Variations fromagères

Dans son acception originelle, le terme gruyère désigne un fromage à pâte pressée cuite, présenté en meules d’une quarantaine de kilos, fait de lait de vache, produit dans la région du même nom, dans le canton de Fribourg, en Suisse. L’appellation découlerait, selon certains, du blason des seigneurs de Gruyère, « de gueules à la grue d’argent » (1). Mais il semble que l’on prenne ici l’effet pour la cause. La tradition française, de son côté, fait référence au gruyer, officier public ayant la charge, en droit féodal (2),de percevoir l’impôt sur l’exploitation des forêts et clairières. C’est vraisemblablement la raison de l’oiseau sur le blason, exemple d’armoiries parlantes, celles comportant des figures exprimant plus ou moins le nom du titulaire. Le gruyer percevait-il l’imposition en équivalent fromages, ou se faisait il payer ainsi l’importante quantité de bois nécessaire à la chauffe du lait? Ces deux hypothèses sont tour à tour avancées. Ce ne serait pas la première fois qu’un fromage se retrouve dans un contexte fiscal. Continuer la lecture

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Neuf mois pour une disparition programmée

D’elle il avait gardé pas mal de choses, de ces images parcellaires que l’on garde de quelqu’un disparu alors que l’on aurait pu s’attendre à se souvenir de tout. La mort fait toujours le tri dans le diaporama du survivant avec des critères qui nous échappent. Parfois les images se transforment par ailleurs en jolies formules et en l’occurrence émouvantes. Concernant le visage de son épouse, l’auteur évoque « une chevelure extraordinaire, droite et bouclée à la fois, comme un chaume raphaélique qui  défiait la pesanteur ». Il faut dire qu’au bout de toutes ces années d’écriture, Philippe Garnier peut se targuer d’avoir un peu d’expérience dans l’assemblage des mots, notamment pour ce livre venant de sortir aux éditions de l’Olivier, et qui raconte les neuf derniers mois de sa femme Elizabeth. Drôle de sujet. Il ne l’a pas écrit, explique-t-il à la fin, pour la faire revivre ou se faire pardonner quelque chose, mais « plutôt comme un tribut » à celle dont il a toujours « cru tout savoir » et qui pourtant l’a « surpris jusqu’au bout ». Continuer la lecture

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Au plus près de Pirandello

Après avoir créé avec Serge Bagdassarian le spectacle musical “Mais quelle Comédie !”, repris actuellement Salle Richelieu, Marina Hands s’attaque à Luigi Pirandello (1867-1936) pour sa première mise en scène en solo, un auteur qui lui est particulièrement cher. Elle avait déjà dirigé deux de ses pièces pour des Théâtres à la table, “Six personnages en quête d’auteur”, en 2021, et “Les Géants de la montagne” (1), en 2023. Aujourd’hui elle présente au Vieux-Colombier une nouvelle adaptation de “Six personnages en quête d’auteur”, conçue spécialement pour la Troupe, cosignée avec Fabrice Melquiot. Théâtre dans le théâtre, la pièce, qui fit scandale lors de sa création romaine au Theatro Valle le 9 mai 1921, interroge le sens de la réalité et de sa représentation, les fondements de l’art théâtral, et sa nécessité d’être. Une réflexion en tout point passionnante et brillamment mise en scène. Continuer la lecture

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Le Musée alsacien, un incontournable de Strasbourg

Strasbourg ne manque pas de musées mais, parmi ces derniers, un petit bijou se distingue particulièrement: le Musée alsacien. C’est sur les quais qui bordent l’Ill, au 23 quai Saint-Nicolas, que le Musée alsacien a pris place dans un magnifique édifice à colombages de la fin du XVIe, où activités artisanales et commerciales et espaces d’habitation coexistaient. Autour d’une cour pavée, les étages du bâtiment, parcouru de coursives en bois et rythmé de fenêtres en cul-de-bouteille, montrent la spécificité et la diversité de l’identité alsacienne. Lors du parcours, on explorera tour à tour les thèmes de l’habitat, l’habillement, les rites et les croyances, la religion, le travail… L’histoire du Musée alsacien est plutôt surprenante. Il a été créé en 1902, soit à une époque où l’Alsace était annexée par l’Allemagne; et c’est en tant que lieu d’affirmation de l’identité française qu’il a été fondé, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer. La tolérance allemande ne survivra pas pendant le Première guerre mondiale où la société du musée sera liquidée, la ville pourra toutefois la racheter (bâtiment et collections) dès 1917. Continuer la lecture

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La « Fille de Hong Kong » revit dans ses costumes de scène

Pour le plus grand bonheur des amoureux de Cantopop (terme décrivant la musique pop cantonaise populaire du Port au parfum), les costumes de scène de la « Fille de Hong Kong », en l’occurrence Anita Mui (Mui Yim-fong), sont exposés au Hong Kong Heritage Museum (HKHM) – le Musée du patrimoine de Hong Kong – jusqu’au 2 septembre 2024. L’intitulé de l’exhibition « Timeless Diva: Anita Mui », honore celle dont le talent, le parcours de vie hors du commun et le caractère intrépide ont provoqué une adulation unanime. Cette adoration de la superstar est légitimée par tant de qualités, une voix sublime, un jeu théâtral exceptionnel, un don incontestable de l’avant-garde. Quant à sa personnalité, celle-ci était extrêmement attachante, authentique, caractérisée par une attitude téméraire, frisant parfois l’insolence. Son cœur débordait de générosité et c’est cela que la génération, témoin du don de soi (emblème de l’âge d’or de la Cantopop), n’oublie pas. On ne compte plus les actions de philanthropie de l’icône hongkongaise.
En particulier, d’aucuns se souviennent de son engagement pendant l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Continuer la lecture

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Pause café

La parution des Soirées de Paris s’interrompt très peu de temps. Du 12 au 17 juin inclus. Les publications reprendront dès mardi après ce qui équivaut à une pause café éditoriale. Merci de votre fidélité amis lecteurs et à mardi. PHB

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De valeureux chevaliers pour commémorer Jin Yong

Hong Kong rend hommage à l’un de ses écrivains les plus renommés. Il y a cent ans, naissait Zha Liangyong, du nom anglicisé de Louis Cha, surtout connu sous le nom de plume Jin Yong. Né en 1924 à Haining dans la province chinoise du Zhejiang, il est décédé à l’âge de 94 ans, en 2018, au Port au parfum. Ses livres, traduits dans 14 langues différentes, se sont vendus à plus de 100 millions d’exemplaires dans le monde. Auteur de quinze romans aux plus de 1400 personnages, le prolifique Jin Yong est considéré comme le chef de file du mouvement de renouvellement du « wuxia » (arts martiaux et chevalerie) littéraire. Prolongeant son influence, les œuvres épiques qu’il avait commencé à rédiger à partir de 1955, ont inspiré de grands réalisateurs de films tels Wu Pang, Chang Cheh, Hua Shan, ainsi que Wong Kar-Wai. Jin Yong est une figure à laquelle les Hongkongais sont très attachés. Afin de commémorer son œuvre, tout en perpétuant son rayonnement dans la modernité chinoise, le Hong Kong Heritage Museum (HKHM) présente, jusqu’au 7 octobre, l’exposition gratuite « Un chemin vers la gloire – Mémorial du centenaire de Jin Yong, sculpté par Ren Zhe. » Continuer la lecture

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Le Mois Molière à Versailles

Depuis 28 ans, le spectacle vivant prend ses quartiers d’été à Versailles, en juin, marquant ainsi le lancement de la saison des festivals. Avec l’arrivée des beaux jours, le Mois Molière se déploie dans une soixantaine de lieux, en intérieur ou à ciel ouvert, en accès libre ou pour une somme modique, avec près de 330 spectacles proposés, professionnels et amateurs. Si le Festival a pris le nom de l’auteur du “Malade imaginaire”, artiste majeur des festivités de la Cour à Versailles et grand contributeur des Plaisirs de l’Île enchantée de Louis XIV, il s’ouvre à bien d’autres répertoires. Pièces classiques et contemporaines, auteurs français et étrangers, spectacles de troupe et seuls-en-scène, concerts et chorales…. Les propositions théâtrales et musicales pour petits et grands abondent. Un petit Avignon avant l’heure, à l’ombre d’un majestueux château… Continuer la lecture

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Des ghazals, de l’amour et du vin

En ces temps-là, il était possible de célébrer à la fois Dieu, l’amour et le vin. Au tout début du 14e siècle, le poète perse Hâfez, commençait l’un de ses ghazals (poèmes) ainsi, à la fin du Ramadan: « Allah Akbar! Je te rends grâce, la maison du vin est rouverte! Elle m’attire, elle m’attend, et y venir est une fête. » De nos jours on aurait des ennuis pour moins que ça. Mais il faut dire aussi qu’à l’époque, les pouvoirs étaient intermittents et à des seigneurs fêtards, épris d’ivresse et de beauté, pouvaient aussi succéder des doctrinaires, auprès desquels il valait mieux filer doux. Une fin de règne se payait cher, enfermé dans un sac puis broyé par les sabots des chevaux du vainqueur ou avoir les yeux crevés avant d’être exécuté au pied d’une pyramide de crânes de vaincus. Ce qui fait que dans les périodes sombres, Hâfez trouvait moyen dans la poésie, de tromper les censeurs et des les égarer dans les rimes. Il pouvait évoquer l’amour pour les filles ou les garçons sans que cela soit suffisamment clair. Allant de grâces en disgrâces, il fit en tout cas son chemin jusqu’à dépasser soixante ans et c’est ce que racontait Pierre Seghers en 1978 dans un magnifique volume qui vient d’être réédité dans la maison du même nom. Continuer la lecture

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L’esprit basque ouvre l’appétit

Aux Soirées de Paris nous aimons bien traiter les centenaires et il n’y avait donc pas de raison pour que l’on évite celui du musée Basque de Bayonne. Le bâtiment n’en est pas à une étape près depuis ses débuts il y a près de quatre siècles. D’abord maison de négociant, il porte encore le nom de son premier propriétaire: Dagourette. Bâti, rebâti, modifié à maintes reprises, l’ensemble porte en mémoire dans ses fondations et matériaux d’origine, ses différentes fonctions, ne cessant pour autant de se mirer dans la rivière Nive, pile à l’endroit où celle-ci va se mêler à l’Adour avant de rejoindre l’océan. Sur l’un de ses flancs, la maison, du temps où elle était hôpital, disposait d’une tour d’abandon, dispositif qui permettait de déposer discrètement un bébé trouvé ou non désiré. Système que l’on trouve encore dans le monde. En attendant elle est devenue musée avec, du sol au sommet, plusieurs étages concentrant cet esprit basque dont l’origine et la langue remontent à des temps fort lointains. Continuer la lecture

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