Son pesant d’or

En promettant qu’il allait protéger son pays avec un dôme d’or, Donald Trump savait-il toute la symbolique qui se rattachait au métal précieux depuis des millénaires? La matière était-elle choisie par un instinct de sécurité lié au mot, inclus dans l’ADN d’un peu tout le monde depuis les Étrusques? En 1969, les deux auteurs du dictionnaire des symboles, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant s’étaient arrêtés sur le mot, juste après « onyx » et juste avant « orage ». L’or, expliquaient-ils dans cet ouvrage copieux, a toujours été synonyme de perfection, sur la première marche du podium des symboles. Il était la chair des dieux, des pharaons et Bouddha n’était pas autrement représenté qu’avec le métal jaune. Il est la lumière, la connaissance, susceptible d’utilisation en drogue, d’être bon pour l’immortalité et efficace contre la perte des cheveux. Fadaises, fadaises, au point qu’aujourd’hui, l’or est avant tout un placement, celui qui met à l’abri des tempêtes et c’est dans cette notion de blindage bien sûr que l’on vient de l’associer à un dôme, sachant que le dôme de fer était déjà pris. Continuer la lecture

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Toutes les musiques du monde

Quelle que soit son époque et quelle que soit sa civilisation, l’être humain a utilisé tous les matériaux et toutes les techniques possibles dans le seul but de créer des machines à faire du son. Dans ce domaine, son imagination a été sans limites. C’est la première impression que ressent le visiteur en découvrant le Musée de la musique de Paris, récemment rouvert après une toute nouvelle présentation confirmant sa place parmi les plus riches collections publiques au monde. Le nouveau parcours accorde notamment une place plus importante aux musiques des autres civilisations. Ce qui permet d’atténuer la frontière souvent artificielle établie entre musiques savantes et musiques populaires, tant il est vrai que toute musique est savante puisqu’elle obéit à chaque fois à des règles admises par toute une communauté. Un exemple parmi cent autres. Les « métallophones », le plus souvent appelés sanza ou encore kalimba, très répandus en Afrique. Il s’agit de lamelles métalliques reposant sur une caisse de résonance de nature diverse (souvent une calebasse) et que le musicien fait vibrer avec ses doigts. Continuer la lecture

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Tout doit disparaître !

Dans un ouvrage magistral, le philosophe Robert Redeker fait un constat que chaque jour qui passe vérifie un peu plus: l’abolition de « l’âme », un mot disparu de la langue et de la culture. Toutes les civilisations ont eu depuis leur origine l’intuition de l’âme, ce « je-ne-sais-quoi irréductible de l’humain », cette « source jaillissante », ce « mystère opaque et insondable ». Mais c’est Platon qui, le premier, fait de cette intuition une réalité philosophique et un fondement de la culture occidentale. Avec le Phédon, il ouvre la voie à son exaltation ultérieure par le christianisme de Saint-Augustin, des grands mystiques (Thérèse d’Avila, Jean de la Croix), et des penseurs jusqu’à Pascal. Au point de constituer la principale préoccupation de l’homme du Moyen-Age et encore de la Renaissance, une « inquiétude » intime. Et puis patatras! C’est Descartes qui allume la mèche. En fondant la preuve de notre existence sur notre nature d’être pensant, Descartes substitue à l’âme l’ego, le « je ». Prudent, il conserve dans ses écrits le mot « âme », mais il ne s’agit plus de la même chose. Car l’âme et la pensée, ce n’est pas la même chose. Continuer la lecture

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Sayonara

La fin de vie, c’est le sujet en cours: comment débranche-t-on, comment se débrancher. L’assistance à la naissance c’est naturel mais, pour le coup de bêche fraternel sur l’occiput de l’ami qui n’en peut plus, il faut un cadre. Avec tellement de conditions requises, que le candidat peut être recalé.  Pas dans le « Plan 75 » toutefois, un film japonais que la chaîne Arte s’apprête à diffuser (le 19) sur ce thème. Et qui raconte une fable visionnaire dans une société très peu éloignée de la nôtre. Où les plus de 75 ans sont incités à dégager sans faire d’histoires. Le film de la réalisatrice Chie Hayakawa se veut subtil et il l’est. Ce n’est pas un cauchemar qu’elle nous présente. Mais un Japon normal où les autorités calculent la dépense et spéculent sur la fatigue morale des anciens. Et finalement ils légifèrent en ce sens. Avec humanité et avec cœur, pour paraphraser une célèbre formule d’évacuation: elles élaborent un programme bienveillant visant à recruter des candidats et à les accompagner jusqu’au bout, en veillant à ce que le renoncement ne les gagne pas. Pour structurer son film, Chie Hayakawa a mis en avant trois personnages, un recruteur, une accompagnante et une candidate. Continuer la lecture

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« Hong Kong Shifts », transmet l’histoire des travailleurs vaillants du Port au Parfum

Le duo formé de Cynthia Cheng, qui manie une très belle plume, et de Maxime Vanhollebeke, jouant avec dextérité de ses talents de photographe, signe une œuvre aussi originale qu’émouvante. Dans une démarche humaniste, les auteurs de « Hong Kong Shifts, stories from the streets of Hong Kong » (« Quarts de Hong Kong, histoires des rues de Hong Kong ») capturent avec brio la quintessence de la vie des travailleurs du Port au Parfum, ces hommes et ces femmes qui travaillent sans relâche, aussi discrets qu’indispensables au fonctionnement harmonieux de la cité. Les lecteurs en quête de témoignages authentiques se réjouiront de tourner les pages de ce livre exceptionnel (publié en juillet 2024) qui sort des sentiers battus. Une fois n’est pas coutume, l’humain, photographié et raconté, vole la vedette à l’architecture hétéroclite de la ville, à sa densité à donner le vertige, à ses échafaudages en bambous qui sont habituellement pris en photo.
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Paris-Berlin A-R pour Delaunay et Apollinaire

Il fallait compter 14 heures pour aller, en 1913, de Paris à Berlin. Ce que fit cette année-là le peintre Robert Delaunay, accompagné de Guillaume Apollinaire. Le premier poursuivait un objectif, celui de faire la promotion de sa peinture outre-Rhin. Apollinaire quant à lui, avait été réquisitionné pour sa plume et son éloquence en public. Ce voyage a fait l’objet d’une thèse détaillée, travail transformé plus tard en un livre en tout point passionnant pour tous ceux s’intéressant à la genèse de l’Art moderne. Il a été publié en 2021 et avouons-le, passé sous la ligne de nos radars. Nous réparons ici un manquement justifié. Tellement le travail abattu par l’auteure, Sophie Goetzmann, impressionne. Chaque page est tissée d’informations, obligeant le lecteur à surligner les passages les plus marquants. Comme, dans la première partie, la façon dont Robert Delaunay (1885-1941) voulait convaincre de son talent Herwarth Walden (1878-1941), lequel se trouvait être à la fois l’animateur de la revue Der Sturm et le patron de la galerie d’avant-garde du même nom. Continuer la lecture

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Grandissime première

Hercule Poirot est semble-t-il l’unique personnage littéraire ayant eu les honneurs de la rubrique nécrologique du New York Times à sa mort. Le 6 août 1975, le journal annonçait la disparition du petit immigré belge dans « Poirot quitte la scène » (« Curtain »). Quant à Sherlock Holmes, qui finit sa vie en élevant tranquillement ses ruches à la campagne, il devient cette année le premier personnage littéraire à entrer dans La Pléiade, avec deux volumes à son nom et une nouvelle traduction. Les écrivains de langue anglaise sont vraiment très forts! Qu’est-ce donc qui rend leurs détectives si incroyablement, mondialement populaires ? Serait-ce leur intelligence exceptionnelle, aussi vive chez le petit Belge maniaque que chez le limier longiligne et austère plutôt bon violoniste? Pour le public, il doit bien y avoir chez eux quelque chose d’exceptionnel, voire de surhumain, qui force le respect. Pensez-donc! Ces hommes fréquentent quotidiennement la mort, et savent percer tous ses secrets! Continuer la lecture

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Faire la guerre ou faire la fête

Qu’elle soit campagnarde ou urbaine, officielle ou familiale, religieuse ou profane, la fête flamande est toujours démesurée, débordante, libérée de toute contrainte. Les très réputés ateliers d’artistes (familles Brueghel, Jordaens, Rubens) ont mis tout leur savoir-faire pour représenter kermesses, processions, visites princières ou manifestations populaires avec un extraordinaire souci du détail, sans rien masquer des débordements habituels ni même, dans certains cas, des beuveries qui semblent ici parfaitement acceptées. Une centaine de toiles très représentatives de ces festivités si particulières sont visibles en ce moment à Lille, où le Palais des Beaux-Arts (dont Juliette Singer, ancienne conservatrice en chef au Petit Palais, vient d’être nommée directrice) propose jusqu’au 15 septembre l’exposition « Fêtes et Célébrations flamandes ».  Mais attention…Pour accéder à ce monde festif propre au pays flamand et souvent vérifiable aujourd’hui encore, il faudra d’abord passer par une case qui aurait pu s’intituler « Les Désastres de la guerre ». Car entre 1550 et 1650, l’Europe a connu d’incessantes guerres, religieuses ou politiques, dont tous les habitants pâtissaient. Continuer la lecture

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Homo ludens

Le lancer de nain est une activité « épatante ». Plus facile que le lancer de gros. Cette attraction est apparue en Australie, pays ou les mœurs sont rudes, mais où chacun a sa chance. En 1986, un championnat du monde a attiré les foules. Le vainqueur fut l’équipe britannique Team England, de Londres. On s’y livre, généralement, dans les boîtes de nuit, pour la distraction des noctambules. La règle s’énonce simplement: soit un volontaire nain, caparaçonné comme au football américain, muni de sangles latérales facilitant la prise. On le saisit à deux mains, pour le jeter le plus loin possible, sur d’épais matelas de mousse. Le gagnant a droit à l’estime de ses camarades, au regard brillant de sa compagne, à la tournée du patron, voire à l’une de ces babioles d’étagère faisant la fierté des compétiteurs sportifs. Le nain, quant à lui, touche un cachet. Il peut ainsi se nourrir. Pas trop, car il grandirait et perdrait son gagne-pain. Continuer la lecture

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Résurrection anglaise

Succédant à Robert Laffont comme éditeur de Graham Greene, les éditions Flammarion ont entrepris la résurrection des plus importants de sa trentaine de romans dans une nouvelle édition. L’éditeur fait grand cas du nouveau traducteur, alias Claro, présenté sur le revers de couverture comme « l’époux de la réalisatrice Marion Laine. Il est par ailleurs l’auteur d’une trentaine de livres (fiction, essai, poésie), traducteur de l’anglais et dirige les éditions Inculte ». Après « Deux Hommes en un » et en attendant  « Le Troisième homme », vient de sortir « Le Ministère de la Peur », suivi d’une intéressante postface signée Claro sur laquelle nous reviendrons. Poète, écrivain, journaliste, critique, envoyé spécial, grand voyageur, scénariste, espion, Graham Greene est né en octobre 1904 dans le comté de Hertfordshire au nord de Londres, et mort et enterré à Vevey dans le canton de Vaud en avril 1991. Il publie « The Ministry of Fear » en 1943, après « Brighton Rock » en 1938 (« Le Rocher de Brighton » 1947), « The Power and the Glory » 1940 (« La Puissance et la Gloire » 1948), et avant « The End of the Affair »1951 (« Fin d’une liaison »»1952), « The Quiet American » 1955 (« Un Américain bien tranquille »1956), « Our Man in Havana » 1958 (« Notre homme à la Havane » 1959), et bien d’autres. Quantité de ses titres seront adaptés au cinéma. Continuer la lecture

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