Arthur Rimbaud n’habite plus à l’adresse indiquée

À Charleville, il n’est plus possible de déposer un courrier à l’attention d’Arthur Rimbaud dans la boîte aux lettres spécialement installée à l’entrée du cimetière où repose le poète. En 2023, une tempête a eu raison de ce précieux équipement qui, depuis 2005, recueillait les nombreuses missives envoyées par ses admirateurs: aveux intimes, confidences, témoignages de gratitude, petits poèmes… On s’adresse à Rimbaud comme à un frère. À l’entrée de ce cimetière de l’avenue Charles Boutet, un panneau informe les « pèlerins »: « Dans l’attente d’une nouvelle création, nous invitons les visiteurs à laisser leur courrier à Arthur dans la boîte aux lettres du gardien où il sera précieusement gardé ».
L’installation d’une nouvelle boîte est prévue. Le nouvel équipement, pour lequel la municipalité a lancé un appel à projet, devra être une création originale tout en respectant les normes fixées par La Poste, notamment pour ses dimensions.  On pourra donc toujours écrire au plus révolté des poètes, mais en se conformant à la réglementation. Continuer la lecture

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Le surréalisme sauf erreur

Pour Aragon, l’amour frôlait le « délit », l’erreur constituait un « royaume noir », et le surréalisme était un « vice ». De telles affirmations n’invitent pas au bâillement, au contraire, elles suscitent même un levé d’au moins une paupière et l’on se dit tiens, voilà qui est intéressant, enfin non conforme. Alors que le Centre Pompidou vient d’ouvrir une exposition sur les cent ans du surréalisme, il est intéressant d’ouvrir « Le paysan de Paris », livre de Louis Aragon (1897-1982), rédigé à partir de 1923 et publié en 1926. Le texte enjambait chronologiquement l’apparition officielle du surréalisme, sous la forme d’un manifeste publié par l’ami du premier, André Breton (1896-1966). « Le paysan de Paris » est un titre trompeur, mais son contenu est la plupart du temps de haute volée. On sent que le jeune homme de l’époque qu’était Aragon, bouillonne de génie intérieur et il n’est pas une page qui ne contienne quelque chose d’aiguisé à s’en couper les doigts. Il y présente le surréalisme sans crier gare, comme un vice donc, né à partir d’un mot formé en son temps par Guillaume Apollinaire. Continuer la lecture

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Polars très mexicains

L’âge d’or du cinéma mexicain des années 1940 et 1950, alors universellement célébré puis tout simplement oublié, est demeuré culte pour la génération actuelle des cinéastes mexicains comme Inarritu, Cuaron, ou Guillermo del Toro. Une société française de distribution pointue, Les Films du Camélia, s’est donnée pour vocation récente de les faire redécouvrir. L’an dernier, la société a frappé un grand coup en annonçant dans les salles la sortie de « Polars mexicains – Cinq chefs-d’œuvre inédits en France », repris cette année par certaines chaînes du petit écran (dont Canal Plus et Ciné Classic (SFR)). À l’époque, on traitait ces films de mélodrames, probablement parce que mexicains, un peu comme alors les films de Douglas Sirk furent injustement qualifiés de « mélos » à leur sortie aux États-Unis. Mais que dire aujourd’hui de ces films, notamment des deux signés par Julio Bracho, qui se détachent du lot ? Si ce sont des « mélos », ce serait alors dans le meilleur sens du terme: une façon de plonger dans l’intrigue et les péripéties de manière directe, sans préambule, sans psychologie, avec des personnages aux destins extrêmes et aux réactions flamboyantes. Continuer la lecture

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Six enquêtes de poche

Picasso n’a eu de cesse, en 1957, de harceler le mystère des « Ménines », œuvre due au peintre espagnol Diego Velasquez. Un documentaire passionnant de dix minutes, bientôt visible sur Arte, s’est attaqué au secret d’un personnage secondaire qui figure à droite de l’infante, quand on fait face à cette toile exécutée en 1656. C’est une naine, enano. Elle toise le visiteur sur cette toile célébrissime, fleuron des collections du Prado, à Madrid. Mais qui était-elle? En dix minutes chrono, cette enquête de poche nous dit tout. Elle s’appelait Marie Barbola. Sa présence s’inscrivait dans une mode européenne où les cours appréciaient la présence de nains. Il existait même un « vivier » à Saragosse, mais on se les procurait un peu partout. Sauf cette Marie Barbola venant d’Allemagne et qui fut invitée à y retourner quand elle eut cessé d’amuser la royauté. Tout cela peut paraître aussi lointain que honteux, mais le documentaire nous rappelle qu’en France, il a fallu attendre 1995 pour que le Conseil d’État valide une interdiction de confondre les nains avec des jouets. Continuer la lecture

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Polyvalence

Il est aussi immédiatement identifiable que la houppelande du Père Noël, le couteau suisse! D’un point de vue morphologique, il se présente comme un canif de poche multifonctionnel, doté d’une lame à laquelle s’associe un nombre variable d’outils. On en compte cinq, pour l’exemplaire basique, jusqu’à trente trois (1) pour le dénommé Swiss Champ. Au cours de l’année 1891, dans un compréhensible souci d’autonomie, l’armée suisse souhaita mettre fin à ses accords de fourniture avec la maison Wester, de Solingen. Il était préférable de ne plus dépendre du Reich, et de son kaiser un peu fantasque, pour l’équipement personnel du fantassin helvète. Elle ouvrit donc un concours national pour la fabrication d’un couteau pliant, devant servir à la fois à se nourrir, et à démonter le fusil d’ordonnance. Un maître coutelier d’Ibach, canton de Schwyz, nommé Karl Elsener, l’emporte. Sa proposition se compose d’une lame, d’un ouvre-boîte, d’un tournevis plat, d’un poinçon et d’une scie. Le manche est garni de bois dur, chêne noirci le plus souvent. Continuer la lecture

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Apollinaire à la barre sur le canal de la Brenta

Il suffit parfois d’un trait plaisant pour rendre tout à fait digeste un aparté d’érudition. Lorsqu’il s’intéresse à l’écrivain italien Giorgio Baffo (1694-1768), Apollinaire mentionne que les écrits licencieux du susdit couraient la ville de Venise où il vivait, et surtout que « les jeunes femmes les lisaient en goûtant des sorbets ». Cette précision rafraîchissante devait paraître en 1914 dans un recueil de textes intitulé « Les diables amoureux », mais la guerre mit un terme au projet et il fallut attendre 1964, soit quarante-six ans après la mort de Guillaume Apollinaire pour le voir en librairies. Son chapitre sur « le » Baffo donne d’intéressantes informations et en cèle au moins une. Apollinaire donne notamment la parole à Giacomo Casanova (1725-1798) qui avait connu cet écrivain, réputé parler comme une vierge et écrire comme un satyre. Nous sommes ici entre grands séducteurs et Apollinaire choisit un passage où Casanova, âgé seulement de neuf ans, fut conduit à Padoue en burchiello pour y être mis en pension. Le burchiello étant une sorte de maison couverte installée au milieu d’un bateau, telle que l’on peut en voir un modèle sur une toile de Canaletto (vue partielle ci-dessus). Continuer la lecture

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La ville aux trois musées

« Un futuro c’è stato », Il y a bien eu un futur, ainsi s’intitule l’exposition temporaire consacrée à Lucio Fontana (1859-1968) au Musée Soulages, mais cette belle expression peut s’appliquer à l’étonnante vie muséale qui caractérise Rodez. La préfecture de l’Aveyron, département rural s’il en est, a abrité des artistes comme des mécènes, qui reconnaissants ont participé à la création de trois musées, particulièrement bien dotés et dynamiques. Le plus ancien, inauguré en 1914, est né de la volonté du sculpteur Denys Puech (1854-1942) de créer un « sanctuaire de l’art aveyronnais » et pour cela a fait don à la ville d’un important fond de sculptures et de dessins. Dans son écrin très Beaux-arts, le musée (qui porte le nom du donateur) reste incontournable, notamment pour les gravures d’Eugène Viala (1859-1913) qui inlassablement a transfiguré les paysages ruthénois.
À quelques pas de là, le Musée Fenaille est installé dans un ancien hôtel particulier, don de l’industriel et collectionneur d’art Maurice Fenaille à la Société savante qui depuis 1837 réunissait des collections d’archéologie, d’art et d’histoire. Continuer la lecture

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Festival d’Avignon 2024 (Partie 2) : quelques merveilleux seuls en scène

Le comédien Mikael Chirinian a adapté à la scène le roman d’Olivier Guez “La Disparition de Josef Mengele” (1), prix Renaudot 2017, relatant la cavale du criminel de guerre nazi Josef Mengele (1911-1979). Affecté à la sélection des prisonniers à Auschwitz, ce médecin entiché de génétique se livrait à de monstrueuses expérimentations sur les détenus. Réfugié en Argentine, terre d’asile des anciens nazis, celui qu’on surnommait “l’ange de la mort” n’eut de cesse de changer de lieu et d’identité, échappant au Mossad pendant plus de 30 ans. C’est une des plus captivantes chasses à l’homme du 20ème siècle! Dans une mise en scène et une scénographie des plus sobres, le comédien, quasi statique, joue l’adresse au public. Entre distance et incarnation, il porte le récit à la seule force de son jeu puissant et sensible. Continuer la lecture

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Festival d’Avignon 2024 (Partie 1) : des bonheurs de scène

Cette année encore, le Festival d’Avignon nous a offert de grands moments de bonheur. Retour sur quelques coups de cœur du off dont les reprises sont à guetter.
En cette année Pagnol, la compagnie Cartoun Sardines reprend “Angèle”, son adaptation du film de l’auteur de la Trilogie marseillaise. L’alliance théâtre-cinéma-musique, dans laquelle la compagnie marseillaise excelle, fait ici encore merveille. Nous assistons simultanément à l’histoire d’Angèle et au tournage du film. Avec un rail de travelling et un praticable pour tout décor, six interprètes débordants d’énergie se partagent la distribution, jouant tantôt les personnages du film, tantôt l’équipe technique du tournage. Dans un rythme soutenu, apartés et commentaires vont bon train. C’est d’une drôlerie et d’une inventivité folles ! Le spectacle se jouera le 20/09 au Festival Les Provençades (13). Continuer la lecture

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Egyptomania

Il peut arriver qu’au cœur de l’été, on saisisse un livre choisi au hasard dans sa bibliothèque, et que ce livre encore jamais lu soit « Le Roman de la momie » de Théophile Gautier. Voyons… Théophile Gautier… Théophile Gautier… de (très) lointains souvenirs de lycée remontent à la surface… « Capitaine Fracasse » … « Emaux et camées » … Complètement oublié aujourd’hui tout ça… Et l’auteur lui-même, tout autant. Mais pourquoi cette histoire de momie égyptienne ? Tout simplement parce qu’elle renvoie à l’égyptomania de l’époque, ce dix-neuvième siècle lui aussi oublié aujourd’hui dont Théophile Gautier fut une figure des plus typiques, dans tous les sens du terme, avec cheveux longs, barbe et moustache pointue. Né en 1811 à Tarbes et mort à Neuilly-sur-Seine en 1872, non seulement il sut lire, paraît-il, dès l’âge de cinq ans, non seulement il eut pour condisciple au collège Charlemagne le futur Gérard de Nerval, mais à dix-huit ans il fut adoubé comme disciple par Victor Hugo, qu’il prit instantanément pour maître. Et se distingua avec son gilet rouge lors de la bataille d’Hernani le 25 février 1830, cette bataille homérique qui vit s’affronter autour de la pièce de Victor Hugo les « classiques » et les « romantiques », les réacs et les jeunes turcs. Bataille dont on pourrait s’amuser à trouver quelques similarités avec le déchaînement de réactions autour de la soirée inaugurale des JO Paris 2024 le 26 juillet dernier…toutes proportions gardées bien sûr… Continuer la lecture

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