Comment s’inspirer des plantes pour innover

En 2008, ils nous faisaient découvrir “La bionique” (1), puis, en 2014, avec “Poulpe Fiction” (2), nous présentaient des découvertes technologiques, aussi passionnantes qu’amusantes, inspirées des animaux : hydrolienne-thon, robot-poulpe-sous-marin, humanoïde-auxiliaire de vie, prothèse contrôlée par ondes cérébrales… Aujourd’hui, Agnès Guillot, docteur en psychophysiologie et en biomathématiques, et Jean-Arcady Meyer, ingénieur et docteur ès sciences naturelles, avec leur nouvel ouvrage “L’or vert – Quand les plantes inspirent l’innovation”, nous emmènent, d’une plume alerte et non dénuée d’humour, à la découverte de plantes très inspirantes. Un aperçu de la bio-inspiration végétale édifiant et en tout point captivant !

Les plantes n’ont pas fini de nous étonner et d’inspirer moult chercheurs ! En 2008, la Suisse leur a même conféré une “dignité” ! Ainsi tout acte de nuisance arbitraire envers les plantes est-il considéré comme moralement répréhensible chez nos amis de la Confédération helvétique : “Nul n’est autorisé du point de vue moral, et sans justification valable, à traiter de façon arbitraire ou à endommager une plante, de manière à en empêcher la croissance ou à compromettre ses chances de reproduction.”  Voilà, c’est dit.

Il faut admettre que notre regard sur les plantes a bien changé depuis que le biologiste italien Stefano Mancuso (3) a pensé et étudié le comportement de ces systèmes vivants de manière similaire à celui des animaux. Il en est arrivé à la conclusion que les plantes, pour pouvoir survivre, possédaient des capacités bien plus adaptatives que les animaux. Car si elles n’ont ni cerveau, ni muscles, sont incapables de se mouvoir, elles survivent pourtant depuis plus d’un milliard d’années ! Contrairement aux animaux qui, eux, ont la faculté de se déplacer et de fuir les problèmes pour trouver des solutions autre part, elles sont clouées à vie dans un endroit pas toujours favorable et n’ont pas eu d’autre choix que de développer des capacités adaptatives originales. Sensibles, capables de mémorisation et de communication, elles jouissent, d’une certaine forme d’intelligence et de conscience de ce qui les entoure. Les plantes, par leur exemple, pourraient-elles apporter des solutions à la crise écologique actuelle ? On aimerait le penser…

Le grand Léonard de Vinci lui-même (1452-1519), visionnaire comme toujours, n’avait-il pas d’ailleurs professé en son temps “Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur” ? L’ouvrage d’Agnès Guillot et de Jean-Arcady Meyer regorge de savoureux exemples de contributions de plantes à des progrès dans des domaines aussi divers que l’industrie, la médecine, l’architecture, le design, la robotique, l’informatique… Au terme de “bio-mimétisme”, les auteurs préfèrent d’ailleurs celui de “bio-inspiration” car, selon eux, la nature est impossible à imiter totalement.

Si le Velcro – contraction des mots “velours” et “crochet” – est sans doute le produit bio-inspiré le plus célèbre et régulièrement cité, tentant à l’origine de reproduire les crochets d’une bardane, il en existe pléthore.  Ainsi les vêtements et chaussures en Stomatex, un textile destiné à évacuer l’excès de chaleur corporelle et de transpiration chez les militaires et les sportifs, est-il directement inspiré des stomates, ces pores situés à la surface des feuilles qui ont, entre autres fonctions, celle de la régulation hydrique des plantes. Le lotus, symbole de pureté en Asie, est, apprend-on, connu pour sa propreté permanente, même lorsqu’il pousse dans des endroits marécageux. La surface de ses feuilles présente ainsi des aspérités irrégulières qui empêchent les gouttes d’eau d’y adhérer. En glissant sur la feuille, l’eau emporte alors toute poussière sur son passage. La plante est donc autonettoyante ! Cet “effet lotus” a, par conséquent, été exploité pour la fabrication de nombreux produits tels la peinture Lotusan, comme son nom l’indique, ou encore un aérosol, des capteurs optiques, des façades, des tuiles, des véhicules, des vitres, des panneaux de douche…

Le livre d’Agnès Guillot et de Jean-Arcady Meyer fourmille de ces astucieuses découvertes, accompagnées de nombreuses illustrations tout aussi didactiques que plaisantes à regarder. Intelligemment chapitré, avec des titres qui amuseront, par ailleurs, les amoureux de cinéma, la lecture en est tout aussi aisée qu’agréable et nul besoin d’être un scientifique émérite pour en saisir le sens.  Les plantes méritent notre respect et notre admiration. Si nous en doutions, “L’or vert” est là pour nous le rappeler.

Isabelle Fauvel

(1)   Définition du Larousse : discipline cherchant à appliquer des processus biologiques à des systèmes mécaniques et électroniques, dans le domaine militaire, industriel ou médical (prothèses bioniques, par ex.).
“La bionique – Quand la science imite la nature” d’Agnès Guillot et de Jean-Arcady Meyer, Éditions Dunod, 2008.

(2)  “Poulpe Fiction – Quand l’animal inspire l’innovation” des mêmes auteurs, Éditions Dunod, 2014.

(3)      Stefano Mancuso, né en 1965, est l’un des promoteurs du concept de neurobiologie végétale qu’il expose dans de nombreux articles scientifiques et plusieurs ouvrages de vulgarisation devenus des best-sellers tels que “L’intelligence des plantes” (2013) et “La révolution des plantes” (2017). Il prône un futur bio-inspiré par le monde végétal.

“L’or vert – Quand les plantes inspirent l’innovation” d’Agnès Guillot et de Jean-Arcady Meyer, CNRS Editions, 2020.

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5 réponses à Comment s’inspirer des plantes pour innover

  1. Jacques Ibanès dit :

    Chapeau bas également à Jean-Marie Pelt qui est l’un des précuseurs ayant ouvert la voie à une meilleure connaissance du monde végétal et à son organisation sociale dès les années 70.

  2. Merci Isabelle pour cette incursion dans ce monde fascinant des plantes ! Nous avons voulu en effet consacrer exclusivement un ouvrage (le seul à ce jour) à ce que les plantes ont pu apporter de novateur en termes d’économie, de respect de l’environnement, de projets futuristes et aussi esthétiques dans les divers domaines indiqués. Bien entendu, nous n’avons pas oublié de mentionner Jean-Marie Pelt, dont les livres et la série télévisée l’Aventure des Plantes sont absolument remarquables (intégrale sur l’INA), ainsi d’ailleurs que les épisodes de la BBC The Private Life of Plants de David Attenborough.

  3. Aux références d’Agnès, j’ajouterai volontiers l’excellent ouvrage de Fleur Daugey : L’Intelligence des Plantes. Les Découvertes Qui Révolutionnent Notre Compréhension du Monde Végétal. Les Editions Ulmer. 2018.
    et le passionnant reportage sur le Génie des Arbres d’Emmanuel Noblecourt – que plusieurs chaînes de télévision ont rediffusé récemment.

    Vous avez raison, Isabelle. La beauté de certaines plantes et les astuces qu’elles ont inventées pour survivre méritent respect et admiration. Notre ouvrage se termine sur cette question existentielle : faut-il pour autant s’indigner que des plantes soient épluchées vivantes, que les gazons soient tondus et que les bars à salades se répandent dans nos villes ? Je dis ça, je dis rien…

  4. Ella dit :

    merci merci de tous ces rappels scientifiques.

  5. BIRAUD Marie-Christine dit :

    Décidément , il n’y a pas de hasard …
    Tout d’abord, merci Agnès, Isabelle et Jean-Arcady pour ce thème passionnant et la façon dont vous en parlez, qui donnent vraiment envie de lire « L’or vert … ».
    De mon côté, je termine juste un autre livre, pas du tout scientifique, il s’agit d’un conte, mais il évoque lui aussi le thème des pouvoirs des plantes , des pouvoirs immenses, puiqu’ elles sont même capables d’arrêter une guerre …
    Au départ destiné à mes petites filles, la lecture de l’avant-propos a éveillé ma curiosité
    et sans attendre de l’offrir, je l’ai savouré par petites doses (2/3 chapitres à la fois ) pour rester dans la magie plus longtemps …
    Vous l’avez peut être reconnu , il s’agit de l’unique conte écrit par l’académicien Maurice Druon, il s’agit de « Tistou les pouces verts » ….que de sagesse !

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