Nouvelles musicales

Deux événements bien différents occupent le milieu de la musique classique ces derniers temps. Le premier a fait l’effet d’une bombe, tellement il est inhabituel de voir un tel article dans Le Canard Enchaîné. Dans son édition du 22 mai dernier, l’hebdomadaire satirique dénonce l’acharnement sexuel contre certaines musiciennes et musiciens de l’un des chefs d’orchestre français les plus connus et appréciés dans le monde nommé François-Xavier Roth, surnommé « FX » (52 ans). Il ne s’agit pas seulement d’un article, mais d’une véritable enquête à charge, qui s’ouvre par les multiples titres de l’homme incriminé: il a fondé l’orchestre des Siècles en 2003, pour jouer tous les répertoires et adapter ses formations au programme choisi (instruments anciens pour le baroque, modernes pour le reste). Artiste associé à la Philharmonie de Paris, il a remporté une Victoire de la musique en 2018 et repris l’Atelier lyrique de Tourcoing (quatre siècles de musique) la même année, tout en cumulant d’autres honneurs auprès du fameux London Symphony Orchestra (LSO) ou à la tête de l’orchestre de l’Opéra de Cologne.
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La narine de Dieu

Le mois dernier, l’indiscret télescope James Webb en suspension dans l’espace lointain, a détecté une collision censée s’être produite 740 millions d’années après la naissance de l’univers, soit très longtemps avant le percement de l’avenue de Rivoli, également riche en incidents de circulation. Et comme tout le monde désormais, que cela se passe à 1,5 million de kilomètres ou dans l’axe Concorde-Châtelet, le télescope prend des photos. Sauf que celles que nous postons sur Internet plongent très peu dans le passé alors qu’en millions d’années, sapristi quel cliché. Quand Nicolas Copernic, à 24 ans, repéra l’occultation de l’étoile Aldébaran par la Lune, le 9 mars 1497, c’était déjà un exploit. Mais au rythme où vont les choses, l’œil perçant de nos jumelles de théâtre bodybuildées crèvera encore d’autres mystères et, d’années-lumières en années-lumières qui sait, il surprendra peut-être un jour la narine de Dieu, au moment pile où il s’apprêtait, le doigt dans son orifice nasal, à faire sauter le bouchon du big bang. Continuer la lecture

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Du papier et une contrebasse pour raconter Camille Claudel

“Du rêve que fut ma vie”, tel est le titre du spectacle conçu par la compagnie Les Anges au Plafond sur la sculptrice Camille Claudel (1864-1943). “Du rêve que fut ma vie”, la première partie s’entend, la seconde ayant été, comme chacun sait, celui d’une recluse dans un asile d’aliénés, cachée et oubliée de tous. Camille Claudel, c’est un talent fou et trente années de création passionnée suivies de trente autres en réclusion forcée, sans plus sculpter. Une femme empêchée dans sa vie et dans son art. Mais il serait réducteur de la présenter à l’aune de ce destin tragique. Pour raconter cette créatrice de génie, Les Anges au Plafond sont partis de la correspondance de l’artiste et ont utilisé leur matériau de prédilection, le papier. Sous les mains expertes d’une comédienne-marionnettiste, la feuille se transforme, comme jadis la glaise sous celles de Camille Claudel… Continuer la lecture

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Blanquette aux abois

De la chèvre de monsieur Seguin, l’on se souvient surtout du début et de la fin. Et moins du milieu car Blanquette tout à sa joie de gambader dans un environnement champêtre et montagnard parmi mille friandises à brouter, rencontra, avant le contact fatal, un groupe de chamois qui s’empressèrent de lui faire du charme. Tellement la gaieté la rendait attirante, surtout avec sa belle paire de cornes. Il y eut une compétition emportée par l’un des jeunes chamois à pelage noir, lequel l’emmena parmi à l’écart en frôlant les grands campanules bleues et les « digitales de pourpre à longs calices » dont elle avait savouré les sucs subtils peu avant. Grand séducteur lui-même, Alphonse Daudet (image ci-dessus) ne se lança pas dans la description charnelle de la suite. Et se contenta d’inviter le lecteur curieux à demander les détails aux « sources bavardes qui courent invisibles sous la mousse ». Les générations d’enfants ayant lu ou écouté cette histoire courte, cet apologue, se souvenaient davantage de la nuit qui tomba, des yeux brillants du loup, de ses oreilles courtes, passant tout à sa convoitise « sa grosse langue rouge sur ses babines d’amadou ». Continuer la lecture

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Clavecins pour gigues et sarabandes

Wanda Landowska, avait décidé d’aller au-delà de la partition, de creuser un peu la profondeur, afin de mieux comprendre sa passion pour Bach. Elle s’y était mise en arrivant à Paris en 1900 alors qu’elle avait 21 ans (1879-1959) et déjà une réputation de pianiste qui passait les frontières. Jusqu’à finir par réaliser après nombres de visites de musées, de lectures de documents, que les œuvres de Bach pour clavier se devaient d’être « jouées sur l’instrument pour lequel elles avaient été composées ». Elle se mit donc à la recherche d’un clavecin sans en trouver un de satisfaisant. Elle se souvenait avoir joué une suite au clavecin avec le pianiste et organiste Gabriel Fauré (1845-1924) assise à côté d’elle mais la frustration persistait.
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Cinquantenaire de l’élection d’une particule

Ce 19 mai 1974, à 20 heures, seul devant son téléviseur, Valéry Giscard d’Estaing savourait son élection à la présidence de la République. Encore pour peu de temps ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement Messmer, il occupait un appartement de fonction dans le pavillon Turgot du palais du Louvre. Sous les ors de ce décor Napoléon III, il se sentait assurément plus d’Estaing que Giscard. Et pour cela, grâces soient rendues à son père Edmond, qui avait su procurer un nom prestigieux à sa lignée. En quelques clics sur le mulot, il est possible de retracer cette belle aventure. Tout d’abord, un petit point de droit: selon l’article 61 du code civil, « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de nom ». Ceci, par égard pour les dénommés Bitodeau, Connard, Zbyniewskipetrovitchi ou Landru, échappant ainsi aux quolibets. La disposition permet également de « relever un nom en voie d’extinction », c’est-à-dire de l’adopter pour l’empêcher de disparaître. Ce, par la validation du Conseil d’État. L’institution n’est pas très sourcilleuse quant à l’intérêt légitime. Elle dispense, en outre, de la nécessité d’un lien direct avec le patronyme espéré. Il est possible de remonter jusqu’à « un ascendant collatéral du demandeur au quatrième degré ». Sauf, bien sûr, opposition d’un tiers habilité. Continuer la lecture

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L’oublié de Prague

Ce n’était pas forcément une bonne idée. En tout cas, l’information et la requête qui l’accompagnait avaient tout du cadeau empoisonné. J’avais cru bon de signaler à mon ami, en partance pour un week-end à Prague, qu’il y trouverait une curiosité ignorée des milliers de touristes envahissant la ville. Je savais mon ami sensible à la poésie; cette curiosité n’était autre qu’un buste d’Apollinaire (photo) que les Praguois, très admiratifs, ont érigé dans leur ville il y a une douzaine d’années pour y commémorer la venue du poète en 1902. Ce séjour avait été à l’origine du célèbre conte « Le Passant de Prague », publié d’abord dans La Revue Blanche deux mois seulement après la visite, puis en 1910 dans « L’Hérésiarque & Compagnie ». On connaît les circonstances de ce voyage. Engagé comme précepteur de la fille d’une vicomtesse en Rhénanie, Guillaume, alors âgé de 21 ans, avait mis à profit ce séjour pour découvrir les régions avoisinantes.
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Les Possédés d’Illfurth ou la puissance salvatrice du théâtre

Le Munstrum Théâtre ne cesse d’avoir le vent en poupe. Et c’est bien normal, compte tenu du talent et de l’originalité de cette compagnie, déjà mentionnée dans Les Soirées de Paris (1). L’Académie des Molières ne s’y est pas trompée en lui décernant cette année deux récompenses, le Molière du Théâtre Public pour son spectacle “40° sous zéro” (d’après Copi) et celui de la Mise en scène dans un spectacle de Théâtre public pour son metteur en scène Louis Arène, co-fondateur, avec Lionel Lingelser, du Munstrum Théâtre. Pas moins de trois spectacles de la compagnie étaient cette saison à l’affiche du Théâtre du Rond-Point. “Les Possédés d’Illfurth”, le dernier en date, s’avère là encore une véritable claque artistique. Dans un solo époustouflant, Lionel Lingelser mêle le récit d’une légende à celui d’une fêlure plus intime, et livre un flamboyant hommage à l’art théâtral. Continuer la lecture

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L’esprit des jardins

« J’adore travailler dans des sites historiques parce que ce sont des intelligences de lieux. » disait le paysagiste Louis Benech. C’est bien d’intelligence des lieux dont il est ici question s’agissant de deux espaces verts de Seine Maritime gérés par le département: le jardin de l’abbaye de Saint Martin de Boscherville et le Parc de Clères situé à 30 km de là. Dans les deux cas l’intelligence des lieux a perduré par delà les siècles et le temps qui passe. Le temps des jardins est un temps long. Les moines bénédictins mauristes arrivent en 1659 à Saint Martin de Boscherville et commencent les plantations en 1680.
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La leçon de tango

Il est huissier. Il a l’habitude de grimper pesamment aux étages pour délivrer des injonctions. Et parfois, il est accompagné de la police, d’un serrurier et de déménageurs. Il a repris l’étude de son père. Dans une scène singulièrement étouffante, on voit Jean-Claude Delsard accueillir, avec sa collaboratrice,  un nouveau venu. Pour l’occasion on débouche le champagne, mais les mots ne viennent pas. Rien ne vient déclencher ce que l’on pourrait appeler un début de conversation. Et puis quand l’assistante ou clerc s’absente, on comprend avec le tutoiement soudain entre les deux hommes que le petit nouveau est le fils du premier. Et que la continuité de ce métier de chien, ingrat, peut-être bien payé, sera assurée. Personne ne rigole dans le bureau empli de dossiers et de tampons et rien qu’avec tout ça il serait bien difficile de bâtir une histoire, bien compliqué d’en faire un film. Et encore moins une poésie à moins que l’on ne trouve le moyen d’en détourner le sens. Mais l’auteur Stéphane Brizé, avec son film (2005) parfaitement titré « Je ne suis pas là pour être aimé », a réalisé ce tour de force. Grâce au tango et sa science spatiale du déplacement.
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