Apollinaire au rendez-vous de Minsk

Par sa mère Angélique de Kostrowitzky, Guillaume Apollinaire avait un cousin russe, poète comme lui et mort la même année que lui en 1918, mais en Biélorussie. Sous le pseudonyme de Karuś Kahaniec, Kazimierz Rafał Kostrowicki (ci-contre) était également auteur, dramaturge, sculpteur, artiste et militant politique. Il était né en 1868 contre 1880 pour Apollinaire. Cette information pour le moins mal connue mais notamment mentionnée dans un livre de Jeremy Moczarski paru en 2019, « Poetry in the blood », n’est pas inopinée. Car il se trouve que c’est demain jeudi, à Minsk en Biélorussie, qu’aura lieu un genre de réunion de famille, celle des « Kostrowicki », sous les bons auspices du Museum of the history of literature et de différents concours institutionnels. Un peu comme si la famille Rimbaud organisait un séminaire à Charleville ou si le clan Duguesclin tenait un conclave au Mont-Saint-Michel.

C’est bien grâce à un certain Jeremy Moczarski que cette information est parvenue jusqu’aux Soirées de Paris. Auteur de trois livres consacrés à la dynastie des Kostrowicki dont « Poetry in the blood », cette bien distinguée personne a pris contact avec Les Soirées de Paris suite à la lecture d’un article paru au mois de décembre, lequel avait percé le mystère du décès du frère d’Apollinaire en 1919 au Mexique (1). Dans une missive récente, Jeremy Moczarski  expliquait que son intérêt pour Apollinaire remontait à son enfance, que sa mère s’appelait Jolanta Lew-Ostik Kostrowicka (1933 – 2009), elle même fille de Samuel Andrzej Lew-Ostik Kostrowicki. Et que par ailleurs dans un dédale généalogique à donner le tournis, notre correspondancier inattendu disait aussi avoir connu le professeur Jerzy Kostrowicki, arrière-neveu de Melanie Kostrowicka, laquelle a eu un enfant avec le roi de Rome. Un site Internet (2) vient de publier la cascade de cette parenté sur plusieurs siècles. L’exposition se tiendra jusqu’au 10 octobre pour les 140 ans de la naissance d’Apollinaire et apportera un éclairage sur les cousins ayant ou ayant eu la fibre artistique. Cette manifestation n’est pas la première du genre mais selon Uladzimir Shchasny, l’un des organisateurs, ce sera la plus importante jamais organisée là-bas.

Dans son livre sur Apollinaire paru en 1986, Michel Décaudin écrivait que les « Kostrowitzky (ou Kostrowicki selon l’orthographie polonaise) » étaient issus d’une « grande famille de la noblesse polonaise aux nombreuses ramifications ». Le grand-père de Guillaume, côté maternel, s’appelait Apollinaire et appartenait « à une branche cadette peu fortunée ». Il avait épousé une femme d’origine italienne, Julia Floriani qui donna naissance en 1858 (Helsinki) à Angélique. Laquelle mis au monde en 1880 Wilhem de Kostrowitzky, qui se fera connaître en littérature en tant qu’Apollinaire, quand bien même ses amis l’appelleront « Kostro ». Quant au père du poète, Francesco Fluigi d’Aspermont, on sait très peu de choses sur lui. On attend toujours une de ces mystérieuses circonstances qui d’un coup viennent éclairer le passé. S’y retrouver dans la famille des autres quand on cale soi-même passé le stade du cousin germain, réclame un bon métabolisme, voire un certain sang-froid.

Il y aura certainement de quoi alimenter bien des discussions à partir de demain à Minsk, au milieu du désastreux contexte politique qui afflige la Biélorussie. Depuis l’Angleterre où il réside, Jeremy Moczarski nous explique que « le gène artistique » est donc bien établi dans la famille maternelle de Guillaume Apollinaire. Ce sera une bonne occasion d’en faire le décompte. La plupart du temps, les biographes d’Apollinaire insistent peu sur ses origines familiales, lesquelles à vrai dire, concernent d’assez loin l’œuvre de l’écrivain. Mais de toute évidence il avait tout un annuaire derrière lui.

Selon certaines croyances, nos ancêtres ne sont jamais loin de nous, même s’ils sont invisibles. Gageons qu’une cohorte d’ombres se joindra à l’événement prévu dès cette semaine. Histoire de se tenir chaud entre cousins d’ici et d’au-delà. Les disparus de la circulation peuvent en effet bénéficier, au même titre que l’innocence, d’une présomption de vie. Puisque rien n’a jamais établi le caractère définitif de la mort, gardons la foi. Et puis, si la poésie d’Apollinaire perdure si bien, c’est un signe.

PHB

(1) À propos du frère d’Apollinaire

(2) Le site des éléments généalogiques sur le site de Jeremy Moczarski

Et puis écouter sur Youtube un Kostrowicki évoquer (à partir de la 3e minute) Guillaume Apollinaire, ce n’est pas tous les jours que cela se produit

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Une réponse à Apollinaire au rendez-vous de Minsk

  1. VERA DUPUIS dit :

    Merci Philippe Bonnet pour les nouvelles de Russie, et de de Minsk en Bielorussie en particulier. Quel bon contact avec la grande famille Kostrowicki, tout cela est prometteur et pour nous, lecteurs, nouvelle preuve, Les Soirées de Paris restent LE point d’échange entre l’Ouest et l’Est

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