La planche pour la planche

Les 100 plus belles pages de la bande dessinée. Photo: PHB/LSDPEn introduction de ses « 100 plus belles planches de la bande dessinée », Vincent Bernière précise qu’il y a effectivement planche et planche. Un substrat dont la finalité normale est de terminer, après finition, dans un album de BD dûment publié. Et l’auteur de froncer le sourcil sur ces artistes qui privilégient désormais la planche au motif que celle-ci peut s’envoler aux enchères. Ce qui ne valait rien il y a encore trente ans a changé de statut. La base de travail est devenue œuvre d’art. Délibérément Vincent Bernière a sélectionné dans son panthéon personnel celles dont la seule destination était d’être une page parmi d’autres au sein d’un album. Le parti pris est louable.

L’un des reproches que l’on pourrait faire à cet album des albums est qu’il représente davantage les 100 planches préférées de Vincent Bernière que « les plus belles », sachant qu’un tel objectif éditorial est forcément partial. Mais en nous entraînant dans l’histoire des planches qu’il a choisies, en les accompagnant d’un contexte pertinent, en nous faisant profiter de sa culture enfin, l’auteur ne nous déçoit pas  et même nous surprend quelquefois.

Par exemple en nous présentant « Arzach made in USA » un livre hommage à l’album déjà publié sous ce titre par Moebius. En marge de la planche du « maître », alias Jean Giraud et mort en 2012, se trouve une vignette présentant un dessin de Brian Balland fortement inspiré de l’univers onirique de Moebius. Elle est absolument remarquable en ce qu’elle démontre comme d’autres du même genre, qu’un autre monde est possible, puisqu’il suffit de le créer. Moebius avait ce talent, très bien compris de ses continuateurs.

Certains grands dessinateurs ne sont pas là, c’est donc un choix de l’auteur, mais les amateurs retrouveront néanmoins des grandes signatures, tels Manara, Bilal Loustal&Paringaux, Druillet ou Hugo Pratt lesquels ont contribué à porter bien haut la bande dessinée. Leurs planches les unes après les autres sont chacune des œuvres irremplaçables, ce point se discute à peine.

Adrian Tomine, aspect du livre

« Les 100 plus belles planches de la bande dessinée », aspect du livre

Mais l’un des atouts de ce livre est de nous en faire connaître d’autres, moins connus des bacs dans les librairies spécialisées, tel Adrian Tomine dont les pages 72&73 (ci-contre) nous donnent un aperçu gourmand. Y figure également une vignette du même auteur dont on se porterait bien acquéreur même en simple copie. Son style japonisant mêlé de culture américaine, son encrage à la fois net et subtil, nous donnent envie d’en découvrir davantage. C’est toutefois une faiblesse de ce livre que de ne contenir ni index ni fiche synthétique sur les auteurs. Le recours au web apparaîtra dès lors indispensable aux lecteurs qui voudront compléter leur curiosité ainsi réveillée.

Voulu planté dans l’esthétisme, le fil directeur se perd un peu en chemin. Ce n’est pas que Greg (Achille Talon), Uderzo (Astérix) ou le génial Gotlib aient démérité, leurs planches sont certes jolies et ils nous font toujours autant rire, mais leur place dans un top 100 cent des plus « belles » planches de la bande dessinée est un peu imposée aux forceps. C’eût été les plus « marquantes », l’affaire n’aurait pas souffert de réserve.

Imparfait, partial parce que lacunaire, ce livre se parcourt cependant sans déplaisir. On peut s’agacer de certains absents tout comme dans les « 100 plus belles planches de la BD érotique », mais cela  confère à la lecture globale un certain mordant qui fait que l’on ne s’endort pas.

PHB

Les deux pages consacrées à Moebius

Les deux pages consacrées à Moebius

« Les 100 plus belles planches de la bande dessinée » par Vincent Bernière. Beaux Arts Editions, 216 pages, 34,50 euros.

« Les cent plus belles pages de la BD érotique » par le même auteur dans Les Soirées de Paris

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