Hendrix flambe encore

Cela fait 48 ans que Jimi Hendrix a disparu et voilà qu’il nous fait signe depuis un espace lointain dont il nous avait donné un avant-goût avec sa guitare. Il ne s’agit pas ici d’une compilation frelatée. Non, la plupart des morceaux sont connus mais ils sont interprétés autrement. « Both sides of the sky » est juste une pure merveille. Un album de Jimi Hendrix sorti des archives et dont le style tout à la fois rock and roll et cosmique n’a strictement rien perdu de sa flamboyance.

Un autre disparu avait publié en 1995, un livre sur le guitar-heroe. Journaliste, photographe et critique d’art, Alain Dister avait raconté son voyage à New York, en 1966 avec son appareil-photo en bandoulière. Il était parti dans un vieux DC6 vers cette Amérique qui allait s’ouvrir lentement aux folies des drogues, du sexe et du rock and roll sur fond de guerre au Vietnam.  Alain Dister loge au Greenwich, un hôtel pour « poètes fauchés », « tricards » et autres « junkies ». Il fréquente des lieux où l’on s’encanaille comme le Figaro, le Garrick ou le café Wha. Dans ce dernier lieu raconte-t-il, un musicien qui veut se produire doit arriver tôt dans l’après-midi son instrument sous le bras. Toute une contre-culture y prend naissance. On y trouve de jolies filles dit-il, de l’aventure, des drogues tout à fait nouvelles. Et puis un soir, un type se présente avec sa guitare, il s’appelle Jimmy James et « fait des trucs » que personne n’avait jamais osé jusqu’à ce moment. Le futur Jimi Hendrix fait son entrée dans le monde. Il maltraite tellement les amplificateurs que l’organisateur du lieu préfère le faire passer en dernier au cas où cela provoquerait un court-circuit général.

Suivant son (bon) instinct, Alain Dister commence à photographier Hendrix. De beaux clichés sensibles en noir et blanc. Il accompagne le musicien à Paris en 1967. On le voit notamment à la douane de l’aéroport face à un douanier français à képi qui examine le passeport de celui qui allait devenir (et rester) un demi-dieu. Plus loin il porte cette veste à brandebourgs, marque vestimentaire d’un anti-conformisme affiché.

Sa carrière internationale va durer seulement quatre ans. Hendrix va mourir jeune en 1970 à Londres, très jeune, trop jeune, à l’âge de 27 ans. Prince de la distorsion, il exploite avec un génie étourdissant toutes les ressources possibles du larsen et la pédale wah-wah. À des années-lumières de la guitare sèche, Jimi fait littéralement parler son instrument. Tantôt le son qu’il produit a des délicatesses de couturière de l’espace (« Up from the sky ») créant un univers totalement nouveau, tantôt sa capacité hors-normes à utiliser les possibilités techniques de l’époque lui permet par effet de saturation de détruire et d’une certaine façon de reconstruire l’hymne américain, comme il le fit au légendaire festival de Woodstock. Sans compter sa voix à lui, tout à la fois énergique et sensuelle et qui s’identifie à mille pas.

Avec Jimi Hendrix les codes de la musique moderne ont implosé. À lui tout seul, cet autodidacte originaire de Seattle a donné naissance à toutes sortes d’épigones, tout comme Picasso l’a fait dans la peinture. Il a brûlé sa guitare sur scène marchant sans le savoir sur les traces d’un certain Alberto Savinio qui brisa son piano dans un concert organisé par Les Soirées de Paris en 1914, boulevard Raspail. Hendrix est un héros comme on n’en fait plus. De tous ceux qui l’ont rencontré, il était en outre décrit comme un chic type avec lequel partir en soirée ouvrait la voie à toutes sortes de péripéties.

Hendrix enfin c’est une époque révolutionnaire hélas bien close. Dont on peut avoir un juste aperçu si l’on se procure chez les bouquinistes le livre de Alain Dister au style journalistique abouti tout comme ses belles photos en noir et blanc. Quant à l’album « Both sides of the sky », il est si bien fait, qu’un néophyte que ces lignes aurait intrigué, pourrait commencer par là. Il est même disponible en 33 tours, c’est bien le moins. Et dans les deux cas, c’est une succession de pépites pour les oreilles. Le son d’une époque.

 

PHB

« Both sides of the sky » (Sony Music)

« Ezy Rider » , « En voyage avec Jimi Hendrix » Alain Dister éditions du Seuil

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