait notamment les graines tropicales à exporter. La chocolaterie Meunier, dont on peut encore voir les serres, y faisait, par exemple, faire des expérimentations sur les fèves de cacao. L’École supérieure d’agronomie tropicale qui devait transmettre aux futurs colons un savoir adapté y vit le jour en 1902.

Le jardin a abrité, de mai à octobre 1907, une exposition coloniale. Elle a accueilli 2,5 millions de visiteurs, curieux de connaitre le monde des colonies et de ses peuples. Des pavillons, en friche aujourd’hui, ainsi que des villages africains et asiatiques avec huttes et cases ont été construits de toute pièce à Paris pour l’exposition. Puis, on a fait venir des colonies des familles « d’indigènes » pour peupler ces villages, transformant le site en « zoo humain » où ces familles étaient exhibées. Des animations étaient proposées aux visiteurs : piège à tigre, toboggan à éléphanteaux, dressage des fauves, musique malgache, dégustation de rhum et d’autres produits exotiques. Le pavillon de la Guyane (ci-dessous), ceux du Maroc, de la Tunisie, de la Réunion et de l’Indochine ont subsisté, comme la serre du Dahomey, l’une des premières serres chauffées au monde.

Pendant la première guerre mondiale, le Jardin d’agronomie tropicale a servi d’hôpital pour accueillir les blessés de l’armée coloniale. Une mosquée est d’ailleurs bâtie. Elle sera rasée sitôt l’hôpital abandonné. Après la guerre, l’École supérieure d’agronomie tropicale devient l’Institut national d’agronomie de la France d’Outre-Mer. Mais, en 1959, il faut réformer cet institut. La plupart des colonies sont devenues indépendantes et des politiques de coopération technique du développement sont mises en place. Quant au jardin, oublié, il est envahi par les herbes au fil du temps.

Racheté en 2003 par la mairie de Paris, le Jardin d’agronomie tropicale a ouvert au public en 2006. Une flore locale endémique à l’Ile-de-France s’y est développée. Elle a été favorisée par la gestion écologique du site, très peu entretenu en dehors des allées. S’il subsiste peu d’espèces tropicales, certains pavillons sont restaurés petit à petit comme celui d’Indochine. Son éclat tout neuf tranche avec la désuétude et le romantisme de ce jardin endormi. Faut-il s’en réjouir ?

Lottie Brickert

Jardin d’agronomie tropicale, 45 Avenue de la Belle Gabrielle, 75012 Paris
RER A, station Nogent sur Marne, puis marche de 10 mn depuis la gare RER.
Ouvert tous les jours de 9h30 à 20h d’avril à septembre et à la tombée de la nuit, les autres mois. Accès libre.
Des visites guidées sont organisées ponctuellement par l’office du tourisme de Vincennes avec inscription préalable.

Image d’ouverture: la porte chinoise (©Lottie Brickert)
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4 réponses à Le Jardin d’agronomie tropicale, un ailleurs aux portes de Paris

  1. Raymond dit :

    Ayant eu la chance de parcourir récemment les allées de ce jardin grâce à une guide amoureuse de nature, je ne peux que vous encourager à vous mettre dans les pas de Lottie pour découvrir cet endroit hors du temps, qui vous transportera dans une époque où l’exotisme était offert au coin du bois (de Vincennes).

  2. Tremblons pour ce précieux Jardin d’agronomie tropicale, quand on sait comment la mairie de Paris a traité le Jardin botanique des Serres d’Auteuil, l’un des 4 jardins botaniques de la Ville de Paris. Pour mémoire, elle l’a offert (Delanoë puis Hidalgo) sur un plateau d’argent à la fédération de tennis qui l’a amputé, bétonné et défiguré. Cela après destruction de neuf petites serres d’origine contenant un trésor botanique mondial de quelque 10 000 plantes tropicales et subtropicales. Les plantes ont été déménagées dans les grandes serres, qui ne sont pas faites pour elles.
    Il n’y a plus d’argent pour entretenir les jardins parisiens, disent-ils…

  3. Laurent Vivat dit :

    Jardin à découvrir, que je ne connaissais pas. Merci.

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