Festivals choisis

À moins que le coronavirus ne nous joue quelque mauvais tour in extremis ou chemin faisant, voici le grand retour cet été des festivals artistiques qui investissent la France entière, témoignant d’une passion très française. À commencer par «Paris, l’été» (depuis 1990) proposant du 12 juillet au 1er août un éventail de «grands rendez-vous artistiques et culturels» aussi bien au musée du Louvre qu’au lycée Jacques Decour ou à la Cité universitaire, entre autres festivités mêlant tous les arts.
Écoutons le grand écuyer poète Bartabas nous présenter le spectacle proposé en son Manège de la Grande Ecurie du Château de Versailles (outre la projection en plein air de son film «Les chevaux voyageurs» au théâtre Zingaro) : «Aujourd’hui, j’éprouve de plus en plus de plaisir à m’entretenir solitairement avec mes chevaux, très tôt le matin, avant la vie des hommes. C’est au lever du soleil, dans le silence et la concentration, que le corps et l’esprit sont le plus disponibles pour une écoute profonde. En tant qu’interprète, je suis à la recherche de ces moments de grâce, impossibles à reproduire.»

À réserver donc à celles et ceux qui ont la passion du cheval, passion qu’il est très facile d’attraper à leur contact. La musique sera présente sous cette forme énigmatique :
«Avec le concours de l’Ircam, Manuel Poletti créera le rendu sonore généré et modifié en temps réel, afin de mettre en musique l’intimité de l’homme et du cheval qui font corps.»

Restons à Versailles, pour profiter non loin de là de la seconde édition des «Concerts au Potager du Roi» (Affiche ci-dessus). Vétéran de la scène lyrique, Jean-Paul Scarpitta avait programmé un premier festival en urgence, en pleine pandémie, l’an dernier, sur quinze jours, avec la complicité de grands musiciens comme le quatuor Modigliani, Nicholas Angelich, Gérard Caussé, Renaud Capuçon ou David Fray, entre autres, l’idée étant que ces pointures parrainent des jeunes moins connus. Même principe cette année, avec une programmation qui explose sur un mois entier, du 1er juillet au 1er août, si bien qu’on voudrait venir chaque soir, à 19 h ou 21 h.
Oublions Depardieu chantant Barbara ou Carla Bruni accompagnée d’un sextuor à cordes, mais comment choisir entre des stars comme les Modigliani le 9 juillet à 19 heures, Renaud Capuçon, Gérard Caussé et Victor Julien-Laférrière le 13 juillet, la révélation Lucas Debargue le 18 juillet, le bien-aimé Nicholas Angelich le 24 juillet, notre ténor de grazia national Cyrille Dubois le 29 juillet, notre soprano nationale virtuose Sandrine Piau le 30 juillet, le très raffiné pianiste David Fray le lendemain, et enfin la diva Sonia Yoncheva le 1er août pour clore cette étourdissante programmation ?
Heureux versaillais, et quant aux mélomanes Parisiens, ils aimeraient pouvoir prendre pension à l’hôtel sur place pour le mois, non pas à l’Hôtel des Réservoirs comme Proust en 1906, mais plus modestement sans doute. Ils pourraient aussi rêver de camper dans ces jardins du Potager du Roi remontant à Louis XIV fournissant la table royale, devenus aujourd’hui le site de l’École Supérieure du Paysage. Ses jardiniers vous accueilleront avant le concert et durant l’entracte, puisque c’est un bonheur d’écouter de la musique dans un tel cadre, comme ce fut le cas avec les «Solistes aux Serres d’Auteuil» avant que la Fédération de tennis et la mairie de Paris ne les chassent d’un coup de griffe dédaigneux.

Les deux grands festivals lyriques présenteront en 2021 un visage bien différent. «Les Chorégies d’Orange», qui se déroulent depuis 1869 (création de «Joseph» de Méhul) dans un des plus beaux théâtres antiques d’Europe (ci-contre) de 8300 places en gradins avec un mur de scène de cent mètres de long, se ressentent encore de la pandémie. Leur directeur Jean-Louis Grinda, venu de l’Opéra de Monte-Carlo, successeur de Raymond Duffaut depuis 2016, ne programme qu’un opéra cette année, et une seule soirée, contrairement à l’usage qui veut deux opéras et deux soirées chacun.
Le «Samson et Dalila» de Saint-Saëns aux grands airs si connus («Arrêtez ô mes frères», «Printemps qui commence», «Mon cœur s’ouvre à ta voix», etc.) signe le retour de Roberto Alagna in situ, alors qu’il y avait fait ses adieux le 5 août 2015 après avoir fait hurler le public de bonheur pendant des années. Mais plus personne ne parle de ces adieux, et on peut imaginer que ce merveilleux retour est dû à une grande forme vocale, d’ailleurs il a chanté souvent cette œuvre dernièrement et connaît parfaitement sa partenaire, la grande mezzo canadienne Marie-Nicole Lemieux.

Le classique viendra combler la part restreinte du lyrique (Nemanja Radulovic et Maxim Vengerov), mais tout de même, la pyrotechnique Cecilia Bartoli donnera un concert avec ses «Musiciens du Prince-Monaco», et surtout, surtout, nous venons d’apprendre que «La Nuit italienne» sera remplacée par une «Nuit verdienne» où s’illustreront nos deux gloires nationales, notre Roberto Alagna à nouveau et notre Ludovic Tézier (mon article du 17 mars 2021), pas de quoi se plaindre !
Par comparaison, le Festival Lyrique International d’Aix-en-Provence nous étourdira de sa diversité : la magique cour du Théâtre de l’Archevêché résonnera aux accents de Mozart («Les Noces de Figaro»), de Verdi («Falstaff») et de Rimski-Korsakov («Le Coq d’Or»), tandis que le moderne Grand Théâtre de Provence servira Wagner («Tristan et Isolde»), un Verdi peu donné («I due Foscari»), et un opéra contemporain de la grande compositrice finlandaise Kaija Saariaho. L’autre création mondiale investissant le tout nouveau Luma d’Arles (« L’Apocalypse arabe » composé par Samir Odeh-Tamimi).

Classiquement parlant, on ne peut évidemment pas oublier la 41ème édition de la grand-messe pianistique de La Roque d’Anthéron, soit, comme disent les Anglais, «la crème de la crème» du clavier mondial. Deux «Versaillais» seront présent, Nicholas Angelich pour l’ouverture avec l’Orchestre de Chambre de Paris le 23 juillet, et Renaud Capuçon avec la très talentueuse jeune pianiste Béatrice Rana.
Et pour revenir à Paris ou plutôt à Boulogne-Billancourt, sur la proue du navire de verre et de bois de la Seine musicale, à la pointe de l’île Seguin (ci-contre), nous attend bientôt le «Festival Mozart Maximum». Depuis l’ouverture des lieux en 2017, la cheffe en résidence Laurence Equilbey poursuit avec discrétion une programmation raffinée, dont témoigne ce cinquième Festival Mozart. Coup d’envoi, pour deux soirs seulement, avec «Lucio Silla», opera seria d’un Mozart de seize ans, dont Patrice Chéreau avait monté aux Amandiers une version d’anthologie avec Lella Cuberli et Martine Dupuy. La fondatrice de l’ensemble Insula Orchestra frappe fort elle aussi avec, dans le rôle-titre, le célèbre contre-ténor Franco Fagioli. Puis l’exceptionnel ténor Julian Prégardien dont je vous ai déjà parlé (mon article du 3 février 2021) nous offrira des airs mozartiens accompagné par le Concentus Musicus Wien, et Marc Minkowski en personne viendra diriger ses Musiciens du Louvre dans les deux dernières symphonies de Mozart. Quel programme !

Lise Bloch-Morhange

Photos (sauf affiche d’ouverture): ©LBM

Festival Paris l’été, 12 juillet-1er août
Festival «Concerts au Potager du Roi», 1er juillet-1er août 2021
Chorégies d’Orange, 18 juin-30 juillet
Festival International d’Aix-en-Provence, 30 juin-25 juillet 2021
Festival Mozart Maximum, La Seine musicale, 23 au 30 juin 2021
Festival international de piano de la Roque d’Anthéron, 23 juillet-18 août 2021

 

 

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Une réponse à Festivals choisis

  1. gégé dit :

    On ne sait pas comment faire pour choisir!!!!!!!!!!!!!
    Les chevaux de Bartabas ne chantent pas mais ils jouent bien …………..

Les commentaires sont fermés.