Rügen, un Eden dans la Baltique

« Rügen », depuis des années ce nom était ancré dans ma tête comme celui d’un petit Eden à découvrir. Interrogé, un ami berlinois m’avait ri au nez. « Rügen en août, un Eden ? Mais c’est la baignoire de Berlin! ». D’un mot, le mythe était détruit mais pas l’envie d’y aller. Au nord-est de l’Allemagne, Rügen est la plus grande île (900 km²) et le point le plus septentrional du pays. Les pieds dans la Baltique, l’île zieute les côtes suédoises au nord et tutoie celles de la Pologne à l’est. Plages de sable immaculé, falaises uniques, parcs naturels, campagne bucolique… la nature est reine à Rügen. Dès le début du XIXe, un prince local conscient de ses attraits y avait fait venir une clientèle privilégiée. Puis, des stations balnéaires avaient été créées, une mini-ligne de train à vapeur installée, des parcs mis en valeur. Assoupie pendant la période communiste, Rügen a connu un nouvel essor après la chute du mur. Aujourd’hui, l’île attire un million de visiteurs par an, surtout des allemands. Continuer la lecture

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Oscar V. d. L. Milosz, poète, métaphysicien et ami des oiseaux

Il y a le nom d’abord: O.V. de L. Milosz. Il sonne comme un schibboleth ou un mot de passe réservé aux initiés. Le nom complet de cet écrivain français d’origine lituanienne est Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz. Quelques lettrés le classeront rapidement parmi les écrivains francophones venu d’un lointain pays de l’Est, sans autres précisions. Les libraires vous dirigeront peut-être vers son homonyme, le Polonais Czesław Milosz (un petit neveu) qui bénéficie d’une célébrité plus importante puisqu’il reçut le prix Nobel de littérature en1980.  “Notre“ Milosz vécut en France dès l’âge de onze ans et écrivit toute son œuvre en français. Il fut poète, romancier, auteur de théâtre, philosophe, métaphysicien, traducteur, ambassadeur. Vénéré par bon nombre de ses contemporains, il continue aujourd’hui d’être ignoré de la grande masse des intellectuels français. Un rapide coup d’œil dans les archives montre que les critiques avertis ont à chaque fois souligné l’injustice, voire le scandale suscité par cette méconnaissance. Continuer la lecture

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L’époque en trois mots

Dans le film « Le silencieux », sorti en 1973, Lino Ventura interprétait le rôle d’un personnage rebelle et terre-à-terre qui lui seyait à merveille. Une scène le montre face au chef des services secrets anglais. Lequel le prie de lui livrer le nom d’espions britanniques au service de l’URSS. « Mettez-vous à notre place », insiste-t-il, verre de scotch en main. Mais Clément Tibère (Lino Ventura donc), main sur le cœur lui répond: « Non, je me mets à ma place ». Ce faisant, à l’aune des valeurs à la mode, il commet une grave erreur. Il ne fait pas preuve « d’empathie », faute qui à l’heure actuelle vaut au minimum une mise au ban de la bonne société. Face au côté buté de Clément Tibère, le patron du secret service lui dit qu’alors, s’il persiste dans cette regrettable attitude, ils seront obligés de le tuer car le gouvernement british sera « vexé ». Ce qui fait que Clément Tibère, pesant le pour et le contre de ses intérêts, finira par accepter le marché. Un bref regard sur l’actualité, montre à quel point ce mot est devenu omniprésent dans le langage, au point que la réalisatrice Julie Delpy, déclarait le 18 septembre sur RFI: «Les barbares, ce sont ceux qui manquent d’empathie face à l’autre.» Continuer la lecture

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Chats perchés

S’il est recommandé de se promener dans les rues de Paris en levant toujours le nez vers sa droite, il est probable que le chat en périlleuse position à l’angle du Castel Béranger échappe au promeneur non prévenu. Ce bâtiment construit au 14 rue Jean de La Fontaine, non loin d’Auteuil, est l’un des plus beaux manifestes parisiens Art nouveau de Guimard, et le premier immeuble de rapport du style construit en France. Le panneau Histoire de Paris placé devant nous révèle qu’Hector Guimard, né à Lyon le 10 mars 1867, a su faire la synthèse entre son goût pour le néo-gothique à la Viollet-le-Duc et les matériaux modernes: « Dès la réalisation de ce Castel aussitôt surnommé « Dérangé », édifié entre 1895 et 1898, son jeune architecte de vingt-sept-ans fait figure de grand-maître de l’Art nouveau ». Le chat faisant le gros dos en grès émaillé réalisé par Gilardoni & Brault nous regardant la tête penchée du haut du premier étage intrigue beaucoup, depuis plusieurs années, les membres du Cercle Guimard: établi maintenant au Castel même, le Cercle a été fondé il y a quelques années par des passionnés pour promouvoir et préserver l’œuvre du grand-maître. Il apparentait jusque-là le chat Béranger aux chats en gargouille du château de Pierrefonds (Oise) restauré de fond en comble par Viollet-le-Duc sous le Second Empire. Continuer la lecture

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Hannah Arendt, la fuite, la traque et l’exil

Elle parlait d’expérience. Déchue de sa nationalité allemande, Hannah Arendt expliquait en substance que la punition allait bien au-delà, puisque le statut d’apatride transformait l’attributaire en ovni indésirable dans tous les autres pays du monde. La fuite, la traque, l’internement, elle avait également expérimenté. Arrivée à Paris en 1933 à l’âge de 28 ans, elle en traitait avec toute l’acuité de sa puissance intellectuelle. Elle avait pu affronter embûches, souffrances et vexations, avec courage et même une bonne solidarité envers ses pairs, entraînés comme elle dans la folle spirale idéologique enclenchée par l’Allemagne nazie. Il lui avait même fallu encaisser le suicide de connaissances n’ayant trouvé que ce seul moyen pour échapper à la barbarie. Sauf pour Auschwitz: « Il s’est passé là quelque chose dont nous ne pourrons jamais nous arranger ». Avant de débarquer à New York en mai 1941, elle avait vécu en Allemagne le cauchemar naissant du nazisme et le long transit de son exil en France. Cet épisode a été relaté dans un livre qui sort le 4 octobre aux éditions de L’échappée, sobrement intitulé « Parias ». Continuer la lecture

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Pébrocs et pépins

Milan Kundera dans un de ses livres, racontait une anecdote autour d’Einstein, afin d’illustrer le rapport des hommes à leurs parapluies. Selon lui, le savant s’était fait interpeller par un étudiant alors qu’il donnait un cours à Prague, pour le prévenir que le temps était à la pluie et qu’il ferait mieux de sortir avec son pépin. Mais Einstein lui répondit en substance que par précaution il avait un parapluie chez lui et un autre à l’université. Et qu’il ne pouvait ce faisant, se permettre d’en avoir deux quelque part. Ayant dit, il sortit sous la pluie sans rien pour se protéger. Depuis le début de l’année il pleut, il a plu au printemps, cet été et l’automne débute sous les eaux, c’est dire si les intempéries sont d’actualité. On devrait se réjouir de cette météo davantage conforme au climat de l’Île-de-France mais ce serait politiquement imprudent. D’ailleurs la pluie aime Paris, Caillebotte en avait même fait un très joli tableau, un couple avec un grand parapluie, marchant sur un trottoir luisant du côté de Saint-Lazare. Derrière la vitre d’un taxi récemment, (ci-dessus) la dame au parapluie rouge entretenait en quelque sorte un mythe.
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Panoramas d’autodrome

Parmi tous les aficionados de belles voitures et amateurs variés de mécaniques, un artiste s’était glissé. Lors de l’inauguration de l’autodrome de Montlhéry au tout début de l’automne 1924, Jacques-Henri Lartigue (1894-1986) avait certainement dû jouer des coudes, encombré qu’il était par un drôle d’appareil photographique. Deux objectifs côte à côte comme des jumelles, que surmontait un petit cadre métallique en guise de viseur. Au moment où allait apparaître le format 24×36, il était alors possible de prendre des photos panoramiques de dimensions 6×13. Une géométrie avec laquelle Lartigue allait jouer durant une brève période mais pour des résultats séduisants en diable. Un livre était sorti en 1987 sur le sujet, avec le concours du Centre national de la photographie (CNP) et d’un spécialiste pour la préface, Michel Frizot. Intitulé « Passé composé » il en donnait à voir sur ce qu’il était possible de faire sur un format longueur, soit de droite à gauche, soit de haut en bas. Continuer la lecture

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Freudaines

Au creux des vacances, un hebdomadaire (1) a ressorti un serpent de mer (2): « Faut il en finir avec la psychanalyse ? » L’article constatait un net recul de la pratique dans le monde anglo-saxon, mais une curieuse persistance dans notre beau pays. En dépit de revues de la littérature professionnelle, réalisées au sein de l’INSERM, mettant en évidence la supériorité des techniques cognitivo-comportementales. Bien qu’il « n’existe guère de preuves rigoureuses de l’efficacité de la psychanalyse dans le traitement des pathologies psychiatriques ». En une époque où l’essai contrôlé versus placebo domine l’économie de la santé, il semble s’agir là d’un défaut majeur…. Et cette considération même traduit un grave malentendu!  Sigmund Freud (en français Sigismond Lajoie) commença effectivement son cursus dans la sphère scientifique, spécialisé en neurophysiologie. Mais, s’étant marié, confronté à la nécessité de rapporter au foyer conjugal de quoi vivre décemment, il bifurqua philosophe. Le scientifique a l’obligation d’établir que ses assertions ne sont pas réfutables de façon expérimentale. Le philosophe, lui, s’autorise à dire ce qui lui passe par la tête sans avoir à démontrer quoi que ce soit. L’un relève de la preuve, l’autre de l’adhésion. Continuer la lecture

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Libération in extenso

Cela fera trente ans ce jour qu’un journal allait abandonner une formule qui faisait pourtant son succès. Le 23 septembre 1994, Libération deuxième et dernier du genre, titrait sur un hominidé de quatre virgule quatre millions d’années, découvert en Afrique et, faisait aussi état sur la colonne de droite de sa couverture, d’un agacement en hausse de Jacques Chirac à l’égard d’un certain Balladur, parti à Matignon signer une seconde cohabitation. Mais dans les cuisines du journal, à chaque étage d’un ancien garage, il y avait en cette veille de week-end (car le 23 était un vendredi), comme une ambiance de lourds préparatifs. Libération se lançait en effet, à dater du lundi à venir, dans une version de journal « total » dite Libération III, et destinée à donner un coup de vieux à la concurrence. Une formule bien plus épaisse, soixante-quatre pages contre quarante précédemment, pour laquelle il avait été conçue une toute nouvelle maquette. Pour tout lire, même rapidement, même en diagonale, même à la chinoise, il fallait compter au moins une heure, voire bien plus pour les maniaques de l’information. Une aventure éditoriale qui ne devait pas durer faute de moyens. Sauf que sur un an ou deux, journalistes et lecteurs avaient aimé s’y laisser prendre. Continuer la lecture

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Des vignes, des oiseaux, des chats et des poissons

Apollinaire y avait décelé de la littérature nouvelle. Il s’était en l’occurrence si peu trompé, dans la mesure où l’écriture de Colette pourrait en remontrer à tant de plumes actuelles. C’était en 1908 et l’écrivain associait encore le nom de son mari -Willy- sur la couverture. Le recueil s’intitulait « Les vrilles de la vigne ». Elle lui avait donné ce titre eu égard à un rossignol qui s’était imprudemment posé pour la nuit sur une vigne. Dont les pousses -les vrilles-, s’étaient si bien entortillées autour de ses pattes au fil des heures, qu’elles avaient presque piégé l’oiseau. Colette a vu dans cet incident matière à comparaison avec sa propre existence. Elle admettait que ses nuits n’étaient plus forcément sereines, mais que les vrilles de la vigne, n’avaient désormais plus prise sur elle. Cette première histoire faisait effectivement figure de parabole dans la mesure où l’écrivain n’avait eu de cesse de s’émanciper et de contrôler ceux, (femmes, hommes, bêtes) qui se seraient mis en tête de l’envelopper dans leurs filets.
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